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Flottille : le témoignage de l’ancien maire de Genève Rémy Pagani (vidéo)

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Après six jours de détention dans la prison israélienne de Ktzi’ot, neuf ressortissants suisses de la GlobalSumudFlotilla ont posé le pied sur le sol genevois. Parmi eux, l’ancien maire de Genève, Rémy Pagani. Traumatisé et très ému, il s’est confié à la «Tribune de Genève» dans un taxi pour regagner son appartement du centre-ville.

« Monsieur Pagani, vous venez de rentrer à Genève, comment allez-vous?

Vous savez, le principe des traumas, c’est de dire que tout va bien quand on rentre, puis de faire une petite dépression ensuite. Et je peux vous dire que nous avons été traumatisés.

Par vos conditions de détention?

Oui. Dès notre arrivée sur le port, nous avons été maltraités et humiliés. C’était indigne. Ils voulaient nous faire comprendre qu’à leurs yeux, nous étions des bêtes. Je l’ai compris quand on a passé deux heures à genoux, la tête contre le bitume.

Je me suis dit: «Là, ça va mal se passer.» Et ça a été crescendo. Quand le ministre israélien Itamar Ben-Gvir est venu nous voir, un membre de la flottille a eu le courage de sortir un drapeau palestinien en criant «Free Palestine». Il s’est fait emmener et tabasser. Je l’ai retrouvé plus tard avec une côte cassée et des bleus partout. Mais on sentait qu’ils s’étaient contenus. Je crois que la pression internationale nous a évité d’être torturés.

Que s’est-il passé après?

Ils nous ont fait retirer tous nos vêtements, même les lacets. Nous avons été transportés dans un fourgon entièrement fermé, pour ne pas voir où nous allions.

Puis, ça a été l’enfermement…

Nous étions quatorze dans une cellule de 23 mètres carrés, avec une seule toilette. Je ne sais pas si vous arrivez à imaginer. J’ai été visiteur de prison pendant dix ans, je sais qu’il y a quelque chose d’humain chez les gardiens. Mais là, non. On sentait qu’ils étaient investis d’une mission, de quelque chose. Nous étions les esclaves et eux les maîtres. Je ne souhaite à personne de vivre ça.

Vous avez été privé de vos médicaments?

Heureusement, j’avais pu en cacher quelques-uns dans ma ceinture. Ça, et mes lunettes de vue, ce sont les deux seules choses que j’ai pu conserver de ce qui constitue mon identité. Mais je peux vous dire qu’il n’y avait pas de médecin. Ils refusaient de nous apporter des soins, ils disaient: «Pas de médicament pour les animaux.»

Comment était la vie dans cette cellule?

Nous étions comme dans un chenil. C’est dur de dire ça, mais ce sont les réflexes humains. Il y a les chiens qui se terrent au fond, en silence, et ceux qui hurlent pour conjurer la peur. Certains criaient «Free Palestine» dans la cellule. On a réussi à les calmer pour éviter d’envenimer la situation.

Avez-vous rencontré des prisonniers palestiniens?

Non, nous n’étions qu’avec des membres de la Flottille. Les hommes et les femmes étaient séparés, mais en discutant avec mes camarades hier soir, j’ai compris que les femmes avaient vécu la même chose. Je tiens d’ailleurs à souligner leur courage.

Je n’ai pas vu un seul élu français ou suisse, mais beaucoup de femmes, à l’image de la députée française Rima Hassan ou de l’ancienne maire de Barcelone Ada Colau. J’ai vécu une solidarité internationale incroyable. J’ai dormi à côté d’un Irlandais du Nord, rencontré un professeur d’université marocain de 80 ans qui avait conduit un bateau. Des Philippins, des Français, des Néo-Zélandais… Ça m’a rassuré et réchauffé le cœur de me dire que nous n’étions pas seuls.

Le ministre israélien Ben-Gvir a affirmé dans une vidéo qu’il n’y avait aucune denrée alimentaire dans les navires de la Flottille…

Alors moi, j’ai dormi dans ce bateau et je peux vous dire qu’il y avait du lait en poudre partout. C’est de la propagande. Il a beau dire, c’est lui qui bloque les camions d’aide humanitaire depuis trois ou quatre mois, alors que les Conventions de Genève l’obligent à les laisser passer.

En partant pour Gaza, vous ne vous attendiez pas à un tel traitement des forces israéliennes?

J’avais conscience que nous allions en zone de guerre, on avait pris nos responsabilités. Mais je pensais humblement qu’avec ma casquette d’ancien maire, j’allais peut-être, en quelque sorte, protéger les gens de la Flottille. Et quand j’ai vu Rima Hassan se faire déchirer son écharpe tricolore, j’ai compris qu’il était inutile de dire que j’avais été maire de quoi que ce soit. Ça ne servait à rien. D’ailleurs, je ne l’ai jamais dit. C’étaient eux, les seigneurs.

Pourquoi n’avez-vous pas été libérés en même temps que les neuf premiers Suisses rentrés dimanche?

Car j’ai refusé de signer un document admettant que j’étais en tort. Nous sommes passés devant un juge, c’était une parodie de justice. Je pensais que je pourrais lui dire que c’étaient eux qui étaient dans l’illégalité, que j’étais sur le territoire palestinien, qui a d’ailleurs été reconnu par plusieurs pays juste avant notre rapt. Mais même le juge tremblait, nous étions entourés de ninjas avec leurs kalachnikovs. Il y avait une traductrice par téléphone, je lui ai dit que je refusais de signer quoi que ce soit.

Vous avez fini par signer?

Jamais. J’ai toujours dit que j’étais là légalement, il n’y a pas eu d’infraction. Si j’en ai l’occasion, je déposerai plainte contre ces manières de faire.

Il y a eu de grosses manifestations à Genève suite à l’arrestation des militants de la Flottille…

J’ai honte politiquement. Le Conseil municipal de la Ville de Genève est la seule instance qui sauve l’honneur, car elle a accepté une motion demandant le soutien des Conventions de Genève.

Au niveau du Canton, le Grand Conseil s’est déshonoré et je n’appellerai plus les membres de l’Exécutif des «conseillers d’État». De même que le Conseil fédéral. Ils ont appuyé le gouvernement israélien, ils ont soutenu Netanyahou. Et ça, c’est inadmissible. Parce que nous, la Suisse, nous sommes porteurs des Convention de Genève et quand il y a des enfants qui meurent, on va à leur secours. (Sa voix se brise, il pleure.)

(…)

Cette semaine à Genève, on a beaucoup parlé de Rémy Pagani, davantage que de Gaza. Est-ce que ce n’est pas le risque en envoyant des personnalités publiques dans ces missions?

Je trouvais juste que c’était important… (Il pleure encore, saisit un mouchoir.) C’était important de tendre la main, de ne pas rester ici à faire des manifs après lesquelles on rentre chez soi, on revient la semaine d’après et rien ne change. Quand je vois les mobilisations qu’il y a partout, je me dis que ça a servi à quelque chose.

Qu’allez-vous faire maintenant?

Là, je vais me reposer et vivre mon trauma, car il faut en parler. Je sais que ma famille va m’aider à vivre ça à peu près correctement. Mais je serai à la manifestation de Berne samedi, car je vais continuer à me mobiliser pour les habitants de Gaza. C’est pour eux que j’étais là-bas. Ce n’est pas de moi qu’il s’agit, mais des 2 millions de personnes qui vivent l’horreur.

CAPJPO-EuroPalestine

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