Les avocats français Gisèle Halimi et Daniel Voguet ont pu rendre visite à Marwan Barghouti dans sa prison. Article de Françoise Germain-Robin, publié lundi par L’Humanité.
« Gisèle Halimi et Daniel Voguet ont rencontré Marwan Barghouti vendredi matin ( 6 septembre 2002 ) au parloir de la prison israélienne où il est enfermé depuis près de cinq mois. Les deux avocats français, membres de l’Association pour la justice au Proche-Orient, qui regroupe 70 avocats, étaient les premiers étrangers à pouvoir s’entretenir avec le chef du Fatah de Cisjordanie depuis son arrestation par l’armée israélienne. En compagnie de son avocat, Boulos Jawad, ils ont pu s’entretenir avec lui pendant une heure.
» Ce fut un moment extrêmement émouvant « , dit Daniel Voguet ,qui décrit un homme » ouvert et sympathique « . » Marwan Barghouti était visiblement touché et heureux de notre visite. Nous n’étions pas certains qu’elle puisse avoir lieu, même si l’ambassadeur d’Israël à Paris, Elie Barnavi, rencontré avant notre départ, nous en avait donné l’assurance, tout en nous expliquant que nous ne pourrions pas prendre part à sa défense car il faut pour cela être inscrits au barreau d’Israël. »
En compagnie de Gisèle Halimi, il était arrivé à Tel-Aviv jeudi, jour d’une séance houleuse du tribunal, dont Marwan Barghouti contesta la compétence, refusant de prendre l’acte d’accusation et lançant au procureur : » C’est vous qui devriez être à ma place. » Insulté par des parents de victimes d’attentats, il leur dit : » C’est la politique d’Israël qui est la cause de votre malheur « , avant que ne soit notifié le report du procès au 3 octobre.
Daniel Voguet raconte : » Il nous a dit qu’il avait refusé l’avocat désigné par le tribunal, auquel il dénie tout droit de le juger. Il entend assurer lui-même sa défense, car c’est un procès politique. Israël veut faire le procès de l’Intifada. Lui-même veut faire celui de l’occupation israélienne. Il estime que le fait qu’on l’ait mis en prison alors qu’il est membre du Parlement, élu par le peuple, montre une volonté d’humilier à travers lui tout le peuple palestinien. » Notre combat est juste, nous a-t-il dit, et la violence actuelle ne nous incombe pas. Elle incombe à Israël : si l’occupation cesse, la violence cessera. Je reconnais l’Etat d’Israël et je suis prêt à négocier avec lui ; je pense toujours que la solution doit être deux Etats pour deux peuples. Mais Israël doit savoir que l’Intifada continuera aussi longtemps que l’occupation durera. » Manifestement, c’est le message qu’il entend faire passer à l’occasion de son procès.
Les deux avocats français ont également évoqué la question des attentats suicides. » Il nous a dit, précise à ce sujet Daniel Voguet, qu’il n’approuvait pas les attentats à l’intérieur du territoire d’Israël, surtout lorsqu’ils visent des civils. Pour lui, la lutte armée doit être circonscrite aux territoires occupés, car elle a pour cause l’occupation et elle cessera si l’occupation cesse. »
L’avocat français ajoute que Marwan Barghouti leur a dit avoir été torturé. » Il est resté attaché sur une chaise pendant trois semaines et on l’empêchait de dormir. C’est quelque chose de terrible. »
Ref :
Propos recueillis par Françoise Germain-Robin
de l’Humanité du Lundi 9 Septembre 2002
