Plusieurs dizaines de milliers de manifestants opposés au projet guerrier du
gouvernement américain contre l’Irak ont circulé bruyamment au centre-ville
de Washington samedi après-midi, par un temps d’automne radieux.
La foule colorée et très diversifiée, avec des familles de diverses origines
ethniques, des aînés, et surtout des milliers de jeunes, était estimée à
plus de 100000 personnes par les organisateurs, une coalition de groupes
pacifistes américains. La manifestation était considérée comme le plus gros
ralliement pacifiste à survenir à Washington depuis ceux qui ont marqué les
dernières années de la guerre du Vietnam, il y a trois décennies.
Cette manifestation coïncidait aussi avec des marches pacifistes,
d’envergure moindre cependant, dans d’autres villes américaines, dont San
Francisco.
Ailleurs dans le monde, des groupes de quelques milliers de manifestants
pacifistes ont aussi défilé dans les rues de plusieurs capitales, Berlin,
Tokyo, Rome, Mexico et Copenhague, notamment.
À Washington, les organisateurs de la manifestation contre la guerre en Irak
avaient installé leur lieu de ralliement près du long monument de granite
noir qui commémore la guerre du Vietnam, et qui est gravé des noms de
milliers de soldats américains tués, en majorité des jeunes conscrits.
Ce lieu est toujours l’un des plus fréquentés et des plus touchants parmi le
circuit des principaux monuments à Washington, autour du grand parc public
du «National Mall» qui s’étend du Capitole jusqu’au monument de Lincoln,
près de la rivière Potomac.
Mais hier, tous ces environs étaient animés par des dizaines de milliers de
manifestants brandissant des affiches avec des slogans très critiques envers
les projets guerriers de l’administration Bush.
«Pas de guerre pour le pétrole» disait l’un; «Est-ce que tuer des Irakiens
augmente votre sécurité?» demandait l’autre. Un groupe de jeunes adultes
avaient revêtu des T-shirts arborant le slogan «No More Bushit»,
difficilement traduisible…
«La paix est patriotique», lisait-on sur d’autres affiches, ainsi que
«L’Amérique a besoin d’un changement de régime», une version ironique des
propos fréquents du président Bush à l’égard du régime de Saddam Hussein.
Par ailleurs, plusieurs manifestants tenaient des affiches à la mémoire du
sénateur démocrate Paul Wellstone du Minnesota, qui est mort vendredi avec
sa femme, l’un de leurs trois enfants et des adjoints politiques lors de
l’écrasement de leur petit avion. Personnalité appréciée, Paul Wellstone était l’un des principaux élus au
Congrès à s’être prononcé contre l’adoption récente d’une résolution
autorisant le président Bush à utiliser la force militaire contre l’Irak.
Des personnalités qui ont pris la parole hier sur la scène installée sur les
lieux marquant le départ de la marche, dont la comédienne Susan Sarandon et
le révérend Jesse Jackson, ont aussi rendu un bref hommage au sénateur
Wellstone. Puis, avant d’aller prendre les devants de la manifestation, le révérend
Jackson, une célébrité de la gauche américaine, a lancé quelques traits à
l’endroit des politiques de l’administration Bush.
« Partir en guerre contre l’Irak et tuer de nombreuses personnes innocentes serait
immoral», a dit M. Jackson. « C’est en fait une diversion politique de la part du président Bush contre
laquelle nous devons résister, a-t-il souligné. La réalité, c’est que deux millions d’emplois
ont été perdus aux États-Unis depuis deux ans; le chômage et la pauvreté
augmentent; les épargnes de retraite et d’études ont été ravagées par
l’effondrement boursier»
Par ailleurs, l’acteur américain Sean Penn, réalisateur d’Indian Running, Crossroads, The Pledge
se jette résolument dans la lutte contre les plans de guerre de Bush.
Dans une lettre ouverte occupant presque une page entière
du Washington Post, ce qui lui a coûté 60.000 euros, il accuse le président
US d’«étouffer le débat et de menacer les droits des citoyens».
L’acteur de «La dernière marche», «I Am Sam» et une quarantaine d’autres films somme
Bush d’arrêter ce cirque qui «répond aux bombes par des bombes, aux
mutilations par des mutilations, à la mort par la mort». Il s’en prend aussi
durement aux propos tenus par Bush juste après le 11 septembre 2001: «Qui
n’est pas avec nous, est contre nous». Des propos qui «marginalisent toute
critique, manipulent les médias et créent un climat d’angoisse». Avec ce
genre de propos et «les attaques du gouvernement contre les libertés
civiles, vous entrez en contradiction avec le patriotisme que vous prisez
tant» écrit encore Sean Penn.