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A LIRE ABSOLUMENT : LE PILLAGE DES OLIVIERS DE PALESTINE

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28 février – Nous publions ci-dessous deux reportages effectués par des journalistes du quotidien à grand tirage israélien Yediot Aharonot, qui témoignent de la profondeur de l’entreprise de pillage, par les colons et une multitude de complices au sein de la société et de l’Etat israéliens, de l’agriculture palestinienne. Le vol des oliviers palestiniens s’effectue en effet en toute transparence, et dans l’impunité la plus totale.

Traduits en français par Claire Pâque, à partir de l’édition hebdomadaire « Seven Days » du quotidien, ces deux reportages sont très documentés : le premier est écrit par des journalistes qui se sont fait passer pour des acheteurs potentiels d’oliviers déracinés dans les territoires palestiniens occupés. Le second émane de journalistes, les mêmes d’ailleurs, qui ont répondu à une petite annonce pour « participer » à la collecte des olives menée par des colons dans les Territoires occupés et oliveraies palestiniennes.

Note : 1 shekel vaut environ 0,2 euro, et un dunoum (dunam) représente une superficie de 1.000 mètres carrés (un dixième d’hectare) environ.


DERACINÉ
par
Meron Rapaport
et
Oron Meiri

Mercredi, le 13 novembre, la ligne de séparation en face du Kibbutz Magal. Amos, un contremaître de l’entreprise « Les Frères Ben Rahamim », montre la marchandise à ses clients: Une oliveraie sur la colline près du village de Zeita. De beaux vieux arbres, du moins pour quelqu’un qui n’est pas expert en la matière. Il ne nous reste pas beaucoup de temps pour examiner la marchandise. « Ce matin il y a eu une fusillade par ici. Les tirs sont venus de cette fenêtre là-bas, » dit Amos en indiquant une maison tout au bout du village.
Les clients, deux journalistes du journal « Yedioth Aharonot » et un photographe de presse, jettent un dernier regard sur les arbres. Ils nous plaisent et semblent être en bonne santé. On ne voit point de feuilles sèches. Un arbre de cette taille et de cet âge – on nous dit qu’il a plus de cent ans – pourrait se vendre pour 3000 à 5000 Shekel dans une pépinière israélienne. Nous disons à Amos que nous prenons 100 arbres. « Pas de problème », dit-il, « nous en avons autant que vous voulez. » Nous demandons: « Quand pouvons-nous les prendre? » Il répond: « Quand vous voulez. Dites-nous quand, et nous vous apporterons les arbres. »
L’affaire semble en ordre, mais nous devons prouver que nous sommes aussi calés que lui. « Le chef a dit 1000 Shekel par arbre. C’est un prix exorbitant, » disons-nous. Amos est vexé: « 1000 Shekel, c’est bon marché. Il vous a déjà accordé une réduction. Je pourrais vendre un tel arbre pour 3000 Shekel. 1000 Shekel pour un tel arbre, c’est un cadeau! »
Trois jours plus tard nous rencontrons Ahmad Al Rafiq au même endroit, en face de la même colline. C’est un paysan du village de Zeita. Apparemment les arbres qu’Amos nous a offerts si généreusement sont les siens. Mais au fond il n’y a plus d’arbres et plus de colline. Il y a deux jours, les bouteurs ont passé par ici. D’une centaine d’arbres il en reste dix. « J’ai demandé aux responsables d’attendre et de me laisser déterrer les arbres moi-même. Mais il n’y avait rien à faire. Ils ne m’ont même pas permis de m’approcher. Ils ont dit: « Ta gueule, ou nous allons chercher les soldats! » Ils ont tout d’abord coupé les branches et les ont chargées sur un camion. Ensuite ils ont déterré les arbres nus et les ont chargés à leur tour.. » Nous demandons quel âge avaient ses arbres. « Je ne sais pas, » dit Al Rafiq, « j’ai 73 ans, et les arbres étaient déjà là quand je suis né. C’est mon grand-père qui les a plantés. »
Derrière le déracinement des oliviers de Zeita se cache une vaste opération de pillage. Un reportage de « 7 Days » (le supplément de fin de semaine de « Yedioth Aharonot ») divulgue qu’à l’occasion des travaux le long de la ligne de séparation des milliers d’oliviers ont récemment été déracinés. Amos nous raconte que dans la région que nous venons de visiter 5000 arbres ont été déracinés. Et il ne s’agit que des deux ou trois premiers kilomètres d’une ligne qui aura une longueur de cent kilomètres. On estime que ces derniers mois, 20.000 oliviers ont été déracinés. Quelques-uns ont été détruits, d’autres transférés et replantés par les propriétaires palestiniens. Une grande part a été vendue à des pépinières en Israël.
Si seulement1000 arbres ont été vendus – et l’empressement des Frères Ben Rahamim à nous vendre 100 arbres sur le champ, indique que se sont beaucoup plus – il s’agit d’un profit d’un million de Shekel. Les propriétaires palestiniens ne reçoivent pas un centime. Rien.
L’Administration Civile qui devrait se préoccuper du bien-être des Palestiniens, appuie ce pillage. « Vous pouvez prendre autant d’arbres que vous voulez, dites-moi seulement d’où et combien, » nous dit Samir Mu’adi, le responsable de l’agriculture à l’Administration Civile au quartier général à Bet El.
Dans une pépinière dans la région de Sharon en Israël le propriétaire a admis qu’il connaissait l’histoire. Des douzaines d’oliviers sont étalés, les branches coupées; il ne reste que le tronc. Les jeunes arbres coûtent 600 Shekel l’un; les arbres qui ont entre 60 et 70 ans coûtent 1000 Shekel par pièce. Quelques arbres énormes sont rangés séparément: 5000 Shekel par arbre. Nous remarquons un arbre de taille exceptionnelle. « Cet arbre a 600 ans, » nous dit le vendeur. « Il coûte 25.000 Shekel. Nous l’avons trouvé à Akraba. C’était le dernier en Cisjordanie. Il y avait encore environ dix. Nous avons vendu quelques-uns à des communautés locales et une paire à quelqu’un à Savyon » (quartier noble près de Tel Aviv). Le long de la « ligne de séparation » il y avait aussi quelques arbres anciens à un prix élevé. Abd el Jeli, dont les arbres d’environ 70 ans ont été déracinés, se souvient combien les entrepreneurs étaient enchantés de son arbre de 500 ans.
Le propriétaire de la pépinière nous explique le processus: Quand un arbre est déraciné au cours des travaux pour la clôture ou pour des routes de contournement, l’Administration Civile appelle le Keren Kayemet (Fonds National Juif), et celui-ci appelle les pépinières. Les propriétaires des pépinières arrivent et dès lors ce sont eux qui s’occupent de la question du déracinement. Pour un prix approprié ils sont disposés à transporter l’arbre et le replanter dans notre jardin privé. Notre interlocuteur nous assure que dans un an l’arbre aura des branches et portera des fruits.
Quelques faits et chiffres: Un olivier est une merveille de la nature. Ce n’est pas pour rien qu’il est devenu un symbole. Le professeur Shimon Lavi, un expert éminent dans ce domaine, nous raconte qu’il a déterminé l’âge d’un olivier à Ghétsémané, Jérusalem: Un arbre de 1700 ans qui porte encore des fruits. Des résidents arabes en Galilée racontent qu’il y a des arbres de 3000 ans. L’olivier est un arbre robuste et difficile à détruire. Si on le déterre avec précaution et lui octroie les soins appropriés, il y a une garantie de 95 % qu’il s’adapte à son nouveau milieu. Et même s’il n’est pas déterré et soigné correctement, il a tout de même 25 % de chance de survivre, nous explique le professeur.
Le rendement d’une oliveraie moderne en Israël est d’environ 1.5 tonnes de fruits par dunoum; celui d’une oliveraie en Cisjordanie qui ne reçoit que de l’eau de pluie est de 200 à 300 kg de fruits par dunoum. Dans les Territoires Occupés ceci représente une source de revenu très importante. Les olives rapportent près de 60 % du rendement agricole, sans mentionner l’aspect émotionnel et symbolique de cet arbre. Ce secteur de l’agriculture a donc ainsi reçu le coup de grâce. Le rapport de la Banque Mondiale mentionne les éléments suivants quant à l’économie dans les Territoires Occupés, transmis par le Ministère Palestinien de l’Agriculture: Au cours des deux années de l’Intifada 160.000 oliviers ont été déterrés: par l’armée durant les opérations de « découverte » (déracinement par l’armée pour exposer/prévenir les cachettes des terroristes), pour les routes de contournement, durant les incursions des colons, et à présent pour la préparation de la « clôture de séparation ».
Les premiers110 km de cette clôture passent par une région agricole. Des centaines de Palestiniens ont émis des recours contre la confiscation de leurs terres. Dans un village comme Zeita, la ligne de séparation fait disparaître la source de revenu des habitants. 450 dunoum ont été confisqués, 450 autres dunoum sont situés au-delà de la clôture et sont donc hors de leur portée. Mais la Cour Suprême d’Israël a rejeté tous les recours et a adopté le point de vue des forces de sécurité, à savoir que la clôture est indispensable à la sécurité. Les propriétaires en possession de documents qui justifient leurs revendications seront indemnisés.
Que se passe-t-il avec les arbres déterrés sur ces terres? « Les arbres déterrés à cause des travaux pour la clôture doivent être transportés et replantés conformément aux demandes du propriétaire. » C’est la réponse écrite du 3 novembre du Capitaine Gil Limon, conseiller juridique du Commandement Central, à l’avocat de l’organisation Kanoun, Azam Bshara, qui représente les propriétaires des terres aux environs de Qalqilya.
Il est vrai que beaucoup d’entrepreneurs qui participent à la construction de la clôture remettent les arbres aux propriétaires palestiniens. Durant les travaux à Falame et Jayous près de Qalqilya – et dans beaucoup d’autres endroits – les propriétaires ont pu reprendre possession de leurs arbres. Mais il y a eu trop d’incidents contraires. A Zeita, les villageois ont voulu prendre leurs arbres déterrés, mais les gardes de sécurité ne leur ont pas permis de s’approcher. Les arbres ont été chargés sur des camions et ont disparu. Vers où? Personne ne leur en a dit un seul mot.
La presse arabe en Israël a fait état d’un certains nombre d’Arabes israéliens qui étaient employés dans une pépinière dans le Nord du pays et qui ont été congédiés parce qu’ils ont refusé de déterrer des arbres le long de la ligne de séparation. « Ces arbres étaient réservés à des colonies ou à des pépinières en Israël, » ont-ils expliqué à Faiz Abaz, le journaliste de « Yedioth Aharonot ».
L’entreprise « Les Frères Ben Rahamim » est l’une des cinq entreprises chargées par le Ministère de Défense d’exécuter la première phase de la ligne de séparation. Le directeur, Shimon Ben Rahamim, n’était guère surpris quand nous avons dit que nous voulions acheter des oliviers. « Combien en voulez-vous? De grands arbres ou de petits? » nous demande-t-il. Nous répondons: « Cent grands arbres. » Ben Rahamim dit: « Pas de problème. Parlez à notre contremaître Zion, examinez les arbres, et nous parlerons du prix. Environ 1000 Shekel par arbre. Zion va vous montrer tout ce que vous voulez voir. Vous prendrez ce qui vous plaît. Nous prenons les arbres que personne ne réclame et les transportons à l’endroit indiqué par le client. »
L’olivier est une espèce protégée. Conforme à une loi turque qui est toujours en vigueur en Israël, une autorisation spéciale est nécessaire pour replanter un olivier qui a cent ans ou plus. Nous nous adressons au Fonds National Juif qui nous renvoie vers l’Administration Civile. Le responsable de l’agriculture, Samir Mu’adi, n’est pas dans son bureau. Il est en train de faire la cueillette des olives dans sa famille dans le Nord du pays. Quand nous présentons notre demande d’une autorisation pour transporter des arbres déterrés le long de la ligne de séparation, il nous assure que le processus est très simple. « Tu me donnes les détails de l’entreprise de transport, tu vas à la poste où tu paies environ 30 Shekel pour l’Administration Civile, et tu auras l’autorisation pour transporter des oliviers en Israël. Dis-moi où et combien, et j’arrangerai tout. »
Alors je peux prendre autant que je veux?
Pas de problème. Dis-moi seulement d’où.
Et si les Palestiniens ne sont pas d’accord. Ils ne vont pas me causer des difficultés?
Evidemment ça ne leur plaira pas. Ce sont leurs arbres, et nous sommes en guerre. Les entrepreneurs devraient leur rendre leurs arbres comme convenu. Mais si tu me demandes si tu peux les prendre…Eh bien! je pense que oui. Parle avec l’entrepreneur et dis-moi: Mu’adi, je voudrais transporter des arbres d’X à Y, et j’arrangerai l’autorisation, pour que tu puisses les transporter en Israël. »
Le lendemain nous rencontrons Zion, le contremaître, près du poste de contrôle de Bak’a el Gharbiye. Zion nous envoie à Amos, et Amos nous montre les arbres. « Quel dommage que vous n’ayez pas été ici il y a quelques semaines » nous dit Amos. « Il y avait ici près de 5000 arbres et une foule immense. Nous avons vendu beaucoup d’arbres…. » Amos ne se rappelle pas si ses ouvriers ont replanté des arbres pour les Palestiniens. Ils les ont mis de côte si personne n’en voulait. Les Palestiniens non plus ne se souviennt pas d’un replantage (pourtant, ils maintiennent qu’il s’agissait de 3500 arbres « seulement »).
Nous feignons d’être préoccupés. « Et les Arabes? Je ne veux pas affronter un Palestinien qui me dit que c’est son arbre et que je ne peux pas le prendre » expliquons-nous. Amos se fâche: « Je m’en moque. Quand ils me voient arriver, les balles leur montent dans la gorge. Ce matin ils ont lancé des pierres. J’ai tiré une ou deux fois, boum-boum! Je suis allé les voir dans leur maison et je leur ai dit: ‘Si vous recommencez, je vous achèverai tous’.. »
Nous retournons chez Shimon Ben Rahamim. Nous lui disons que ses arbres nous plaisent et demandons à nous entendre sur une réduction de prix si nous prenons 100 arbres. Il est d’accord. Il nous les donnera pour 800 Shekel par arbre. « Si vous les prenez sans la T.V.A. je vous les laisse pour 650 Shekel par arbre. » Le propriétaire qui a hérité les arbres de ses ancêtres et, pendant toute sa vie, s’est dévoué à leurs soins, ne reçoit pas un centime. Et le Trésor non plus!
Nous retournons chez Mu’adi. Il est dans son bureau au quartier général de l’Administration Civile à Bet El, après qu’il a fini de cueillir ses olives. Nous lui racontons que nous avons trouvé des arbres et conclu l’affaire. A présent il ne nous faut plus que son autorisation. « Envoyez-moi l’argent, et tout sera arrangé, » il nous dit. Nous payons 34,50 Shekel à l’Administration Civile. Quelques instants après nous recevons l’autorisation par fax – une autorisation pour l’importation en Israël de cent oliviers protégés de Zeita. C’était tout simple, beaucoup trop simple!

La réponse des Frères Ben Rahamim
Personne ne vend des arbres
Shimon Ben Rahamim, le directeur de l’entreprise, était hors de lui lors de notre confrontation en public: « Nous ne vendons pas…Qui est le fou qui vous a donné ordre d’écrire cette histoire? Personne ne vend des arbres. Ils doivent tous être replantés! »
Qu’est-ce que ça veut dire, replanter?
Nous les déterrons et les replantons dans la même région.
Cela veut dire que personne ne vend des arbres à qui que ce soit?
Nous ne vendons pas d’arbres. Personne ne vend rien
Admettons que je sois une personne privée et que j’aie un grand jardin?
Tu n’auras pas un seul arbre. Nous les jetterions plutôt. Nous avions quelques arbres au Kibbutz Magal, et nous les avons replantés au Kibbutz Ma’agan Michael.
A ce stade de la discussion, Shimon Ben Rahamim raccroche violemment le téléphone en nous maudissant. Notre appel suivant est pris par son frère, Dori Ben Rahamim. « Nous n’avons pas vendu d’arbres. Arrêtez de raconter ces histoires. C’est de la calomnie…Vous avez des photos? Je n’ai pas vendu d’arbres. C’est peut-être toi-même qui as vendu des arbres? Nous ne vendons d’arbres à aucun prix. Ça ne se fait pas. Nous n’avons pas le temps pour des choses pareilles. Et puis c’est défendu. Ce n’est pas notre style de conclure des affaires de ce genre. Je ne connais personne qui vend des arbres. Je ne sais pas qui te les a vendus, et ce n’est pas mon problème. Je n’ai rien à faire avec des ventes d’arbres.

La réponse du Ministère de Défense
Nous n’avons autorisé personne de vendre des oliviers
La porte-parole du Ministère de Défense, Rachel Nidak-Ashkenazi, répond à « 7 Days »:
La préparation des travaux pour l’infrastructure de la clôture exige de déterrer des arbres. Avant cette phase, nous demandons au propriétaire d’informer les autorités où il voudrait replanter ses arbres, et des milliers d’oliviers ont été replantés. Il y a des cas où le propriétaire nous demande de laisser les arbres à l’endroit où ils ont été déterrés, pour qu’il puisse les transporter lui-même. Dans les cas où le propriétaire ne nous indique pas de nouvel endroit, les arbres sont replantés dans la même région par le Ministère de Défense, qui les fait arroser pendant les deux semaines suivant la replantation. Le Ministère de Défense paie les entrepreneurs pour les travaux de déterrage et de replantage. C’est une clause du contrat, signé par les deux parties avant le commencement des travaux d’infrastructure. Il est évident que personne n’a été autorisé de vendre des oliviers. Il va sans dire que le Ministère de Défense n’est pas impliqué dans des affaires qui sont contraires à la loi de l’Etat d’Israël.

LA BATAILLE DES OLIVES

Des journalistes de “7 Days”, le supplément de fin de semaine du journal « Yediot Aharonot », ont rejoint les colons pour participer, pendant une semaine, au pillage des olives.
Ils ont interrogé des entrepreneurs qui, à l’occasion du travail le long de la « Frontière Verte », vendent de vieux oliviers volés aux Palestiniens et empochent des profits considérables.

Par
Danny Adino Ababa
Meron Rapaport
et
Oron Meiri

LE PILLAGE DES OLIVES

Un journaliste de « 7 Days » a répondu à une annonce et s’est engagé à participer, comme simple ouvrier, à la cueillette des olives organisée par les colons. Des « Jeunes des Collines » qui se vantaient d’avoir tiré sur des maisons palestiniennes, y ont également participé. Des dirigeants de colonies ont donné « le feu vert » aux cueilleurs pour travailler dans des oliveraies « abandonnées » par les Palestiniens. L’officier de sécurité d’une colonie allait encore plus loin: Il a proposé de cueillir les olives des Palestiniens et de les forcer de racheter les olives. Si un Palestinien refusait d’accepter cette offre, on détruirait ses oliviers. – En même temps, des entrepreneurs ont fait la contrebande avec des centaines d’oliviers déracinés le long de la « ligne de séparation » et les ont remis à des pépinières en Israël. Ces oliviers peuvent être vendus à des prix de 600 à 25.000 (!) Shekels. C’est ainsi que la sale guerre des olives se déroule – dunoum par dunoum, arbre par arbre, bidon par bidon.

Quand la fusillade a commencé, j’ai réalisé que cette fois-ci les choses devenaient sérieuses. Dans la voiture avec moi se trouvaient Yair Shalev, mon nouveau chef, Shani, la soldate enthousiasmée avec le fusil M16 et les deux jeunes colons qui nous avaient stoppés près de Kedumim, il y a dix minutes. Ce n’étaient pas exactement les gens avec lesquels j’aurais voulu passer mes derniers moments. Je pouvais m’imaginer les gros titres: « Cinq colons tués lors de la cueillette-pirate d’olives », et en dessous en petits caractères: « Un des colons assassinés était un journaliste déguisé en ouvrier. »
Mais nous avons échappé. Les balles sifflaient à côté de la voiture. J’ai accéléré comme un fou, et nous étions sauvés. Arrivés au quartier général de Kedumim, nous avons remarqué que Shani avait été blessé par des débris de vitre. Elle était hystérique. Non pas à cause du sang, mais de peur que ses supérieurs dans l’armée ne découvrent que pendant son congé elle était allée dans les Territoires Occupés en emportant son fusil, pour aider les colons à piller les olives. S. et H., les deux jeunes colons étaient sous le choc. Les gens du Shabak (Service de Sécurité) ont demandé si nous avions pu identifier les terroristes et ont dit qu’il y avait des avertissements « chauds ». Personne n’a demandé ce que faisait cette bande étrange dans une oliveraie près de Naplouse. C’est notre pays!
Pendant la semaine qu’Avi Dichter, le chef du Service de Sécurité, s’est plaint devant la Knesset que ses gens n’avaient pas encore réussi à s’infiltrer dans les rangs des jeunes colons (les « Jeunes des Collines » qui vivent sur les collines de la Samarie et interprètent la doctrine des colons à leur façon), que ces jeunes bandits étaient trop extrêmistes, trop désorganisés, que pour eux la loi n’existait pas, S., H. et moi étions assis dans la caravane située sur une colline près de la colonie d’Einav et nous racontions nos aventures. C’est à dire les deux racontaient et moi, j’écoutais attentivement.
S. et H. n’ont pas encore dix-huit ans, mais ils ont accompli bien des choses. Ils racontaient comment ils ont tiré sur des maisons palestiniennes près de Sa-nur, comment ils ont lancé des pierres aux Palestiniens qui cueillaient les olives près de la colonie de Yitzhar, et comment on les a payés, pour qu’ils restent avec Daniella Weiss (chef de colons de l’extrême droite) lors du retranchement à l’avant-poste de Gil’ad. J’étais le débutant naïf et eux les vétérans. C’est tout simple, ils m’ont expliqué. « Les Arabes veulent cueillir des olives près d’une colonie. Tu leur prends les olives, ou bien tu les cueilles toi-même, ou encore tu peux détruire leurs arbres. Si tu leur prends les olives une ou deux fois, ils ne reviennent plus. »
Pendant la semaine de ma propre cueillette-pirate en Cisjordanie j’ai découvert des choses que S. et H. ne m’avaient pas racontées. J’ai découvert, par exemple, que non seulement les « Jeunes des Collines » fougueux, mais aussi des colons respectables participaient au pillage dans les Territoires Occupés. J’ai appris que des auto-stoppeurs sont embauchés comme ouvriers, on en recherche par l’Internet, dans les cours d’enseignement pour les Juifs nouvellement convertis, dans les Yeshivas (école ultra-orthodoxe pour hommes), que la zone aux alentours d’une colonie où la cueillette-pirate aura lieu, est déterminée par le comité directeur de cette colonie.
J’ai aussi découvert que la plupart des olives sont envoyées au pressoir à huile de l’avant-poste illégal d’Ahiya. Et j’ai découvert avec ahurissement que des colons étaient engagés dans une nouvelle affaire. Ils cueillent les olives des Palestiniens et offrent de les leur revendre. L’un ou l’autre parmi eux menace de détruire les arbres dans les oliveraies des Palestiniens refusant l’affaire. Une offre irrésistible!
Pendant que j’ai vérifié les faits de pillage des olives au cœur de la Samarie, deux journalistes de « Yedioth Aharonot » – Meron Rapaport et Oron Meiri – ont fait une analyse du marché dans les pépinières au cœur d’Israël. Ils y ont découvert une autre méthode de pillage, aussi vilaine que celle des olives. Apparemment, des entrepreneurs qui construisent la clôture de séparation déracinent des milliers d’arbres qui appartiennent aux Palestiniens dont les terres ont été confisquées. Un tel arbre peut coûter entre 600 et 25.000 (!) Shekels. Bien que le Ministère de Défense ait donné instruction formelle que les arbres doivent être transportés à un endroit où le propriétaire légitime peut les replanter, certains entrepreneurs vendent ces arbres à des pépinières en Israël. Par conséquent, des oliveraies entières ont disparu et des milliers de Shekel ont été gagnés – et tout cela avec le consentement tacite de l’Administration Civile.
Pour les Palestiniens et pour les Israéliens l’olivier n’est pas seulement un arbre, mais aussi un symbole.. Il est l’emblème de la Brigade-Infanterie de Golani et du village palestinien de Zeita. Là-bas ils vivent des olives, et nous composons des chansons de paix sur la colombe à la branche d’olivier. Mais si tout ce qui se fait avec l’olive se fait en notre nom – que Dieu ait pitié de la colombe!

Le recrutement
« On recherche des bénévoles pour un travail agricole dans la Samarie ». C’était le titre d’une annonce sur un site Internet appelé « Travail Hébreu ». Ce site, créé par les adhérents de Moshe Feiglin, offre une liste d’entreprises qui n’emploient que des Juifs. Feiglin est le chef du mouvement de l’extrême droite « Su Arzeinu » (c’est notre pays) dont le but est la conquête du parti du Likoud. Le Procureur Général, Elyakim Rubinstein, a menacé les propriétaires du site de les inculper pour infraction à la loi anti-raciste. Par conséquent, ils ont modéré leur ton. Voilà le texte de l’annonce:

« Avec l’aide de Dieu,
Je cherche des personnes qui aideront à cueillir les olives aux mois d’octobre/novembre. La cueillette aura lieu en Samarie, d’Einav au nord, Karnei Shomron, Imanuel, jusqu’à Shilo au sud. Je cherche aussi des gardes de sécurité armés, ainsi que des personnes avec une voiture pour le transport des gens, des olives etc.
Je peux payer le travail, mais pas le logis et la nourriture. Toi qui es intéressé – soit comme bénévole, soit comme ouvrier payé – sache que j’ai besoin de toi! La cueillette des olives aura lieu aux mois d’octobre et novembre.
Il est extrêmement important d’apporter un soutien aux colonies dans la Samarie, et surtout de seconder l’agriculture juive par la main d’œuvre juive. Les projets agricoles des colonies représentent une zone tampon autour des avant-postes qui ont une importance essentielle pour notre sécurité en tenant l’ennemi à l’écart.
Signé: Yair Shalev, Shilo. Tel. 02-9400054, 053-492217. »

Yair Shalev me dit au téléphone qu’en effet il recherche des ouvriers pour la cueillette des olives. Je me présente comme ancien étudiant d’une Yeshiva (c’est vrai), comme quelqu’un qui aime Israël (c’est vrai aussi) et quelqu’un qui a besoin d’argent (c’est absolument vrai). Shalev est intéressé et propose de me rencontrer à Jérusalem. J’y rencontre un homme d’aspect modeste, pas très grand, des lunettes épaisses, vêtu avec une certaine négligence, qui parle avec un accent américain. Il me raconte que sa femme travaille dans une entreprise Hi-Tech à Jérusalem, et qu’elle dispose d’une voiture. Il a besoin d’un chauffeur pendant la cueillette des olives. « Je n’ai pas de permis de conduire. Quand j’étais jeune je n’avais pas d’argent, et maintenant je n’ai pas le temps » me dit-il. Au cours du voyage à Karnei Shomron, il me pose des questions au sujet de la Yeshiva où j’ai étudié, me demande d’où je viens, quels sont les rabbins de Judée et Samarie que je connais et – très important – comment j’ai appris l’existence de ce job.. »Par l’Internet », je lui réponds, « et un ami m’en a parlé. » Shalev est content. « Beaucoup de gens téléphonent à cause de l’annonce dans l’Internet. Et d’autres envoient des amis. » Les noms des rabbins que je mentionne lui plaisent et mes origines éthiopiennes aussi. Il me raconte qu’un de ses amis au Golan emploie des Ethiopiens juifs, et qu’ils sont les meilleurs travailleurs. « Tu vas être important » me dit-il. « Tu vas gagner un tas d’argent. Tu assisteras à toutes les rencontres et entrevues dans les colonies en Judée et en Samarie. » Il a tenu sa parole.

La méthode
Pendant la semaine que j’ai travaillé comme chauffeur de Shalev, nous sommes allés du bureau du secrétaire de la colonie de Karnei Shomron au bureau du vice-président du Conseil Municipal de Kedumim, et de là au bureau du secrétaire de Shavei Shomron. Le frère de Shalev travaille au Conseil Municipal d’Einav. Shuki Lévine, ancien officier de sécurité de différentes colonies et à présent officier de sécurité de la colonie ultra-orthodoxe de Kiryat Sefer, est un ami et un camarade d’armes. Le Rabbi Joshua Mordechai Schmidt, directeur de la Yeshiva de Birkat Hatorah à Shavei Shomron, le reçoit pour un long entretien intime et lui promet de lui envoyer des étudiants de la Yeshiva pour aider à la cueillette. Il est d’avis que la cueillette des olives est plus importante que l’étude de la Tora. Tout le monde sait que Shalev fait la cueillette des olives au dehors des colonies. Personne ne demande dans quelles oliveraies il va les cueillir. Ils sont pourtant tous préparés à l’aider. Ici il ne s’agit plus des « Jeunes des Collines », mais de l’aristocratie du mouvement colonial en Judée et Samarie.
L’ordre du jour des discussions avec les présidents des colonies est simple: Il veut obtenir leur autorisation de travailler près de leurs colonies sur des terres qui « n’appartiennent pas à des Juifs ». Pourtant, l’ordre que l’armée a reçu est clair. Les membres des forces de sécurité sont obligés de permettre aux Palestiniens la cueillette de leurs olives. Si leurs oliveraies sont situées à moins de 500 mètres d’une colonie, ils doivent – pour des raisons de sécurité – coordonner leur travail avec l’armée. En réalité, beaucoup de colonies ont annexé des oliveraies qui sont situées à une distance qui dépasse considérablement ces 500 mètres. Un Palestinien qui ose s’approcher, risque d’être tué d’un coup de feu. Les colons de Yitzhar, par exemple, empêchent les Palestiniens d’Einabus de s’approcher de leurs oliveraies, bien que celles-ci soient situées à plus de trois kilomètres de la colonie. Quand les villageois, protégés par l’armée, ont finalement pu s’approcher, ils ont découvert qu’il n’y avait plus d’olives.
Bien avant que l’armée ait coordonné l’accès des Palestiniens aux oliveraies, les présidents des colonies avaient permis à Shalev et à ses assistants de cueillir les olives. – Shalev n’est pas encore sûr de moi. Il se rend seul à l’entretien à Karnei Shomron. Il en revient une heure et demie plus tard, un grand sourire au visage. Il dit qu’il a parlé avec Yehuda (Hudi) Lieberman, le président de l’Autorité Municipale de Karnei Shomron. Son frère, Bentzi Lieberman, est le président de l’Autorité Régionale de Judée et Samarie. Shalev a demandé l’autorisation de travailler dans des zones « qui n’appartiennent pas à des Juifs ». Il est sûr que Lieberman va lui donner le feu vert.
Lieberman se trouve ä l’étranger. Par téléphone il maintient de ne pas connaître Shalev, mais il dit: « Un homme m’a appelé et m’a parlé d’une cueillette d’olives à Karnei Shomron; il s’agit donc de nos arbres, de notre propriété Son nom pourrait être Yair Shalev. Je lui ai dit: mon cher ami, je ne peux rien faire pour toi. Attends que je sois rentré, et nous verrons ce que nous pourrons faire. Je ne peux pas permettre qu’on touche aux olives qui ne nous appartiennent pas. C’est illicite et immoral. »
En ce qui concerne Karnei Shomron, Shalev a visé une zone appelée Névé Alisa en souvenir d’Alisa Begin. C’est un nouveau quartier éloigné à quelques minutes en voiture du centre de la colonie. Entre la colonie et le nouveau quartier il y a un corridor d’arbres, et ce sont ces arbres que Shalev convoite. « Tous les arbres que tu vois ici appartiennent à un Arabe du village de Yazoun », m’explique-t-il. Il paraît que le propriétaire ne s’en est plus occupé depuis bien un moment. Nous pouvons nous servir. C’est notre pays.
A Kedumim, il a proposé la même chose. Ici, Shalev a visé une « zone ouverte » à l’est de la colonie. Il demandera au président du conseil municipal l’autorisation d’y travailler. Après l’entrevue avec Esther Kerish, la responsable, il dit que celle-ci lui permet de faire ce qu’il veut, mais d’en parler d’abord avec le rabbin de la colonie. « Elle me dit qu’elle n’a aucun problème avec nos plans », dit Shalev. « Demain elle informera Daniella. » Il s’agit de Daniella Weiss. Au début de la semaine suivante, Esther Kerish nie catégoriquement avoir permis à Shalev de cueillir des olives dans des plantations palestiniennes: « Quelqu’un est venu me voir. Les terres de la famille Zar sont situées à l’est de notre colonie. S’il s’agit de ces terres, allez-y. Mais s’il s’agit de terres palestiniennes, on n’y touche pas! »
Le secrétaire de Shavei Shomron, Gadi Shtetman, parle sans ambages. « Cela m’est égal si vous travaillez ici », nous dit-il. « Dans le plan directeur de la colonie il y a des zones qui, à l’origine, n’ont pas été sous possession juive. J’espère que bientôt tout nous appartiendra, et que tout sera plus simple. Vous pouvez travailler ici, je vous le permets. » En plus, il nous présente à l’officier de sécurité de la colonie qui va assurer notre sécurité.
La semaine suivante, Gad Shtetman affirme: « Je connais Yair Shalev. J’ai autorisé la cueillette des olives pour occuper les colons qui n’ont pas de travail dans la colonie. – Les oliveraies situées en dehors de la colonie ne sont pas soumises à mon contrôle. Il a demandé la permission de cueillir à l’extérieur de l’enclos, dans des plantations abandonnées par les Arabes. En ce qui concerne ces oliveraies, il doit s’adresser à l’armée. La plupart des Arabes qui s’approchent, même les meilleurs parmi eux, ne viennent que pour glaner des informations qu’ils transmettent aux ennemis, aux terroristes.
Question: Les zones désignées dans le plan directeur, à qui appartiennent-elles? Aux Arabes ou à vous?
Réponse: Elles appartiennent à l’armée, pas aux Palestiniens. Les Arabes ne sont pas autorisés de s’approcher.

En route entre Karnei Shomron et Shavei Shomron Shalev nous explique sa philosophie: « C’est bon pour les arbres de cueillir les olives. A présent, personne ne s’en occupe. Toute la région est négligée. Si le propriétaire revenait, qu’il soit arabe ou juif, et pouvait fournir les documents prouvant qu’il est vraiment le propriétaire, il pourrait aller à la police et déposer une plainte. »
Question: Et nous, entre-temps…..?
Shalev: « Nous travaillons, d’accord? Si quelqu’un arrivait et prouvait que c’est à lui, nous lui vendrions les olives et notre travail avec.
Question: Il nous paierait, et nous lui donnerions les olives que nous avons cueillies sur ses propres terres?
Shalev: « Si les terres sont vraiment les siennes, s’il a les documents, et qu’une cour les a certifiés, aucun problème. Que l’Arabe vienne et me paie pour mon travail! »
Question: Mais il est impossible qu’il vienne. Il ne peut pas faire sa propre cueillette.
Shalev: « Qu’est-ce que cela veut dire, il ne peut pas venir? Si la police décide d’amener un Arabe, je n’y peux rien. Mais si ça se passe, dis-le-moi tout de suite, je vais assurer que ça ne se passe pas. »

La soldate
Shalev est un homme ordonné qui travaille avec des gens désordonnés, et il a de l’argent pour les payer. Je n’ai aucune idée d’où vient cet argent. Il s’arrête à chaque croisement pour prendre les auto-stoppeurs et il demande aux jeunes hommes: « Voulez-vous travailler pour moi? » Il leur promet de l’argent et la satisfaction « de libérer le pays ». Les jeunes sont enthousiasmés et prennent son numéro de téléphone. De cette façon il a recruté au moins dix personnes.
Shalev a des propositions séduisantes pour les soldats qui ont fini leur service militaire. La cueillette-pirate des olives n’est pas considérée comme « travail préférentiel ». C’est un travail de six mois ou plus, qui donne au soldat le droit à une bourse de plusieurs milliers de Shekel. Mais Shalev peut l’arranger. « Mon travail n’est pas considéré comme ‘travail préférentiel’, mais j’ai un bon ami qui peut procurer les documents prouvant que le type a travaillé chez lui. Si ton ami vient de terminer son service militaire et veut obtenir la bourse, dis-le-moi. Je peux l’arranger. Il peut donc obtenir la bourse, et il sera payé pour son travail. »
Au lendemain du début de mon travail avec Shalev, nous rencontrons Shani, la soldate en congé de Kfar Saba. Nous allons la prendre chez elle, et Shalev m’explique: « Elle vient d’une famille non-religieuse, et à présent elle cherche du confort et de la force dans la foi. Je lui ai dit qu’au cours du travail Adino pourra l’aider. »
Shani nous apporte une dot importante: un fusil M16 de l’armée. Elle est vêtue en civil. Ce voyage l’agite beaucoup. « Ma mère est antireligieuse. Elle ne sait pas que je suis en train d’aller dans Territoires Occupés. Si elle savait, elle mourrait aussitôt, » nous dit-elle. « J’ai visité toutes les collines. Il y a deux semaines, je suis allée voir les « Jeunes des Collines » avec Daniella Weiss. J’admire Daniella Weiss. C’est une femme étonnante. »
Puisqu’elle a un fusil, Shalev lui propose de fonctionner comme notre garde de sécurité, et Shani accepte avec enthousiasme. « Que vient chercher une fille non-religieuse dans une région aussi dangereuse, » je demande. « Rien. Je veux seulement gagner un peu d’argent et trouver de la force, » me dit-elle. « J’ai passé une année terrible. Deux de mes meilleurs amis ont été tués par des terroristes, et un autre s’est suicidé.
Shani nous raconte que son meilleur ami, Elazar Leibovitz de Hébron, a été tué par des terroristes au croisement de Zif. C’était à la fin de juillet, un jour avant son 21ème anniversaire. Un autre ami, Yair Leventhal, en retournant en voiture à sa maison dans la colonie de Névé Tzuf, a été tué dans une attaque terroriste. Le terroriste l’a attendu au bord de la route, caché derrière les oliviers. « Nous avons demandé plusieurs fois que l’armée coupe les oliviers aux bords de la route pour empêcher des attaques, » a dit après l’attaque le Docteur Yoav Mark, un voisin de la famille en deuil,. « Il y a eu beaucoup de fusillades sur cette route, mais l’armée n’a pas réagi. »
L’armée n’a pas réagi, et maintenant nous sommes ici dans la Ford Focus neuve de l’épouse de Yair Shalev – Shani avec son fusil M16 sur le siège d’arrière, entre S. et H. Nous sommes en route pour Shavei Shomron, et près du croisement de Jit (ou croisement de Gil’ad, nommé d’après Gil’ad Zar) nous nous arrêtons parce que les deux garçons veulent descendre pour aller à Itamar. En face, au-delà de la barrière non surveillée, un groupe de Palestiniens, faisant la cueillette des olives, est en train de mettre des sacs sur un camion blanc.
Shalev qui doit rencontrer un ami près de ce croisement descend de la voiture pour se détendre. Tout à coup une Renault Express blanche fonce. Nous entendons deux tirs de tout près et réalisons que nous sommes ciblés. Shani est blessée par des éclats de verre. Elle saigne beaucoup, mais la blessure est superficielle. Il nous faut à peine une seconde pour partir.
En moins de sept minutes la région est noire de soldats. La Renault Express a disparu. Nous arrivons au quartier général de Kedumim et répondons aux questions des officiers de l’armée et des gens du Shabak. Shani est restée paniquée. D’ailleurs nous aussi. Le lendemain elle ne vient pas à la cueillette. Elle reviendra la semaine prochaine, peut-être.

Les Hindous
Les deux « Jeunes des Collines » et moi sommes les contremaîtres. A Shavei Shomron nous avons pris en charge 64 ouvriers venus du Nord des Indes qui vivent dans la colonie. Le Rabbi Eliahu Avichail, président de l’organisation qui recherche les dix Tribus perdues d’Israël, maintient qu’ils appartiennent à la Tribu de Ménashé. Les Hindous de Shavei Shomron sont en train d’être convertis au Judaïsme. Comme l’Agence Juive ne subvient pas à leurs besoins, ils vivent aux frais de la colonie et font des travaux occasionnels. Entre-temps ils cueillent les olives qui appartiennent à autrui.
« Il y a deux mois, Rabbi Eliahu Avichail m’a téléphoné pour me dire qu’un groupe de Juifs du Nord des Indes est en route pour Shavei Shomron, et qu’il lui faut de la place », nous raconte Rivka Bondi, la directrice du cours de conversion de la colonie. Les habitants de Shavei Shomron ne savent pas grand-chose au sujet des nouveaux Juifs. « Ce n’est pas facile, » explique Bondi. « La plupart ne parlent pas l’anglais, et nous ne parlons pas le hindi. »
Michael a immigré il y a huit ans. Il est le seul Hindou à parler l’hébreu. « Nous sommes des Juifs qui aiment Israël. Nous avons observé toutes les lois juives, même quand nous vivions en Inde. Je suis heureux de vivre ici. » Michael est le grand succès de Shavei Shomron. Il a épousé une fille de la colonie, « une Polonaise par-dessus le marché, » dit Rivka en riant. Dans la colonie on l’appelle « Les yeux des Hindous ». Il est leur porte-parole et leur chef. Il n’est pas établi s’ils ont compris où ils ont débarqué et quel risque ils ont pris, ou s’ils savent à qui appartiennent les olives qu’ils cueillent si diligemment. Une chose est claire: on ne peut trouver d’ouvriers plus énergiques et plus diligents. Je vous en réponds.

Les Jeunes des Collines
Si Yair Shalev est le commandant de la compagnie et les Hindous sont les soldats, les « Jeunes des Collines » sont les sergents. Ils ont participé à toutes les batailles. Ils ont été à Yitzhar et à Sa-nur. Ils travaillent durement et gagnent peu, environ 100 Shekel par jour. « Pas de sous pour vivre, pas de sous pour respirer » ils disent. Le sionisme idéal que Shalev prêche aux auto-stoppeurs et à moi, manque son effet en ce qui les concerne. « De belles paroles », dit H. cyniquement. « Ils te disent que tu peux prendre aux Arabes – pas pour le profit, seulement pour leur prendre. Yair se moque de tes besoins, comment tu vis et si tu manges, tant qu’il obtient ses olives. » S. ajoute: « Les aventures sont la dernière chose dont nous avons besoin. A présent, il ne s’agit plus que de sous. Nous gagnons à peine mille Shekels par mois. »
Le soir dans notre caravane glaciale – (savez-vous que les moustiques de la Samarie sont résistants au froid?) – H. raconte du bon vieux temps quand il a parcouru les Territoires Occupés par idéalisme, pas pour l’argent. « On nous a envoyés à Sa-nur, la colonie, pas la base militaire. Elle était vide. Personne n’y vivait. Il y avait des fusillades. Des explosions. Nous avions peur tout le temps.. La nuit nous ne sortions qu’avec des gilets pare-balles. Il fallait éteindre les lumières près de nos chambres, parce qu’elles étaient situées en bordure de la colonie.
« Nous étions quelques garçons de 16 ans, sans expérience de bataille. L’armée a décidé de convertir l’endroit en une Yeshiva pré-militaire. Pendant une semaine ils nous ont donné des instructions de combat. Nous n’avons pas mangé durant toute la semaine, nous avons seulement fait de l’entraînement toute la journée. Des exercices de tir une journée entière. Nous n’avions pas d’armes, mais la nuit il y avait un fusil dans chaque chambre. »
Question: Tu as porté une arme?
Réponse: C’était comme le service civil en ville. Quand quelque chose se passe, une fusillade dans la colonie, chacun court au magasin d’arme, prend un fusil et attend….
Question: Tu as tiré sur des Arabes?
Pas sur des Arabes, mais dans leur direction, et sur des maisons arabes ou leurs chauffe-eau solaires.
L’année suivante l’armée a évacué les jeunes de Sa-nur. Des adultes, âgés de 20 ans, ont pris leur place. Les vétérans de Sa-nur, âgés à présent de 17 ans, ont établi un nouvel avant-poste près de Yitzhar. « Nous avons mis en place une tente et un générateur, » raconte H. « Nous étions quatre jeunes. On était tout seul à monter la garde, et on avait peur. Même plus qu’à Sa-nur. » A Yitzhar ils ont appris comment traiter les cueilleurs arabes des olives. H.: « Ils s’approchent, et je me mets à lancer des pierres. »
A présent, des jeunes comme eux qui ont reçu un entraînement par l’armée ou dans une colonie, se trouvent dans tous les coins de la Cisjordanie. Les Palestiniens s’en souviennent avec amertume. Issa Smandar du Comité pour la Défense de Terres (Land Defense Committee)à Ramallah nous dit que depuis le commencement de la cueillette des olives au début d’octobre, environ 1000 attaques par les colons contre les villageois palestiniens ont été enregistrées. Plus de 84 villages en Cisjordanie en ont été touchés: Jama’in et Yassuf près de la colonie de Tapuach, Awarta, Akraba et Yanoun près de la colonie d’Itamar, Burin et Einabus près de la colonie de Yitzhar, Turmus-Aya et Jalous près de la colonie de Shilo, Khader près d’Efrat et beaucoup d’autres.
Il y a eu des blessés au cours de ces attaques et même des morts. La semaine passée, vers la fin de la saison de cueillette, le Commandant en Chef de l’armée, Moshé (Bogi) Ya’alon, s’est souvenu que les Palestiniens avaient droit à une protection garantissant leur sécurité pendant la cueillette. Pourtant, dans beaucoup d’oliveraies il n’y avait plus d’olives. Quelqu’un avait été là avant eux. Peut-être les « Jeunes des Collines ».

L’armée
L’attitude de l’armée envers nous et notre attitude envers l’armée est complexe. Yair Shalev se vante de ses bonnes relations avec le Vice-Commandant de la Brigade Ephraim, un officier religieux qui s’appelle Ophir. Il dit qu’en cas de besoin il peut lui demander une protection militaire. Pourtant, du point de vue légal, notre activité est équivoque, et nous ne pouvons pas nous attendre à ce que tout le monde l’ignore tout le temps. Shalev nous a prévenus de ne pas discuter avec les soldats. « Si vous les voyez venir, allez-vous-en! »
Nous sommes près de la colonie d’Einav, et soudainement trois réservistes apparaissent, menés par un Lieutenant du nom de Kobi qui porte une Kippa (couvre-chef des Juifs religieux). Il nous demande si les olives que nous sommes en train de cueillir appartiennent à des Juifs. Nous disons que non, ce sont des olives « sauvages ». Cette fois-ci nous avons affaire à un officier sympathisant. Le Lieutenant Kobi paraît tout content et mentionne Jérémiah 31:4: « Tu planteras des arbres sur les collines de la Samarie… »
Il nous dit que nous pouvons continuer. « Mais n’oubliez pas que, conformément à des informations « chaudes », des terroristes se trouvent dans la région. Si vous avez besoin de protection, parlez au Vice-Commandant de la Brigade ou à l’officier responsable des opérations » nous dit-il.
Shalev se met en colère: « Dis-moi, tu es stupide ou quoi, » il demande au Lieutenant Kobi le bienveillant. « Tu nous comprends mieux que tout le reste. Si nous faisons appel à l’armée, l’endroit grouillera de soldats, et nous serons jetés dehors. Si tu peux nous protéger, bien. Si non, tant pis. » Le Lieutenant Kobi n’est pas du tout stupide, mais il n’est pas libre d’enfreindre des ordres. Il se retire et tacitement nous permet de continuer. Au bout d’un moment il revient avec l’ordre d’un supérieur de quitter l’endroit, pour des raisons de sécurité, pas à cause de la cueillette-pirate. Encore une journée de travail perdue.

Le pressoir à huile
Les colons ne tirent pas de grands profits des olives: 200-300 kg d’olives par dunoum rendent environ 75 kg d’huile d’olive, ce qui rapporte un peu plus de 750 Shekel. Pour les Palestiniens cela représente une somme considérable, mais aussi insuffisante. Pour les Israéliens c’est une somme négligeable. Les ouvriers de Shalev reçoivent 2.50 Shekel par kilogramme d’olives, 100 Shekel par personne pour deux journées de travail, un salaire de famine.
Pourtant, par le biais de ces petites quantités les colons ont développé une industrie artisanale. A Ahiya, l’avant-poste illégal près de la colonie de Shevut Rachel, un pressoir à huile moderne est opérationnel depuis deux ans. C’est la destination des olives que les Hindous et nous avons cueillies près de Shavei Shomrom. Notre voiture en est remplie à ras bord. En route j’apprends que la route de Shevut Rachel à Ahiya est fermée au trafic palestinien. Il y a une barrière électronique. « La barrière ne s’ouvre que si tu prononces un nom de famille juif, ou si tu descends de la voiture pour t’identifier comme Juif, ou bien si tu y entres un certain code, » explique Shalev. « Où mène cette route? » je demande. « Elle avait mené à de différents villages arabes, » répond Shalev.
Nous arrivons à la barrière. Shalev dit son nom, et la porte s’ouvre. Nous sommes arrivés à Ahiya. Il n’y a personne sur la colline. On ne remarque que l’unique pressoir à huile juif de la contrée entière, un pressoir à huile sophistiqué qui a dû coûter des centaines de milliers de Shekels
L’avant-poste d’Ahiya est mal famé dans toute la région. Fauzi Ibrahim, qui habite au village proche de Jaloud et possède beaucoup de terres et 1500 oliviers, raconte qu’au début d’octobre, lorsqu’il a commencé la cueillette, les colons de l’avant-poste sont arrivés et lui ont pris par force dix sacs d’olives, environ 700 kg. Le lendemain ils lui ont pris cinq sacs. Finalement, il a dû abandonner la cueillette.
A Ahiya on ne peut pas acheter de l’huile d’olive. Les colons de la Cisjordanie entière, d’Itamar, Yitzhar, Karnei Shomron, Shavei Shomron, Kedumim, y apportent leurs olives – ou les olives d’autrui. Ils payent une petite somme pour les frais du pressoir, et ils reçoivent leur huile. Les noms des colonies sont inscrits sur les bidons géants de couleur jaune qui attendent les propriétaires. Le contenu d’un bidon de cette taille suffit pour un an au moins. Les Palestiniens des villages voisins regardent les bidons jaunes. Ils savent ce qui se passe là-bas, et la colère les prend.
L’âme de l’arbre
A Shavei Shomron nous rencontrons Shuki Lévine, l’officier de sécurité de Kiriyat Sefer, une colonie urbaine ultra-orthodoxe près de la « Frontière Verte » (la ligne de séparation d’avant 1967). Lévine rend visite à sa sœur Rivka Bondi. Il est un vieux copain de Shalev, et il est bien connu dans la région. Il a développé un système pour vider les oliveraies des Arabes, impunément et même vertueusement. On va chez l’Arabe et on lui propose de racheter les olives que l’on a cueillies dans ses oliveraies. Lévine dit qu’il ne veut pas être un sale type. Tout ce qu’il veut c’est de subvenir aux frais et faire un petit profit. « Il faut faire le calcul de combien te coûtent les ouvriers, les amis qui travaillent chez toi, pour ne pas encourir des pertes. Il ne faut pas exagérer, il faut seulement que tu fasses ton petit profit. Je dis toujours: Use ta tête, pas tes mains! »
Question: Qu’est-ce que tu veux dire?
Réponse: Si le propriétaire vient avec des preuves qu’il s’agit de ses terres, nous aurons quelque chose à lui offrir. Si tu viens et simplement prends les olives, c’est du vol. Ses olives ne m’intéressent pas – tout ce que je veux, c’est qu’il prouve qu’il est le propriétaire.
Question: Y a-t-il des Arabes qui acceptent une telle offre?
Réponse: Ils n’ont pas de choix.
Question: Et s’ils refusent?
Réponse: Je peux leur raconter qu’il y avait des arbres par-ici, il y a dix ans, qui étaient « cerclés » Tu sais ce que c’est? Tu fais un cercle, en coupant l’écorce tout autour avec un couteau spécial. L’arbre se nourrit par l’écorce. Tu fais un cercle, et l’âme de l’arbre s’en va. L’année suivante il ne produit pas de fruits.
Question: C’est une violation grave des ses droits.
Réponse: Oui, c’est vrai. Je lui dis: « Tes arbres sont morts. Si je ne laboure pas tes terres, si je ne cueille pas tes olives, si je ne reçois pas les dix pour cent, il n’y aura pas d’olives l’année prochaine. »
Rivka Bondi, la sœur de Lévine et la directrice du cours de conversion des Hindous, baisse les yeux durant le discours de son frère. Elle me dit à voix basse qu’elle n’aime pas les méthodes de son frère. « Dis-moi, tu sais qu’on a tiré sur lui? » demande-t-elle en indiquant Shalev.
« J’étais avec lui. »
Elle dit: « Je ne sais pas si c’est un hasard. Je me demande si c’est à cause de ses activités ici. C’est ainsi qu’ils ont tué Gil’ad Zar, que Dieu ait son âme.

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