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LETTRE AUX REPRESENTANTS DE SHALOM ARSHAV (FRANCE) D’UN SYMPATHISANT DECU

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1er mars – (Par Laurent NIEDERMAN) – Bonjour,

Je suis un fidèle lecteur de la liste de diffusion internet « La Paix Maintenant », et je vous remercie pour la précision des informations fournies. Elles ont su mettre en évidence, semaine après semaine, éditorial d’Haaretz après éditorial d’Haaretz, l’impasse à laquelle étaient arrivés Sharon et Peres, situation qui ne semble pas prête de finir.


D’autre part, les travaux de Shalom Arshav avec l’Observatoire des colonies dans les territoires occupés et le discours de Noam Hofshtetter (paru dans votre forum) m’ont parus particulièrement intéressants. Ainsi, avec le forum de La paix maintenant, j’ai accès à une information critique et impartiale sur Israel.

Ceci dit, même si ma lettre arrive tardivement, je tiens à vous faire part de ma déception quant à vos prises de position et vos actions menées à la suite des décisions du conseil d’administration de Paris VI.

En Avril dernier, j’ai été exaspéré par les déclarations irresponsables de M. Cukierman sur la nuit de cristal et celles du vice ministre (travailliste) des Affaires étrangères du gouvernement israélien, proclamant que la France était « le pire pays occidental pour l’antisémitisme ». J’ai défilé dans votre cortège lors de la manifestation du 8 avril 2002 contre les actes antisémites en France (tout en restant prudent sur l’interprétation de ces évènements). A cette occasion, le petit noyau de juifs progressistes présent a été agressé par un commando paramilitaire juif type Betar. C’est la seule fois en France où j’ai été agressé dans la rue en tant que juif : avec ce type d’actes « antisémites » on est loin de la nuit de cristal !

A ce moment-là, la pétition de la coordination des scientifiques pour un moratoire des relations avec les institutions scientifiques israeliennes (et non avec les personnes) est arrivée à l’université. Cela m’a naturellement paru une bonne occasion pour exprimer ma désapprobation. Je pense que les positions exprimées à cette époque étaient prudentes et les mises aux points nuancées. Notamment la question épineuse de l’accord avec l’UE n’était pas abordée, tout ceci est détaillé sur le site www.pjpo.org/letter_opposition.html (page correspondant au texte que j’ai signé).

En ce qui me concerne, il s’agissait d’envoyer un signe fort de protestation à travers la recherche scientifique qui est une part importante du patrimoine israelien et fait, à juste titre, la fierté d’Israel. D’autre part, j’ai voulu faire une action publique à un moment où les représentants de la communauté juive en FRANCE veulent nous embrigader pour être tous derrière Israel quel que soit la politique de son gouvernement. En tant que juif de France, je n’ai pas a être assimilé aux juifs religieux et nationalistes ainsi qu’aux positions détestables du CRIF.

Immédiatement après la publication de cette pétition, les signataires ont subi des pressions académiques (notamment à l’instigation de certains signataires de la contre pétition que vous avez relayée) et il y eu des menaces d’obstruction au recrutement pour certains d’entre eux. Nous avons aussi été soumis à une campagne virulente organisée par des mathématiciens américains qui nous ont accusés d’antisémitisme (alors que beaucoup de cosignataires sont juifs) et aussi de transformer la communauté mathématique en champ de bataille politique ce qui est un comble car les sciences (comme les jeux olympiques par exemple) ont toujours eu a voir avec la politique. D’autre part les cosignataires qui étaient déjà là dans les années 70 ont soutenu le mathématicien Sharanski quand il était opprimé en Russie. A ce moment là, personne n’a protesté contre le fait que des scientifiques prennent une position politique. Et il me semble que dans les années 30 il y a eu malheureusement trop de scientifiques qui n’ont pas pris position.

Tout ce débat a été réactivé par la motion de Paris VI en décembre dernier. Je tiens d’abord à préciser que je désapprouve l’adoption par surprise et à la minorité d’une motion aussi importante. Mais votre appel contre cette décision accompagné de déclarations lénifiantes sur l’universalité des savoirs me semble peu pertinent. Quant aux propos tenus lors de votre manifestation du 06/01/03 (tels qu’ils ont été rapportés dans le Monde du 07/01/03), ils m’ont paru totalement déplacés. Je pense notamment aux amalgames délirants entre l’antisémitisme nazi et les propositions de mesures contre la politique réactionnaire du gouvernement Sharon.

En ce qui concerne M. Klugman (président de l’UEJF), j’ai beau m’appeler Niederman, je n’ai pas l’impression d’avoir commis un acte abject en signant cette pétition. Dans le cas de Claude Lanzmann, je suis très triste devant l’aveuglement d’un homme intelligent dès qu’il s’agit d’Israel. Plus particulièrement, sa description (relayée par Bernard Henri Levy) de « technocrates manichéens qui se moquent de l’attentat dans la cafétéria de l’université hébraique de Jerusalem » est navrante. Je vous signale que les deux lettres qui suivent émanent de deux collègues professeurs dans cette même université. D’autre part, Claude Lanzmann parle des universités israéliennes comme du « coeur vivant de la paix ». Mon expérience des congrès mathématiques (qui donne évidemment une vue trés partielle des universités israeliennes) ne m’a pas permis de vérifier cette égalité. Je me souviens par exemple d’un mathématicien russe établi en Israel qui s’est réjoui devant moi de l’assassinat de Rabin. Mais je préfère vous envoyer ci-joint deux lettres de collègues (M. Farjoun et M. Ben Artzi), professeurs de mathématiques à l’université hébraique de Jerusalem, qui sont très instructives. La lettre de M. Farjoun, en particulier, démonte bien le mythe d’une lune de miel entre les universités israeliennes et palestiniennes.

Mais le sommet de la stupidité a été atteint par Bernard Henri Levy avec sa référence aux universités françaises n’ayant pas fait acte de repentance pour l’époque de Vichy. Le fait est exact, mais le ressortir dans ce débat sur un moratoire, quel contresens ! D’un point de vue personnel, je me suis senti apparenté aux petainistes ce qui, évidemment, m’a fait particulièrement plaisir avec ma famille raflée et déportée par les soins de la police française suivant les ordres de Vichy. D’autre part, j’aurais bien voulu entendre cela à propos de la justice, j’aurais bien voulu voir des manifestations à répétition devant le palais de justice au moment où Papon baguenaude joyeusement et tranquillement à travers la France.

Ainsi, je me retrouve en phase avec des personnalités pro-palestinienne et je n’arrive plus à me reconnaître dans les positions caricaturales prises par les organisations juives. Je ne demande pas mieux que de soutenir une association de juifs progressistes français qui ferait contrepoids au mammouth Cukierman mais si c’est pour soutenir Israel de manière pavlovienne, je ne suis pas d’accord.

Amitiés malgré tout

Laurent NIEDERMAN

Maitre de conférences à l’université Paris XI (laboratoire de Mathématiques)

Chercheur à l’Observatoire de Paris (IMCCE)

Petit fils de Gaston NIEDERMAN raflé au vel d’hiv, mort à Auschwitz

Neveux d’Emile NIEDERMAN raflé par la police de Pétain, mort à Buchenwald après la longue marche d’évacuation d’Auschwitz.

Signataire de la pétition de la coordination des scientifiques pour une paix juste et durable (www.pjpo.org).

E_mail : laurent@imcce.fr

DOCUMENTS JOINTS :

I) REPONSE DU PR. EMMANUEL DROR FARJOUN, DE L’UNIVERSITE HEBRAIQUE
DE JERUSALEM, AU PR COHEN-TANNOUDJI

12 janvier 2003 – Cher Professeur Cohen Tannoudji,

J’ai lu votre lettre dans le Monde du 9 janvier avec un sentiment de tristesse. J’ai trouvé très triste que des gens intelligents qui essaient de comprendre le monde autour d’eux estiment que la situation en Israel est une tragédie symétrique de deux peuples coincés dans une boucherie, « un conflit douloureux où deux peuples souffrent cruellement et quotidiennement » selon vous.

Pourtant, la vérité est loin d’être symétrique comme vous le laissez
entendre : depuis 35 longues années, les Palestiniens se trouvent dans une situation de véritable apartheid, qui les sépare de tout ce qui est sain en Israel, de tout ce qui peut leur donner de l’espoir. Ils n’ont aucune nationalité, ils n’ont pas de vrais passeports, pas de droit d’accès au monde extérieur … bref aucun des droits que vous, professeur Cohen Tannoudji, que moi-même et que toute la population israelienne y compris ses citoyens arabes , considèrent comme évidents.

A vrai dire, dans le cadre des lois israéliennes, les Palestiniens des territoires occupés, y compris ceux de Jérusalem Est, n’ont même pas le droit de vivre en Palestine dans leurs propres maisons et villages. Ils y résident seulement par la grâce peut-être temporaire ou arbitraire de l’Etat israélien, sans oublier que de temps à autre, ce même état décide de retirer cette grâce à un groupe ou à un individu, à Jérusalem ou ailleurs.

On voit que la situation est très éloignée de la symétrie supposée dans votre lettre au Monde.

Les Universités ne sont pas pires que le reste des institutions israéliennes, mais elles ne sont pas non plus meilleures.

Je ne m’étendrai pas sur leur attitude vis-à-vis de la minorité arabe du pays : bien que l’Arabe soit la langue d’un cinquième de la population d’Israel, il suffit de rappeler qu’il n’y a aucun enseignement en langue arabe dans les universités israéliennes.

Mais c’est au sujet des collaborations universitaires entre Israéliens et Palestiniens que votre message est le plus ambigu, et pour tout dire trompeur. Non seulement les Universités israéliennes n’ont jamais fait aucun effort pour aider leurs homologues palestiniennes, mais les coopérations dans les enseignements et la recherche qui étaient toujours minuscules, sont aujourd’hui tout simplement inexistantes, du fait du bouclage complet des territoires.

Après le massacre récent des 23 Israéliens à Tel Aviv par deux bombes palestiniennes, le gouvernement a immédiatement ordonné la fermeture de trois universités, pour une durée indéterminée, en Cisjordanie. Cette punition collective est typique, répétitive et n’a clairement rien à voir avec le maintien de la sécurité.

On n’a pas besoin de caractériser la nature exacte de cette extrême violence pour comprendre qu’elle est complètement inéluctable après les 35 ans d’oppression terrible et les privations quotidiennes infligées à la population palestinienne par les gouvernements qui se sont succédés en Israel.

Si on affirme, comme je le fais, que les violences de ce genre visant la population civile israélienne n’ont aucunement leur place dans une juste lutte contre l’oppression, on doit alors utiliser d’autres moyens de pression contre le pouvoir dominant : c’est-à-dire, contre les institutions israéliennes.

Je suis persuadé que la suspension des relations spéciales entre Israel et l’Union Européenne, et des privilèges dont jouissent les Universités israéliennes, est une mesure juste et appropriée. Les privilèges doivent être fondés sur le respect minimal des lois internationales pour les droits de l’Homme.

Emmanuel Farjoun

Dept de Math
Hebrew Univ of Jerusalem,
Jerusalem, Israel.

II) CLIMAT LOURD DANS LES UNIVERSITES ISRAELIENNES

Notre collegue Matania BenArtzi, professeur de mathematiques a l’universite hebraique de Jerusalem, père de Jonathan Ben-Artzi, 19 ans, objecteur de conscience, incarcéré en Israel depuis août 2002, a été victime de brutalité dans un institut universitaire.

Voici le compte-rendu des faits, établi par l’association Gush Shalom.

L’Institut Van Leer de Jérusalem et le ministère israélien de la Justice ont parrainé une conférence-débat publique intitulée : Problèmes sécuritaires et Droits de l’Homme. Celle-ci a eu lieu le jeudi 12 Décembre 2002, dans les murs de cette institution prestigieuse, à l’occasion de la Semaine Internationale des Droits de l’Homme.

Les orateurs invités étaient les suivants : 1/ M. Aharon Barak, Président de la Cour Suprême ; 2/ Le Général Menahem Finkelstein, procureur général du tribunal militaire ; 3/ Pr Assa Kasher, de l’Université de Tel Aviv ; 4/ Pr Nahum Rakover, du Moreshet Mishpa College (Tel Aviv) ; le Dr Michael Vigode, Directeur de la Direction de la Loi Juive au ministère de la Justice, en était le modérateur.

Le public avait été explicitement invité, par voie de publicités dans la presse, à assister à la conférence. Quelque 200 personnes avaient fait le déplacement. Parmi elles, Ofra et Matania Ben-Artzi, les parents de l’insoumis de 19 ans Jonathan Ben-Artzi, enfermé depuis le mois d’Août dans une prison militaire, sans perspective de libération en vue.

Dans les minutes précédant les premières prises de parole, les Ben-Artzi ont entrepris de distribuer un tract aux présents. Le directeur de l’Institut Van Leer, M. Shimon Alon, n’eut pas l’air d’apprécier beaucoup cette forme de participation publique, et leur demanda de quitter la salle. Mais les époux Ben-Artzi répliquèrent qu’ils étaient dans leur bon droit, en intervenant dans une manifestation ouverte au public.

Le président de la Cour Suprème s’étant fait excuser au dernier moment, il revint au Général Finkelstein de parler le premier. Celui-ci répéta l’affirmation selon laquelle les Forces de Défense d’Israel (FDI) respectent les critères moraux les plus élevés dans le cadre de ce qu’il a appelé : une lutte armée contre le terrorisme. Il affirma que les pertes civiles
palestiniennes (toujours qualifiées comme « de l’autre bord », sans jamais prononcer le mot de Palestiniens) étaient la conséquence « d’actes de guerre légitime » de la part des FDI. Ils ne peuvent par conséquent faire l’objet de poursuites judiciaires, quand bien même certaines enquêtes sont ouvertes « pour raisons opérationnelles ».

Après avoir entendu une présentation aussi partiale des faits par le général, le Professeur Ben-Artzi se leva, et demanda la parole. Le directeur de l’Institut Van Leer, M. Alon, et son adjoint, ne réfléchirent pas longtemps : avec l’aide des gardiens de l’établissement, ils sautèrent sur le Pr Ben-Artzi, lui arrachèrent ses tracts des mains, les déchirèrent, et commencèrent à le traîner de force vers la sortie. Ofra Ben-Artzi et son ami Gideon Spiro, qui tentaient de s’approcher de la scène, furent brutalement repoussées.

Tout cela s’est déroulé sous le regard de la tribune et de l’assistance, qui restèrent (à l’exception d’une poignée de personnes) totalement passives. Le Pr Ben-Artzi eut ses lunettes brisées, et fut finalement jeté hors de la salle. En l’espace de quelques minutes, une importance force de police arriva sur les lieux, dont des hommes en civil qui ne cachèrent pas leur appartenance aux services secrets (le Shabak).

Le Directeur de l’Institut n’hésita pas à affirmer que le Pr Ben-Artzi avait commis une infraction légale, tandis que Matania Ben-Artzi faisait savoir qu’il porterait plainte, contre la direction de l’Institut, pour coups et blessures.

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