21 avril – La CAPJPO, tout comme le syndicat CGT du contrôle aérien, ainsi que le Comité contre la guerre en Irak, vient de porter plainte, afin de faire constater, par la Justice, l’illégalité de l’appui apporté par le gouvernement français à l’agression anglo-américaine contre l’Irak, via l’autorisation de survol de l’espace aérien national donnée aux bombardiers anglo-américains.
Cette plainte est adressée au Conseil d’Etat, la juridiction administrative chargée, en France, de juger les plaintes émanant de citoyens à l’encontre de l’administration et de ceux qui en ont la charge, le gouvernement en l’occurrence.
Nous ne nourrissons évidemment pas d’illusions quant à son devenir, et à son aboutissement. Mais nous entendons, avec cette démarche, aider le plus grand nombre à comprendre que dans la » Démocratie » et » l’Etat de Droit » dans lesquels nous sommes censés vivre, le gouvernement, dans cette affaire, a foulé aux pieds la législation et la réglementation qui devraient constituer le socle de son propre fonctionnement.
L’autorisation de survol donnée aux avions américano-britanniques est en effet non seulement injustifiable, de la part d’un gouvernement qui avait lui-même formellement dénoncé la guerre, mais elle est illégale, comme on le verra à la lecture -forcément un peu aride, pour qui n’est pas familier de ce genre de textes- des requêtes, ci-dessous.
Destinataire :
Conseil d’Etat – Section du contentieux
Place du Palais Royal – 75001 PARIS 01
Fax : 01 40 20 88 69
Requête en référé-suspension
A Madame ou Monsieur le magistrat-délégué du Conseil d’Etat
Requête de la Coordination des appels pour une paix
juste au Proche-Orient
16 bis rue d’Odessa – 75014 Paris
Paris, le 10 avril 2003,
Madame, monsieur le magistrat-délégué,
Par une décision non publiée, révélée dans une déclaration du ministre des affaires étrangères à l’Assemblée nationale en date du 25 mars 2003 (PJ 1), le ministre de la défense a décidé d’autoriser les avions militaires américains et britanniques à emprunter l’espace aérien français en vue d’effectuer des opérations militaires contre la République d’Irak.
La Coordination des appels pour une paix juste au Proche-Orient (CAPJPO), agissant en la personne de sa présidente en exercice et de son mandataire, demande à votre juridiction de bien vouloir prononcer en urgence, en application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, la suspension de la dite décision du ministre de la défense.
Il sera démontré qu’il y a urgence à statuer, que la décision attaquée ne constitue pas un » acte de gouvernement » au sens de la jurisprudence administrative classique, et qu’elle est illégale en tant qu’elle viole les stipulations de la charte des Nations-Unies signée par la République française ainsi que la loi française sur l’utilisation de l’espace aérien.
Une requête à fin d’annulation de la même décision est parallèlement introduite devant votre juridiction.
I – Les Faits :
Par une lettre en date du 16 septembre 2002, sous la pression des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies et de la Ligue arabe, le gouvernement de la République irakienne a accepté qu’une mission d’inspection mandatée par le Conseil de sécurité des Nations-Unies puisse vérifier que l’Irak ne possédait pas sur son territoire d’armes de destruction massive.
Par une résolution 1441 en date du 8 novembre 2002 (PJ 2), le conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies a adopté à l’unanimité une résolution décidant l’instauration d’une » mission d’inspection renforcée « , seul le refus de l’Irak de se conformer à cette résolution pouvant légitimer l’emploi de la force.
La mission d’inspection de l’Irak à plusieurs reprises a constaté les progrès effectués dans le sens de la coopération avec le gouvernement irakien et observé qu’aucune arme de destruction massive n’avait été découverte au terme des premières enquêtes.
Dans ces conditions, les membres du conseil de sécurité de l’ONU se sont prononcé en faveur de la poursuite des inspections et contre le recours à la force, malgré les sollicitations des Etats-Unis d’Amérique, du Royaume-Uni et de l’Espagne favorables à une action armée contre l’Irak.
Bien que le projet de résolution de ces trois pays ait été clairement minoritaire, de sorte que ceux-ci ont dû renoncer à le soumettre au vote du conseil de sécurité (PJ 3), le Président des Etats-Unis d’Amérique ainsi que le premier ministre du Royaume-Uni ont décidé, le 20 mars 2003, de lancer une offensive militaire de grande envergure contre l’Irak.
Dans une déclaration du même jour (PJ 4), le président de la République française a » regretté » cette initiative déclenchée » sans l’aval des Nations-Unies » et jugé que l’échec d’une résolution pacifique de la question du désarmement de l’Irak serait » lourd de conséquences pour l’avenir « .
Par une décision non publiée, le ministre de la Défense a néanmoins autorisé les avions militaires américains et britanniques à survoler le territoire français.
Par une déclaration à l’Assemblée nationale le 25 mars 2003 en réponse à une question d’actualité (PJ 1), le ministre des affaires étrangères a reconnu l’existence de cette décision administrative dont il vous est demandé, par la présente requête, de prononcer en urgence la suspension.
II) Examen de la compétence de la juridiction administrative :
Les décisions autorisant l’utilisation de l’espace aérien sont des décisions administratives ordinaires relevant de l’article D 131-1 du code l’aviation civile qui peuvent être déférées au Conseil d’Etat pour excès de pouvoir.
Certes votre juridiction, en vertu de la théorie des » actes de gouvernement « , a coutume de se déclarer incompétente pour connaître d’un recours pour excès de pouvoir à l’encontre d’un acte qui ne serait » pas détachable de la conduite des relations internationales de la France « . Elle en a jugé ainsi récemment dans un arrêt Mégret et Mekhantar n°206303 206965 du 5 juillet 2000 à propos de deux requêtes tendant à l’annulation de la décision d’engager des forces militaires françaises en République fédérale de Yougoslavie.
Toutefois, cette jurisprudence ne saurait s’appliquer au cas d’espèce, dans la mesure où la décision d’ouverture de l’espace aérien n’est pas un acte indétachable de la conduite des relations internationales de la France.
En effet aucune disposition à caractère législatif ou réglementaire ne prévoit que l’ouverture de couloirs aériens soit liée à la conduite des relations internationales de la France. Au contraire le code de la navigation civile en attribue la compétence aux ministres des transports et de la défense et traite la gestion des couloirs aériens comme une mesure de gestion ordinaire.
Si la décision attaquée dans le cadre du présent litige devait être assimilée à un acte de politique étrangère, alors il pourrait en être de même, à un titre ou à un autre, de toutes les mesures de police de l’espace aérien français puisque toutes pourraient ainsi être qualifiées d’ » actes de gouvernement « .
Ce raisonnement par l’absurde montre bien que la police de l’espace aérien français n’est aucunement comparable à une mesure telle que la décision d’engager des forces militaires contre la République fédérale de Yougoslavie, qui, elle, présentait effectivement un caractère beaucoup plus politique et directement liée à la décision souveraine du chef de l’Etat.
Dans leur commentaire sous l’arrêt CE Ass 29 septembre 1995 Association Greenpeace France rec p.347 concernant la reprise des essais nucléaires dans le Pacifique, MM. Stahl et Chauvaux estiment que certains arguments plaidaient dans le sens de la reconnaissance du caractère détachable de cette reprise des essais, dans la mesure où » il n’est pas illégitime de regarder la décision prise par le président de la République comme tournée davantage vers l’ordre interne que vers l’ordre international « . Cette observation est a fortiori valable en ce qui concerne une simple mesure de police de l’espace aérien français.
Enfin, une preuve supplémentaire du caractère détachable de la mesure d’ouverture de l’espace aérien par rapport à la conduite des relations internationales de la France tient au fait que cette mesure est en contradiction avec les orientations de la politique étrangère de la France. Il est constant en effet que la politique étrangère de la France jusqu’au 20 mars 2003 date de l’attaque des Etats-Unis et du Royaume-Uni contre la République irakienne supposait une condamnation de toute action unilatérale hors du cadre fixé par l’Organisation des Nations-Unies. La France a continué à tenir ce discours également après l’agression.
Dans ces conditions, dès lors que la mesure de police aérienne litigieuse qui rend service à la coalition belligérante dans le processus d’agression contre l’Irak ne correspond pas à la ligne générale de la politique étrangère française, votre juridiction ne pourra voir dans cet élément qu’un argument supplémentaire et décisif démontrant que cet acte est évidemment détachable de la politique étrangère de la France et peut être annulé ou suspendu par la juridiction administrative comme une mesure de gestion ordinaire.
Par ailleurs, il y a lieu d’observer que la doctrine des » actes de gouvernement » qui fut inventée au XIX ème siècle sous le Second Empire, dans un contexte de gouvernement autoritaire, est en passe de perdre toute actualité.
La doctrine publiciste est largement acquise à l’idée que la théorie des actes de gouvernement équivaut à un déni de justice – voir sur ce point le commentaire du professeur Favoreu sous l’arrêt CE 25 mars 1987 Goujon à la Revue française de droit administratif 1987 p. 544-547.
Le contexte européen est de plus en plus défavorable au maintien d’une théorie de l’acte de gouvernement.
Dans la Revue française de droit administratif (RFDA) de septembre-octobre 2001 p. 1086, Fabrice Milleray, maître de conférences à l’université Panthéon-Sorbonne (Paris I) remarque que l’Espagne, bien que sortie plus récemment d’un système dictatorial que la France, a abandonné l’équivalent de cette théorie dans son pays par une loi du 13 juillet 1998.
La notion d’acte de gouvernement est incompatible avec l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantissant un droit à tout citoyen d’obtenir un procès équitable ainsi que l’article 3 prévoyant un droit au » recours effectif « . En cas d’application de cette notion au présent litige, la CAPJPO serait du reste contrainte de saisir la cour européenne des droits de l’homme pour déni de justice.
III) Recevabilité de la requête :
1) Sur l’intérêt à agir de l’association :
Aux termes de l’article 1.1 de nos statuts :
» L’objet de » Coordination des Appels pour une Paix Juste au Proche-Orient » est de contribuer à l’établissement d’une paix juste et durable entre les peuples palestinien et israélien, par l’intermédiaire, notamment, de la création d’un Etat palestinien, à côté de l’Etat d’Israël. En particulier, un tel Etat ne pourrait voir le jour qu’avec la mise en œuvre, dans la région, des principes et résolutions des Nations-Unies relatifs à l’occupation par Israël des territoires palestiniens en 1967, ainsi que des Conventions de Genève. ; la création d’une force d’interposition internationale ; et toutes mesures d’urgence que dicteraient, au regard de la réalisation d’un tel objectif, les développements de la situation internationale et régionale.
L’association a également pour objet, conformément aux dispositions du Code de Procédure Pénale (CPP) :
1.1.a. De combattre le racisme, notamment lorsqu’il se manifeste à l’encontre de la communauté arabe, musulmane ou juive (article 2-1 du CPP),
1.1.b. De combattre les atteintes volontaires à la vie et à l’intégralité de la personne et les destructions, dégradations et détériorations réprimées par les articles 221-1 à 221-4, 222-1 à 222-18 et 322-1 à 322-13 du Code Pénal qui ont été commises au préjudice d’une personne à raison de son origine.
1.1.c. De combattre les crimes contre l’humanité ou crimes de guerre commis au Proche-Orient, ainsi que la contestation de l’existence de crimes contre l’humanité (articles 2-4 et 2-5 du CPP),
1.1.d. D’assister les personnes victimes d’infractions et notamment d’infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-16 du CPP (article 2-9 du CPP).
Et plus généralement de lutter par toutes voies légales contre toutes atteintes aux droits inaliénables des peuples. »
L’article 1.1.c de nos statuts faisant référence à la contestation des crimes de guerre commis au Proche-Orient donne à la CAPJPO un intérêt pour agir. En effet, l’intervention anglo-américaine en tant qu’elle aboutit au meurtre de civils irakiens ainsi qu’à une violation du droit de la guerre peut donner lieu à la mise en cause de crimes de guerre provoqués par les agresseurs.
En outre, l’attaque illégale contre l’Irak ne manquera pas d’avoir des effets sur l’ensemble du Proche-Orient et notamment sur le conflit israëlo-palestinien ainsi que l’a reconnu lui-même le ministre des affaires étrangères français à la tribune du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations-Unies le 14 février 2003. Elle emporte en également des conséquences directes sur les risques de racisme à l’encontre des communautés arabe, musulmane et juive de France.
La décision administrative attaquée en tant qu’elle autorise le survol des avions anglo-américains au dessus du territoire français peut être regardée comme facilitant les crimes de guerre commis au Proche-Orient par les troupes belligérantes et susciter un regain de tensions intercommunautaires en France.
L’intérêt pour agir de la CAPJPO étant établi, la présente requête est donc de ce point de vue recevable
2) Sur la qualité pour agir du président et de son mandataire :
La CAPJPO s’engage à produire sous huit jours les statuts de l’association, le procès-verbal du vote de l’assemblée générale de l’association habilitant sa présidente à agir en justice dans la présente instance, ainsi que l’habilitation de son mandataire.
IV) – Sur l’urgence :
A la date de la présente requête les opérations américano-britanniques en Irak se poursuivent causant des pertes matérielles et humaines graves à la population irakienne.
L’autorisation de survol du territoire accordée aux avions militaires anglo-américains facilite les bombardements et transports de troupe au Proche et Moyen-Orient. L’urgence que constitue un tel danger impose la prise d’une décision juridictionnelle conservatoire immédiate.
V) – Moyens d’annulation justifiant l’existence d’un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée :
1) Violation de la charte des Nations-Unies
Aux termes de l’article 2, §4 de la charte des Nations Unies :
» Les membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations-Unies « .
Aux termes de l’article 33 de la même charte :
» Les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d’enquête, de médiation, de conciliation, d’arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d’autres moyens pacifiques de leur choix. »
Enfin le chapitre VII de la même charte habilite le seul conseil de sécurité des Nations-Unies à prendre des sanctions militaires à l’encontre d’un pays constituant une menace pour la paix et la sécurité internationales.
Il est constant que les opérations militaires conduites par les gouvernements britannique et américain n’ont pas reçu de mandat du conseil de sécurité des Nations-Unies, la résolution n°1441 du conseil de sécurité ayant strictement subordonné à l’appréciation des résultats des missions d’inspection par l’ensemble du conseil de sécurité des Nations-Unies la possibilité d’une intervention militaire contre l’Irak. En l’absence de vote d’une nouvelle résolution du conseil de sécurité à l’issue du travail des inspecteurs du désarmement de l’Irak, l’action unilatérale lancée par les Etats-Unis et leurs alliés est illégale.
Toute forme de participation ou de soutien à des opérations militaires illégales est elle-même illégale.
Le Conseil de sécurité de l’ONU à plusieurs reprises a tenu ce raisonnement interdisant à des pays tiers de favoriser de conflits illégaux (voir par exemple dans le cadre de la guerre Iraq-Iran : résolutions n°s 479 du 28 septembre 1980, 514 du 12 juillet 1982 et 522 du 4 octobre 1982) ou des situations constituant des menaces pour la paix et la sécurité internationales (voir récemment dans la guerre civile congolaise résolution n°1445 du 4 décembre 2002 point 18).
La décision de favoriser le passage des avions militaires américano-britanniques au dessus de son territoire viole ces règles internationales.
Le ministre de la défense ne saurait invoquer à l’appui de sa décision aucune clause particulière du Traité de l’Atlantique nord. En effet, les accords de défense passés par la France avec les Etats-Unis d’Amérique et le Royaume Uni laissent aux autorités françaises une marge d’appréciation et ne placent pas notre pays en situation de compétence liée. La France a du reste refusé l’autorisation de survol de son terrotoire aux avions militaires états-uniens en 1986 lors d’opérations militaires unilatréales illégales conduites par ce pays à l’encontre de la République libyenne.
Votre juridiction a instauré un régime de contrôle de conventionalité par un arrêt Nicolo du 20 octobre 1989. Elle ne pourra donc de ce fait que suspendre pour incompatibilité avec la charte des Nations-Unies l’autorisation de survol du territoire accordée illégalement par le ministre de la défense français aux avions militaires états-uniens et britanniques dans le cadre de leur action contre l’Irak .
2) Violation du droit de l’environnement et de la santé publique
Les avions militaires américains et britanniques survolant le territoire national constituent un risque pour les populations civiles et pour la protection de l’environnement, en raison du risque de collision, d’avarie matérielle ou d’accident que peuvent subir ou provoquer ces appareils. En effet, les possibilités de pertes et d’explosion accidentelle de bombes transportées par ces aéronefs ne peuvent pas être a priori exclues.
En outre, ce danger se double d’un risque de pollution ou d’accident lié au fait que les bombardiers états-uniens ont instruction de décharger leurs bombes avant chaque atterrissage. Le 15 février 1991, lors de la première guerre du Golfe un député à la chambre des communes britanniques avait interrogé le gouvernement sur les risques de déversement par les bombardiers B 52 de bombes en mer dans le canal de Bristol au retour de leur mission dans le Golfe (PJ 5).
Le 14 mai 1999, durant la guerre du Kosovo, le journal italien Liberazione dénonçait le largage récent de centaines de bombes au large de Chioggia dans la baie de Venise par les avions militaires américains de retour de mission (PJ 6). Le 8 juin 1999 le journal italien La Padania faisait encore état du déchargement illégal d’une douzaine de bombes américaines à 35 miles nautiques au large de Comacchio en Italie (mer adriatique) – (PJ 7).
Il n’est pas établi que le gouvernement français ait négocié avec les autorités américaines les garanties selon lesquelles les largages de bombes se feront en dehors des eaux territoriales françaises, en outre, à supposer que de telles garanties aient été apportées, celles-ci ne sauraient prévaloir pour le cas où les aéronefs états-uniennes seraient conduites à atterrir d’urgence sur le territoire français, en cas d’avarie par exemple.
Aux termes de l’article L.200-1. du nouveau code rural « Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation.
« Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d’intérêt général et concourent à l’objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s’inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants :
« – le principe de précaution, selon lequel l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable;
« – le principe d’action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable; « – le principe pollueur-payeur, selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur;
« – le principe de participation, selon lequel chaque citoyen doit avoir accès aux informations relatives à l’environnement, y compris celles relatives aux substances et activités dangereuses. » »
La mesure autorisant le survol du territoire français par les aéronefs entre en infraction avec chacun des points de cet article du fait des risques de pollution et d’accidents qu’elle provoque.
Dans la mesure où la décision litigieuse ne prend pas en compte le risque que le passage de ces avions fait courir à la population française en cas d’accident ou de perte de cargaison elle est également en contradiction avec les obligations incombant à l’Etat aux termes du code de la santé publique.
La juridiction administrative a fait plusieurs fois application du principe de précaution en matière de santé publique (CAA de Marseille – 8 février 2001 – M. Boutrif) et d’environnement (CE 1er octobre 2001 Association Greenpeace France n° 225008 tables) et ne pourra que constater, en l’espèce, que la décision litigieuse a été prise en méconnaissance de ce principe.
3) Violation du code de l’aviation civile
Aux termes de l’article D. 131-4-1 du code de l’aviation civile : » Le ministre de la défense et le ministre chargé de l’aviation civile organisent conjointement l’espace aérien national et les espaces aériens placés sous juridiction française et en réglementent l’utilisation « .
Au termes de l’article D.131-5-1 du même code (inséré par Décret n° 95-1024 du 18 septembre 1995 art. 1er – Journal Officiel du 19 septembre 1995) : » Il est institué un directoire de l’espace aérien. Le directoire de l’espace aérien veille à la coordination des actions de l’Etat dans le domaine de l’organisation et de l’utilisation de l’espace aérien. Il est composé du directeur de la navigation aérienne et du directeur de la circulation aérienne militaire. »
La décision d’autorisation de survol du territoire a été prise par le ministre de la défense sans consultation préalable de du directoire de l’espace aérien. Elle est donc entachée d’un vice de procédure substantiel et s’avère, pour ce motif également, illégale.
Par ces motifs et tous autres à produire, déduire ou suppléer même d’office
Plaise au Conseil d’Etat d’ordonner la suspension en urgence de la décision litigieuse.
La Présidente de l’association Le mandataire de la Présidente
Olivia Zemor Nicolas Shahshahani
LISTE DES PIECES ANNEXEES
1 – Déclaration du ministre des affaires étrangères à l’assemblé nationale en réponse à une question d’actualité le 25 mars 2003 (http://special.diplomatie.fr/article222.html).
2 – Résolution 1441 du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies en date du 8 novembre 2002 (http://special.diplomatie.fr/article49.html).
3 – Note du ministère des affaires étrangères français du 19 mars 2003 sur la non-mise aux voix du projet de résolution hispano-anglo-américain (http://special.diplomatie.fr/article61.html).
4 – Déclaration du président de la République le 20 mars 2003 (http://special.diplomatie.fr/article170.html).
5 – Extrait de débat à la chambre des communes (http://www.parliament.the-stationery-office.co.uk/pa/cm199091/cmhansrd/1991-02-15/Writtens-3.html)
6 – Article paru dans le journal Liberazione (http://www.geocities.com/CapitolHill/Congress/8506/archivio99/ma140599a.html).
7 – Article paru dans le journal La Padania (http://www.lapadania.com/1999/giugno/08/080699p03a01.htm).
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Destinataire :
Conseil d’Etat – Section du contentieux
Place du Palais Royal – 75001 PARIS 01
Fax : 01 40 20 88 69
Recours pour excès de pouvoir
A monsieur le président, mesdames et messieurs les conseillers, maîtres des requêtes et auditeurs membres de la section du contentieux du Conseil d’Etat
Requête de la Coordination des appels pour une paix
juste au Proche-Orient
16 bis rue d’Odessa – 75014 Paris
Paris, le 10 avril 2003,
Mesdames, Messieurs,
Par une décision non publiée, révélée dans une déclaration du ministre des affaires étrangères à l’Assemblée nationale en date du 25 mars 2003 (PJ 1), le ministre de la défense a décidé d’autoriser les avions militaires américains et britanniques à emprunter l’espace aérien français en vue d’effectuer des opérations militaires contre la République d’Irak.
La Coordination des appels pour une paix juste au Proche-Orient (CAPJPO), agissant en la personne de sa présidente en exercice et de son mandataire, demande à votre juridiction de bien vouloir prononcer l’annulation de la dite décision du ministre de la défense.
Il sera démontré que la décision attaquée ne constitue pas un » acte de gouvernement » au sens de la jurisprudence administrative classique, et qu’elle est illégale en tant qu’elle viole les stipulations de la charte des Nations-Unies signée par la République française ainsi que la loi française sur l’utilisation de l’espace aérien.
I – Les Faits :
Par une lettre en date du 16 septembre 2002, sous la pression des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies et de la Ligue arabe, le gouvernement de la République irakienne a accepté qu’une mission d’inspection mandatée par le Conseil de sécurité des Nations-Unies puisse vérifier que l’Irak ne possédait pas sur son territoire d’armes de destruction massive.
Par une résolution 1441 en date du 8 novembre 2002 (PJ 2), le conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies a adopté à l’unanimité une résolution décidant l’instauration d’une » mission d’inspection renforcée « , seul le refus de l’Irak de se conformer à cette résolution pouvant légitimer l’emploi de la force.
La mission d’inspection de l’Irak à plusieurs reprises a constaté les progrès effectués dans le sens de la coopération avec le gouvernement irakien et observé qu’aucune arme de destruction massive n’avait été découverte au terme des premières enquêtes.
Dans ces conditions, les membres du conseil de sécurité de l’ONU se sont prononcé en faveur de la poursuite des inspections et contre le recours à la force, malgré les sollicitations des Etats-Unis d’Amérique, du Royaume-Uni et de l’Espagne favorables à une action armée contre l’Irak.
Bien que le projet de résolution de ces trois pays ait été clairement minoritaire, de sorte que ceux-ci ont dû renoncer à le soumettre au vote du conseil de sécurité (PJ 3), le Président des Etats-Unis d’Amérique ainsi que le premier ministre du Royaume-Uni ont décidé, le 20 mars 2003, de lancer une offensive militaire de grande envergure contre l’Irak.
Dans une déclaration du même jour (PJ 4), le président de la République française a » regretté » cette initiative déclenchée » sans l’aval des Nations-Unies » et jugé que l’échec d’une résolution pacifique de la question du désarmement de l’Irak serait » lourd de conséquences pour l’avenir « .
Par une décision non publiée, le ministre de la défense a néanmoins autorisé les avions militaires américains et britanniques à survoler le territoire français.
Par une déclaration à l’Assemblée nationale le 25 mars 2003 en réponse à une question d’actualité (PJ 1), le ministre des affaires étrangères a reconnu l’existence de cette décision administrative dont il vous est demandé, par la présente requête, de prononcer l’annulation.
II) Examen de la compétence de la juridiction administrative :
Les décisions autorisant l’utilisation de l’espace aérien sont des décisions administratives ordinaires relevant de l’article D 131-1 du code l’aviation civile qui peuvent être déférées au Conseil d’Etat pour excès de pouvoir.
Certes votre juridiction, en vertu de la théorie des » actes de gouvernement « , a coutume de se déclarer incompétente pour connaître d’un recours pour excès de pouvoir à l’encontre d’un acte qui ne serait » pas détachable de la conduite des relations internationales de la France « . Elle en a jugé ainsi récemment dans un arrêt Mégret et Mekhantar n°206303 206965 du 5 juillet 2000 à propos de deux requêtes tendant à l’annulation de la décision d’engager des forces militaires françaises en République fédérale de Yougoslavie.
Toutefois, cette jurisprudence ne saurait s’appliquer au cas d’espèce, dans la mesure où la décision d’ouverture de l’espace aérien n’est pas un acte indétachable de la conduite des relations internationales de la France.
En effet aucune disposition à caractère législatif ou réglementaire ne prévoit que l’ouverture de couloirs aériens soit liée à la conduite des relations internationales de la France. Au contraire le code de la navigation civile en attribue la compétence aux ministres des transports et de la défense et traite la gestion des couloirs aériens comme une mesure de gestion ordinaire.
Si la décision attaquée dans le cadre du présent litige devait être assimilée à un acte de politique étrangère, alors il pourrait en être de même, à un titre ou à un autre, de toutes les mesures de police de l’espace aérien français puisque toutes pourraient ainsi être qualifiées d’ » actes de gouvernement « .
Ce raisonnement par l’absurde montre bien que la police de l’espace aérien français n’est aucunement comparable à une mesure telle que la décision d’engager des forces militaires contre la République fédérale de Yougoslavie, qui, elle, présentait effectivement un caractère beaucoup plus politique et directement liée à la décision souveraine du chef de l’Etat.
Dans leur commentaire sous l’arrêt CE Ass 29 septembre 1995 Association Greenpeace France rec p.347 concernant la reprise des essais nucléaires dans le Pacifique, MM. Stahl et Chauvaux estiment que certains arguments plaidaient dans le sens de la reconnaissance du caractère détachable de cette reprise des essais, dans la mesure où » il n’est pas illégitime de regarder la décision prise par le président de la République comme tournée davantage vers l’ordre interne que vers l’ordre international « . Cette observation est a fortiori valable en ce qui concerne une simple mesure de police de l’espace aérien français.
Enfin, une preuve supplémentaire du caractère détachable de la mesure d’ouverture de l’espace aérien par rapport à la conduite des relations internationales de la France tient au fait que cette mesure est en contradiction avec les orientations de la politique étrangère de la France. Il est constant en effet que la politique étrangère de la France jusqu’au 20 mars 2003 date de l’attaque des Etats-Unis et du Royaume-Uni contre la République irakienne supposait une condamnation de toute action unilatérale hors du cadre fixé par l’Organisation des Nations-Unies. La France a continué à tenir ce discours également après l’agression.
Dans ces conditions, dès lors que la mesure de police aérienne litigieuse qui rend service à la coalition belligérante dans le processus d’agression contre l’Irak ne correspond pas à la ligne générale de la politique étrangère française, votre juridiction ne pourra voir dans cet élément qu’un argument supplémentaire et décisif démontrant que cet acte est évidemment détachable de la politique étrangère de la France et peut être annulé ou suspendu par la juridiction administrative comme une mesure de gestion ordinaire.
Par ailleurs, il y a lieu d’observer que la doctrine des » actes de gouvernement » qui fut inventée au XIX ème siècle sous le Second Empire, dans un contexte de gouvernement autoritaire, est en passe de perdre toute actualité.
La doctrine publiciste est largement acquise à l’idée que la théorie des actes de gouvernement équivaut à un déni de justice – voir sur ce point le commentaire du professeur Favoreu sous l’arrêt CE 25 mars 1987 Goujon à la Revue française de droit administratif 1987 p. 544-547.
Le contexte européen est de plus en plus défavorable au maintien d’une théorie de l’acte de gouvernement.
Dans la Revue française de droit administratif (RFDA) de septembre-octobre 2001 p. 1086, Fabrice Milleray, maître de conférences à l’université Panthéon-Sorbonne (Paris I) remarque que l’Espagne, bien que sortie plus récemment d’un système dictatorial que la France, a abandonné l’équivalent de cette théorie dans son pays par une loi du 13 juillet 1998.
La notion d’acte de gouvernement est incompatible avec l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantissant un droit à tout citoyen d’obtenir un procès équitable ainsi que l’article 3 prévoyant un droit au » recours effectif « . En cas d’application de cette notion au présent litige, la CAPJPO serait du reste contrainte de saisir la cour européenne des droits de l’homme pour déni de justice.
III) Recevabilité de la requête :
1) Sur l’intérêt à agir de l’association :
Aux termes de l’article 1.1 de nos statuts :
» L’objet de » Coordination des Appels pour une Paix Juste au Proche-Orient » est de contribuer à l’établissement d’une paix juste et durable entre les peuples palestinien et israélien, par l’intermédiaire, notamment, de la création d’un Etat palestinien, à côté de l’Etat d’Israël. En particulier, un tel Etat ne pourrait voir le jour qu’avec la mise en œuvre, dans la région, des principes et résolutions des Nations-Unies relatifs à l’occupation par Israël des territoires palestiniens en 1967, ainsi que des Conventions de Genève. ; la création d’une force d’interposition internationale ; et toutes mesures d’urgence que dicteraient, au regard de la réalisation d’un tel objectif, les développements de la situation internationale et régionale.
L’association a également pour objet, conformément aux dispositions du Code de Procédure Pénale (CPP) :
1.1.a. De combattre le racisme, notamment lorsqu’il se manifeste à l’encontre de la communauté arabe, musulmane ou juive (article 2-1 du CPP),
1.1.b. De combattre les atteintes volontaires à la vie et à l’intégralité de la personne et les destructions, dégradations et détériorations réprimées par les articles 221-1 à 221-4, 222-1 à 222-18 et 322-1 à 322-13 du Code Pénal qui ont été commises au préjudice d’une personne à raison de son origine.
1.1.c. De combattre les crimes contre l’humanité ou crimes de guerre commis au Proche-Orient, ainsi que la contestation de l’existence de crimes contre l’humanité (articles 2-4 et 2-5 du CPP),
1.1.d. D’assister les personnes victimes d’infractions et notamment d’infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-16 du CPP (article 2-9 du CPP).
Et plus généralement de lutter par toutes voies légales contre toutes atteintes aux droits inaliénables des peuples. »
L’article 1.1.c de nos statuts faisant référence à la contestation des crimes de guerre commis au Proche-Orient donne à la CAPJPO un intérêt pour agir. En effet, l’intervention anglo-américaine en tant qu’elle aboutit au meurtre de civils irakiens ainsi qu’à une violation du droit de la guerre peut donner lieu à la mise en cause de crimes de guerre provoqués par les agresseurs.
En outre, l’attaque illégale contre l’Irak ne manquera pas d’avoir des effets sur l’ensemble du Proche-Orient et notamment sur le conflit israëlo-palestinien ainsi que l’a reconnu lui-même le ministre des affaires étrangères français à la tribune du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations-Unies le 14 février 2003. Elle emporte en également des conséquences directes sur les risques de racisme à l’encontre des communautés arabe, musulmane et juive de France.
La décision administrative attaquée en tant qu’elle autorise le survol des avions anglo-américains au dessus du territoire français peut être regardée comme facilitant les crimes de guerre commis au Proche-Orient par les troupes belligérantes et susciter un regain de tensions intercommunautaires en France.
L’intérêt pour agir de la CAPJPO étant établi, la présente requête est donc de ce point de vue recevable
2) Sur la qualité pour agir du président et de son mandataire :
La CAPJPO s’engage à produire sous huit jours les statuts de l’association, le procès-verbal du vote de l’assemblée générale de l’association habilitant sa présidente à agir en justice dans la présente instance, ainsi que l’habilitation de son mandataire.
IV) – Moyens d’annulation :
1) Violation de la charte des Nations-Unies
Aux termes de l’article 2, §4 de la charte des Nations Unies :
» Les membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations-Unies « .
Aux termes de l’article 33 de la même charte :
» Les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d’enquête, de médiation, de conciliation, d’arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d’autres moyens pacifiques de leur choix. »
Enfin le chapitre VII de la même charte habilite le seul conseil de sécurité des Nations-Unies à prendre des sanctions militaires à l’encontre d’un pays constituant une menace pour la paix et la sécurité internationales.
Il est constant que les opérations militaires conduites par les gouvernements britannique et américain n’ont pas reçu de mandat du conseil de sécurité des Nations-Unies, la résolution n°1441 du conseil de sécurité ayant strictement subordonné à l’appréciation des résultats des missions d’inspection par l’ensemble du conseil de sécurité des Nations-Unies la possibilité d’une intervention militaire contre l’Irak. En l’absence de vote d’une nouvelle résolution du conseil de sécurité à l’issue du travail des inspecteurs du désarmement de l’Irak, l’action unilatérale lancée par les Etats-Unis et leurs alliés est illégale.
Toute forme de participation ou de soutien à des opérations militaires illégales est elle-même illégale.
Le Conseil de sécurité de l’ONU à plusieurs reprises a tenu ce raisonnement interdisant à des pays tiers de favoriser de conflits illégaux (voir par exemple dans le cadre de la guerre Iraq-Iran : résolutions n°s 479 du 28 septembre 1980, 514 du 12 juillet 1982 et 522 du 4 octobre 1982) ou des situations constituant des menaces pour la paix et la sécurité internationales (voir récemment dans la guerre civile congolaise résolution n°1445 du 4 décembre 2002 point 18).
La décision de favoriser le passage des avions militaires américano-britanniques au dessus de son territoire viole ces règles internationales.
Le ministre de la défense ne saurait invoquer à l’appui de sa décision aucune clause particulière du Traité de l’Atlantique nord. En effet, les accords de défense passés par la France avec les Etats-Unis d’Amérique et le Royaume Uni laissent aux autorités françaises une marge d’appréciation et ne placent pas notre pays en situation de compétence liée. La France a du reste refusé l’autorisation de survol de son terrotoire aux avions militaires états-uniens en 1986 lors d’opérations militaires unilatréales illégales conduites par ce pays à l’encontre de la République libyenne.
Votre juridiction a instauré un régime de contrôle de conventionalité par un arrêt Nicolo du 20 octobre 1989. Elle ne pourra donc de ce fait qu’annuler pour incompatibilité avec la charte des Nations-Unies l’autorisation de survol du territoire accordée illégalement par le ministre de la défense français aux avions militaires états-uniens et britanniques dans le cadre de leur action contre l’Irak .
2) Violation du droit de l’environnement et de la santé publique
Les avions militaires américains et britanniques survolant le territoire national constituent un risque pour les populations civiles et pour la protection de l’environnement, en raison du risque de collision, d’avarie matérielle ou d’accident que peuvent subir ou provoquer ces appareils. En effet, les possibilités de pertes et d’explosion accidentelle de bombes transportées par ces aéronefs ne peuvent pas être a priori exclues.
En outre, ce danger se double d’un risque de pollution ou d’accident lié au fait que les bombardiers états-uniens ont instruction de décharger leurs bombes avant chaque atterrissage. Le 15 février 1991, lors de la première guerre du Golfe un député à la chambre des communes britanniques avait interrogé le gouvernement sur les risques de déversement par les bombardiers B 52 de bombes en mer dans le canal de Bristol au retour de leur mission dans le Golfe (PJ 5).
Le 14 mai 1999, durant la guerre du Kosovo, le journal italien Liberazione dénonçait le largage récent de centaines de bombes au large de Chioggia dans la baie de Venise par les avions militaires américains de retour de mission (PJ 6). Le 8 juin 1999 le journal italien La Padania faisait encore état du déchargement illégal d’une douzaine de bombes américaines à 35 miles nautiques au large de Comacchio en Italie (mer adriatique) – (PJ 7).
Il n’est pas établi que le gouvernement français ait négocié avec les autorités américaines les garanties selon lesquelles les largages de bombes se feront en dehors des eaux territoriales françaises, en outre, à supposer que de telles garanties aient été apportées, celles-ci ne sauraient prévaloir pour le cas où les aéronefs états-uniennes seraient conduites à atterrir d’urgence sur le territoire français, en cas d’avarie par exemple.
Aux termes de l’article L.200-1. du nouveau code rural « Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation.
« Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d’intérêt général et concourent à l’objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s’inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants :
« – le principe de précaution, selon lequel l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable;
« – le principe d’action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable; « – le principe pollueur-payeur, selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur;
« – le principe de participation, selon lequel chaque citoyen doit avoir accès aux informations relatives à l’environnement, y compris celles relatives aux substances et activités dangereuses. » »
La mesure autorisant le survol du territoire français par les aéronefs entre en infraction avec chacun des points de cet article du fait des risques de pollution et d’accidents qu’elle provoque.
Dans la mesure où la décision litigieuse ne prend pas en compte le risque que le passage de ces avions fait courir à la population française en cas d’accident ou de perte de cargaison elle est également en contradiction avec les obligations incombant à l’Etat aux termes du code de la santé publique.
La juridiction administrative a fait plusieurs fois application du principe de précaution en matière de santé publique (CAA de Marseille – 8 février 2001 – M. Boutrif) et d’environnement (CE 1er octobre 2001 Association Greenpeace France n° 225008 tables) et ne pourra que constater, en l’espèce, que la décision litigieuse a été prise en méconnaissance de ce principe.
3) Violation du code de l’aviation civile
Aux termes de l’article D. 131-4-1 du code de l’aviation civile : » Le ministre de la défense et le ministre chargé de l’aviation civile organisent conjointement l’espace aérien national et les espaces aériens placés sous juridiction française et en réglementent l’utilisation « .
Au termes de l’article D.131-5-1 du même code (inséré par Décret n° 95-1024 du 18 septembre 1995 art. 1er – Journal Officiel du 19 septembre 1995) : » Il est institué un directoire de l’espace aérien. Le directoire de l’espace aérien veille à la coordination des actions de l’Etat dans le domaine de l’organisation et de l’utilisation de l’espace aérien. Il est composé du directeur de la navigation aérienne et du directeur de la circulation aérienne militaire. »
La décision d’autorisation de survol du territoire a été prise par le ministre de la défense sans consultation préalable de du directoire de l’espace aérien. Elle est donc entachée d’un vice de procédure substantiel et s’avère, pour ce motif également, illégale.
Par ces motifs et tous autres à produire, déduire ou suppléer même d’office
Plaise au Conseil d’Etat d’annuler la décision litigieuse.
La Présidente de l’association Le mandataire de la Présidente
Olivia Zemor Nicolas Shahshahani
LISTE DES PIECES ANNEXEES
1 – Déclaration du ministre des affaires étrangères à l’assemblé nationale en réponse à une question d’actualité le 25 mars 2003 (http://special.diplomatie.fr/article222.html).
2 – Résolution 1441 du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies en date du 8 novembre 2002 (http://special.diplomatie.fr/article49.html).
3 – Note du ministère des affaires étrangères français du 19 mars 2003 sur la non-mise aux voix du projet de résolution hispano-anglo-américain (http://special.diplomatie.fr/article61.html).
4 – Déclaration du président de la République le 20 mars 2003 (http://special.diplomatie.fr/article170.html).
5 – Extrait de débat à la chambre des communes (http://www.parliament.the-stationery-office.co.uk/pa/cm199091/cmhansrd/1991-02-15/Writtens-3.html)
6 – Article paru dans le journal Liberazione (http://www.geocities.com/CapitolHill/Congress/8506/archivio99/ma140599a.html).
7 – Article paru dans le journal La Padania (http://www.lapadania.com/1999/giugno/08/080699p03a01.htm).