24 avril – (par Claire PÂQUE, à Jérusalem) – Il y a 3 jours, nous nous sommes rendus dans le Neguev, a une vingtaine de km au sud de Beer Sheva, dans le Wadi Na’ar, ou une tribu bedouine est installee dans un village-bidonville dit « non-reconnu ».
Cette tribu, originaire d’une region plus au sud du Neguev, a ete deportee a cet endroit par les Israeliens en 1950. Ses membres (actuellement 5000 personnes environ) ont la nationalite israelienne, les enfants recoivent un enseignement fourni par l’etat d’Israel, et tout le monde y parle couramment l’hebreu, en sus de l’arabe bien entendu. Les hommes peuvent servir dans l’armee israelienne, quoique cela ne soit pas obligatoire, les femmes en etant exemptees.
Toutefois, ce village n’est pas reconnu par l’Etat d’Israel, ce qui veut dire qu’il n’est indique sur aucune carte geographique ni officialise par aucune administration etc, et que ses habitants n’ont aucun droit effectif d’y resider, ni de beneficier d’aucun service public quelconque. La tribu, qui est sedentarisee, vit donc dans ce desert du Neguev, sans routes asphaltees, ni connexion au reseau electrique (alors que le « village » est situe a un kilometre d’une gigantesque centrale electrique, ce sont des generateurs qui fournissent a grands frais et a grand bruit l’electricite… ), et ce dans des « maisons » de tole ondulee, donc glaciales en hiver et se transformant en fours en ete. Seule la connexion au reseau d’eau a ete fournie par Israel a ceux-la memes qui SONT des citoyens Israeliens… En 1960, une usine chimique a ete construite non loin. Pour cette raison, ainsi qu’a cause du voisinage de la centrale electrique (les « maisons » sont directement sous les pylones a haute tension), et aussi a cause du depot de produits toxiques divers dans les environs (la centrale nucleaire de Dimona est toute proche…), la tribu a demande en justice, sans succes a ce jour, l’attribution de terrains non ainsi diversement pollues et qui soient adaptes a l’agriculture et a l’elevage du betail (chevres et moutons).
La tribu, aidee par differentes organisations israeliennes de paix, et en commun avec d’autres tribus israeliennes du Neguev, a demande en justice le droit a l’acces a des services de sante : construction de cliniques, etc. La Cour Supreme a fini en 1998 par reconnaitre un droit a la construction de 6 cliniques au benefice des plaignants. Toutefois, a ce jour, seules 3 cliniques ont ete construites par l’etat d’Israel, et en tout etat de cause pas dans le Wadi Na’ar ou vit pourtant la plus grande des tribus concernees…
Les Israeliens du camp de la paix ont donc decide de prendre les choses en main : sous l’egide d’Al Bustan*, un projet de construction d’une « clinique illegale » est en cours de realisation, sur une duree d’une semaine. Des architectes israeliens en ont dessine les plans, et une liste de medecins volontaires arabes ou israeliens y travaillera des son ouverture. Ce projet se range donc dans les actions de desobeissance civile, comme de resistance non-violente.
Lorsque nous sommes arrives sur le site, et dans une ambiance de fete, des dizaines de Bedouins et d’Israeliens etaient en train de malaxer de la terre et de la paille dans de grands bacs, la clinique etant volontairement construite en pise, sous un large auvent de bois. Les murs exterieurs, tres epais, etaient presque termines, et etaient lisses a la main. Tout autour, des pneus tres etroitement poses les uns sur les autres puis remplis de terre, allaient in fine former un grand arc de cercle a titre de cloture. A l’interieur de ce perimetre, un jardin sera mis en place, notamment avec les dizaines de plantes apportees par les Israeliens. Les architectes ont deliberement choisis ces materiaux (bois, paille, terre, pneus, …) pour demontrer comment l’on peut contruire a peu de frais en utilisant intelligemment et de facon ecologique tous les materiaux disponibles.
Apres le diner, plusieurs intervenants ont pris la parole en hebreu, tout le monde (Bedouins et Israeliens) etant reuni dans le seul batiment en dur que j’aie vu a l’horizon (a l’exception de la centrale electrique), et constituant une sorte de maison communautaire : Jeff Halper de l’Icahd – comite israelien contre les demolitions de maisons palestiniennes, l’avocat de la tribu – Bedouin lui-meme, le representant Bedouin du Conseil Regional des Villages Non-Reconnus, puis le representant de l’administration civile Israelienne et lui-meme ordonnateur de destructions, expulsions et discriminations diverses…
Al Bustan : org. israelienne rattachee a l’Icahd, et specialisee dans l’aide aux minorites victimes de toutes formes de discrimination –elle a notamment beaucoup aide la tribu bedouine Jahalin dont l’Afps Paris Sud s’occupe activement depuis un an.
Claire Pâque (AFPS-Paris Sud, CAPJPO)
