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VIENT DE PARAITRE : A LIRE ET A FAIRE LIRE « LE PARFUM DE NOTRE TERRE » de Kenizé MOURAD

parfum_terre.bmp 28 avril – Les éditions Laffont viennent de publier un recueil de témoignages poignants sur la situation en Palestine et en Israël , réunis au cours des derniers mois par Kenizé Mourad, reporter spécialisée dans le Moyen-Orient sous le double titre de « Le Parfum de notre terre » et « Voix de Palestine et d’Israël ».


L’auteur a parcouru le pays en interrogeant des enfants, des adultes, des familles et nous livre la preuve accablante des conditions de vie et de mort des Palestiniens, de l’impossibilité de connaître l’enfance et l’espérance dans les territoires occupés, de l’horizon totalement bouché pour des millions d’êtres humains, farouchement déterminés à résister malgré un terrible sentiment d’abandon.

Croyants et non croyants, combattants et pacifistes s’expriment en toute sincérité. Et c’est peut-être de quelques Israéliens, malheureusement atypiques, que s’élève le réquisitoire le plus violent et le plus désespéré sur la politique israélienne et sur ses conséquences.

Ainsi s’exprime Jeremy Milgrom, un rabbin de l’association « Rabbins pour les Droits de l’homme » :

« Nous avons soutenu le plan Rabin, mais aujourd’hui il est clair qu’Israël a utilisé le processus d’Oslo pour consolider son contrôle sur les territoires occupés. Nous faisons dans ces territoires exactement ce que faisaient les Sud-Africains : créer des bantoustans, les contrôler, conserver la totale maîtrise de l’eau. Les Israéliens ne veulent rien partager, la grande majorité d’entre eux ne vit pas au Moyen-Orient, mais dans un ïlot européen, créé artificiellement. Nous avons une attitude négative envers cette région, sa culture et sa religion. Nous avons construit notre ghetto de luxe (… ) Pour le moment, le monde ne réagit pas car les Juifs sont influents et les gens ont peur d’être taxés d’antisémitisme. Mais c’est nous, Juifs, qui sommes aujourd’hui responsables de l’antisémitisme ».

Léa Tsemel, avocate israélienne qui défend depuis 30 ans les droits de l’homme, explique comment elle a compris qu’ « Israël n’était ni plus ni moins qu’un Etat colonialiste ». « La seule différence, précise-t-elle étant que « cet Etat, au lieu de dominer la population indigène, l’a chassée ». « J’ai compris que l’on m’avais trompée, que nous n’étions pas cette grande démocratie dont j’étais si fière, et que le slogan sur lequel nous avions construit notre pays : « un peuple sans terre pour une terre sans peuple » n’était qu’un mensonge ».
Et quand Kenizé Mourad lui demande : « A votre avis, ce sont les attentats-suicides qui ont durci l’opinion ? », elle répond sans hésiter : « Mais non, voyons ! Le gouvernement israélien ne veut pas négocier et il prend cela comme excuse. A une époque, l’excuse, c’était les pierres. Il disait « On ne peut pas discuter : comment pouvez-vous avoir confiance en des gens qui vous lancent des pierres ? »
« En fait, ajoute-t-elle, l’impact des attentats-suicides aurait dû être énorme sur les Israéliens. Nous aurions dû nous poser la question : « Pourquoi font-ils cela » Nous aussi, Juifs, nous avons eu nos suicides héroïques, depuis Samson jusqu’à Massada. En 1947-48, nous avons eu beaucoup de martyrs dans l’armée. Les Israéliens devraient admirer les Palestiniens qui se sacrifient pour leur cause, comme nous l’avons fait nous-mêmes. Au lieu de cela, on les qualifie de monstres et de fanatiques. Pas un instant on ne se demande ce qui pousse ces jeunes à se faire exploser dans la rue ! Les gens gobent la propagande du gouvernement, et ils s’endurcissent de plus en plus. (….) Les Israéliens sont persuadés qu’ils sont au-dessus de toute critique morale. Ne voyez-vous pas leur réaction, si les Nations Unies ou un quelconque gouvernement osent un mot : « Qui êtes-vous donc pour nous accuser ? C’est nous les victimes, ne l’oubliez pas, vous êtes des antisémites, voulez-vous un autre holocauste ? »

Yitzhak Frankenthal, président du Forum des familles, une association qui réunit des parents ayant perdu leur enfant victime du terrorisme, et dont le fils de 19 ans a été enlevé et tué, en 1994, par le Hamas quand il était soldat, a tenu publiquement les propos suivants, le 27 juillet dernier :
« Il est contraire à la morale de tuer des femmes et des enfants innocents, israéliens ou palestiniens. Il est également contraire à la morale de dominer une autre nation et de l’amener à perdre son humanité. (…)
Nous avons perdu nos valeurs morales bien avant les attentats-suicides. Le point de rupture a été atteint quand nous avons commencé à dominer une autre nation. Mon fils Arik est né dans une démocratie, avec la possibilité de mener une vie normale, tranquille. L’assassin d’Arik est né au milieu d’une occupation effroyable, dans un chaos moral. Si mon fils était né à sa place, il aurait peut-être fini par faire la même chose. Si moi-même j’étais né dans le chaos politique et moral qui constitue la vie quotidienne des Palestiniens, j’aurais certainement essayé de tuer et de nuire à l’occupant ; sinon j’aurais été un traître à ma nature même d’homme libre.
Que tous les gens si contents d’eux-mêmes, qui parlent d’assassins palestiniens impitoyables, se regardent sans complaisance dans la glace, qu’ils se demandent ce qu’ils auraient fait, s’ils avaient été ceux qui vivent sous l’occupation. Pour ce qui est de moi, Yitzhak Frankenthal, je peux dire que serais devenu, sans aucun doute, un combattant pour la liberté, et que j’aurais tué autant de ceux d’en face que j’aurais pu. C’est cette hypocrisie perverse qui pousse les Palestiniens à nous combattre sans répit : notre duplicité, qui nous permet de nous vanter des critères très élevés de notre éthique militaire, pendant que ces mêmes militaires assassinent des enfants innocents.
Mon fils Arik a été tué quand il était soldat par des combattants palestiniens qui croyaient au fondement moral de leur lutte contre l’occupation. Mon fils Arik n’a pas été tué parce qu’il était juif, mais parce qu’il faisait partie de cette nation qui occupe le territoire d’une autre. (…)
Quiconque refuse de tenir compte de cette terrible vérité nous conduira en fin de compte à la destruction.

Les Palestiniens ne peuvent pas nous chasser – cela fait longtemps qu’ils ont reconnu notre existence, qu’ils sont prêts à faire la paix avec nous. C’est nous qui ne voulons pas faire la paix avec eux. C’est nous qui persistons à les maintenir sous domination ; c’est nous qui aggravons la situation dans la région et qui entretenons le cycle de carnage. Je regrette de le dire, mais la responsabilité est entièrement de notre côté.

Je n’ai pas l’intention d’absoudre les Palestiniens, ni en aucun cas de justifier les attaques contre les civils israéliens. On ne peut trouver d’excuse à aucune attaque contre des civils. Mais en tant que force d’occupation, c’est nous qui foulons aux pieds la dignité humaine, c’est nous qui étouffons la liberté des Palestiniens et c’est nos qui poussons une nation entière à la folie de ces actes désespérés ».

« Le parfum de notre terre » de Kenizé Mourad, Editions Laffont, 356 pages, 21 euros