2 mai – On dirait qu’une une superbe fin de mois d’avril s’achève pour que commence la cérémonie du Ier mai dans un grand jeu bruyant, avec un tas de trucs pour jouer à cache-cache.
Les jeeps militaires israéliennes, bien polies, (nous avons pu en compter sept) sont entrées dans le camp vers 17h15 bien que n’y ayant pas été invitées. Et ont voulu montrer aux gens d’Aida comment une occupation peut se préoccuper des moindres détails de la vie des gens. Ils sont entrés et ont commencé avec leurs bombes assourdissantes à disperser les enfants qui commençaient à se réunir dans la rue en se demandant si on leur permettrait de circuler ou si on leur préparait une « chaude » bienvenue. Une fois lancées les bombes assourdissantes les réjouissances commencèrent et le ciel d’Aida se mit à faire pleuvoir des pierres.
Ces envahisseurs qu’on n’avait pas invités n’arrivaient pas à croire à ce qui arrivait. Après tout, n’avaient-ils pas fait l’effort d’essayer de passer pacifiquement, d’arrêter les gens pacifiquement, d’assassiner les gens pacifiquement, de détruire nos infrastructures -ou de réorganiser pacifiquement l’usage de l’espace – de repeindre nos maisons pacifiquement, de créer une génération de handicapée physiques – et par la même occasion de handicapée mentaux – de créer pacifiquement une génération complètement ignorante, de redessiner pacifiquement l’histoire, de faire voler en éclat, pacifiquement, ce qui reste de notre dignité, changer pacifiquement nos priorités, rester pacifiquement sur nos terres, pacifiquement… pacifiquement… pacifiquement…
La communauté internationale, la diplomatie, la politique, la justice et la loi meurent pacifiquement….
Aussi le résultat de ces cérémonies, c’est que le corps de six de nos jeunes joueurs a été tatoué avec des balles en caoutchouc bien réelles en différents endroits, et que trois jeunes gens et jeune filles ont été arrêtés.
Al-Rowwad vivait les mêmes jours qu’il avait vécus un an plus tôt. La première équipe d’aide et d’urgence se rassembla rapidement et de nouveau nous fûmes là.
Heureusement six internationaux se trouvaient à Aida. Ils nous ont aidés à évacuer des enfants de Al-Rowwad vivant hors du camp, à , Beit Jala et Beit Jibrin non loin du camp de réfugiés.
Après un match de presque trois heures, les jeeps se sont retirées avec des marques de pierres sur leurs lunettes et leur corps. Puis environ une heure et demi plus tard (vers 22h) c’est un tank qui est entré dans le camp pour le « bouquet final » avec un bruit de mauvais orchestre. Voulant forcer la voie dans la rue étroite il s’est trouvé bloqué dans la rue même, a roulé sur des voitures et a heurté un poteau électrique qui a été pratiquement coupé en son milieu et s’est incliné pour saluer la courageuse armée d’occupation.
Evidemment nous avons eu de quoi parler pour le reste de la nuit et même de quoi rêver… Les jeunes garçons et les jeunes filles de Al-Rowwad vont avoir aussi bien des choses à se rappeler et beaucoup de cauchemars à vivre d’avoir vu les enfants blessés, dont le sang coulait sur la terre et le sol du centre d’aide d’urgence avant d’être emmenés à l’hôpital…
Oui, et nos enfants et nos adultes vont continuer à vivre et à parler de tout cela… Et vous, comment ça va ? Que faites-vous ?
PS : Ce jeu n’est pas le jeu d’une seule fois, d’un seul jour…. Il se renouvelle chaque semaine, ou deux fois dans la semaine ou tous les jours ça dépend de l’humeur et du l’état d’esprit d’un unique et démocratique soldat d’une armée d’occupation.
Je vous souhaite à tous de très bien dormir… Pacifiquement
Abdel Fattah Abu-Srour directeur du centre culturel et du centre d’apprentissage théâtral d’Al-Rowwad (camp de réfugiés d’Aïda à Béthléem)