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L’ETAT DONT PARLE SHARON par Amira Has (traduit de l’anglais par R. Prangé)

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17 juin – Les discours et les déclarations font plus d’effet que les faits et les actions sur le terrain. On le voit à nouveau dans les réactions contradictoires – furieuses ou favorables – à l’approbation de la feuille de route par le gouvernement [israélien] et aux déclarations incendiaires de Sharon (c’est une erreur de régner sur 3,5 millions de palestiniens, l’occupation n’est pas une bonne chose, il n’y a pas d’autre alternative que d’accepter l’établissement d’un état palestinien).


Les faits sur le terrain, qui font beaucoup moins d’impression que la rhétorique, se constatent tous les jours. Ces faits s’appellent mur de séparation et barrières de sécurité autour des colonies, routes de sécurité et routes ‘de contournement’ qui continuent à couper les villages palestiniens les uns des autres et les villages de leurs terres, ainsi que constructions dans les colonies qui avaient déjà été largement étendues pendant la période d’Oslo au point de représenter environ la moitié de la Cisjordanie.

Ces faits définissent – et vont continuer à définir – la zone à l’intérieur de laquelle la feuille de route sera appliquée, la zone où l’entité connue sous le nom d’ “état palestinien “ s’établira. Lorsqu’on visite cette zone, où s’affairent les commissions de travaux publics, le ministère de la défense, le ministère de l’intérieur et les bulldozers de l’armée israélienne, il est facile de voir pourquoi le Premier Ministre Ariel Sharon peut parler aussi facilement d’ “état palestinien “.

Une équipe de consultants du département palestinien des négociations à tracé une carte de cette zone, basée sur ces “faits sur le terrain“. Elle la donnera aux ambassadeurs et aux envoyés spéciaux qui s’ enthousiasment tant des paroles de Sharon.

Selon ces faits, , “l’état“ sera apparemment composé de trois enclaves séparées les unes des autres en Cisjordanie, plus l’enclave de Gaza, sans la moindre garantie que les colonies se trouvant à l’intérieur de ces enclaves seront démantelées. La “barrière de séparation“ avait été décrite comme “temporaire“, mais c’est en réalité un mur avec de solides fortifications qui a confisqué beaucoup de terres, et il a déjà largement entaillé la région de Tulkarem-Qalqiliyah, la plus prospère des régions agricoles palestiniennes, mettant ainsi en danger l’un des piliers de l’économie palestinienne.

Les constructions massives à Jérusalem et dans ses environs, de Bethléem à Ramallah, et de la Mer Morte à Modi’in, ont déjà interdit tout développement palestinien digne de ce nom dans la région de Jérusalem-Est, qu’il soit urbain, industriel ou culturel. L’enclave sud de la Cisjordanie, de Hébron à Bethléem, sera séparée de l’enclave centrale de la région de Ramallah par un océan ciselé de colonies, de voies en sous-sol et d’autoroutes. L’enclave nord, de Jénine à Naplouse sera séparée du centre par le bloc massif des colonies d’Ariel-Eli-Shilo.

Il est probable que les plans de Sharon d’établir un mur de séparation à l’est vont aussi être réalisés – après tout, son discours sur un “état“ est plus convaincant pour l’administration américaine que toutes les terres dont Israël continue dans les faits à exproprier les palestiniens. La vallée du Jourdain restera hors de l’état palestinien, et entre elle et “l’état“ palestinien morcelé, il y aura des colonies très peu peuplées avec d’énormes réserves de terres, comme Itamar, Nokdim et Tekoah, ainsi que de gigantesques colonies comme Ma’aleh Adumim.

Vendredi dernier, le magazine hebdomadaire de Yedioth Ahronoth a publié un rapport très utile pour ceux qui ne vont jamais dans les territoires occupés, détaillant le sens à long-terme de la barrière de sécurité, accompagné d’une carte qui ressemble de façon frappante à celle des Palestiniens.

Il y a déjà eu beaucoup de rapports montrant combien de dizaines de villageois ont été séparés de leurs terres, combien de villages ont été emprisonnées entre deux rangées de “barrières“, et comment Qalqiliyah a été complètement isolé. Il y a aussi eu des rapports montrant comment le mur est constamment déplacé vers l’est à la demande des colons. Mais le reporter de Yedioth, Meron Rapaport, a fait un pas de plus en questionnant au sujet de ces faits des personnes clés dans les colonies.

Selon ses dires, le maire d’Ariel, Ron Nahman, a déjà vu la carte des enclaves que le mur est en train de créer : “C’est la même carte que celle que j’ai vue chaque fois que j’ai rendu visite à Arik [Sharon] depuis 1978. Il m’a dit qu’il y pensait depuis 1973.“

Un colon de Einav, se définissant lui-même comme “très à droite“, considère le mur comme un désastre : “C’est une sentence de mort économique pour les Palestiniens“, a dit Shmil Eldad à Rapaport. “Il y a des gens ici qui veulent gagner leur vie, et cela crée encore plus de haine“ ajoute-t-il.

Mais Moshe Immanuel de Salit justifie le mur : “Les Palestiniens ont perdu en 1948 et en 1967, et ils perdront aussi cette fois-ci. C’est comme çà, ceux qui perdent la guerre, perdent, c’est tout.“

David Levy, chef du Conseil régional de la Vallée du Jourdain, sait bien que le mur gardera sa région “dedans“, ce qui veut dire en Israël. Il dit qu’il le sait sur la base de réunions qu’il a eu avec Sharon et de cartes que celui-ci lui a montrées.

Les Palestiniens sont épuisés de cette lutte inégale avec Israël qui est une puissance militaire de classe internationale. C’est peut-être pourquoi, en l’absence de toute autre alternative, ils pourraient accepter cet état fait de Bantoustans et destiné à accueillir des centaines de milliers de réfugiés. Ces “camps fermés“ vont nourrir pauvreté et détresse économique, sans la moindre place pour le développement. Savoir si leurs enfants accepteront de continuer à vivre “en paix“ dans ces enclaves étouffantes, çà c’est une autre histoire.

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