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L’AUTORITE PALESTINIENNE NEGLIGE LA LUTTE CONTRE LE MUR (par Amira Hass)

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17 juillet – C’est un constat sévère que dresse la journaliste israélienne Amira Hass à l’encontre de l’Autorité Palestinienne, responsable à ses yeux de négliger toute campagne politique contre le Mur construit par Israël en Cisjordanie. Ignoré de la « Feuille de Route », cet ensemble de murailles, dont la construction progresse de jour en jour, constitue pourtant l’un des principaux instruments d’enfermement et d’étouffement du peuple palestinien. A lire, ci-dessous, l’article d’Amira Hass, publié par Haaretz sous le titre : « La clôture, une appellation trompeuse ».


« La clôture, une appellation trompeuse »
Les Israéliens continuent de recourir au terme bien commode mais trompeur de ‘clôture’ pour décrire le système de fortifications en cours de construction sur les terres palestiniennes de la Cisjordanie. Même le mot ‘Mur’, celui qu’emploient le plus souvent les observateurs étrangers, ne suffit pas à décrire ce qui se construit effectivement ici : un mur de béton de 8 mètres de haut, des rangées de barbelés, des capteurs électroniques, des tranchées profondes de 4 mètres de chaque côté, des sentiers de terre pour révéler les traces de pas humains, une zone totale d’interdiction de passage, une route à deux voies pour la circulation des patrouilles militaires, des miradors et postes de tir tous les 200 mères sur tout le tracé. Voilà les ingrédients de ladite ‘clôture’.

Il y a des Israéliens pour se plaindre que la construction avance trop lentement. Mais cela sera d’un bien maigre réconfort pour ceux qui son directement affectés par l’entreprise. Les fortifications séparent en réalité des milliers de gens de leur résidence, en ville ou dans un village, de leurs terres, et des localités les plus voisines. Des milliers de Palestiniens ont déjà perdu leurs terres, leurs moyens d’existence et toutes leurs économies, qu’ils avaient investies dans la construction de serres, de réservoirs d’eau, ou de maisons pour leurs propres enfants, tout cela à cause des fortifications. Selon les calculs de la Banque Mondiale, 100.000 à 200.000 Palestiniens de Cisjordanie seront au final directement affectés.

Or, la direction palestinienne a traîné les pieds pour établir une stratégie politique et diplomatique de lutte contre ces fortifications, dont les conséquences seront incalculables. C’est en effet avec de tels faits accomplis, sur le terrain, que seront définis les contours de ‘l’Etat palestinien’ evoqué par la Feuille de Route. Concrètement, trois enclaves complètement séparées les unes des autres, privées de la Vallée du Jourdain, privées des terres fertiles s’étendant de Qalqilyah à Jénine, privées de toute la zone de terres bordant les colonies israéliennes de Givat Ze’ev au nord-ouest, Betar au sud-ouest, et Ma’aleh Adunim à l’est de Jérusalem. Mais face à cette situation, la direction palestinienne ne prétend même pas prendre la tête d’une campagne d’opposition à la construction des fortifications.

Il y a deux semaines environ, le Premier Ministre palestinien Abou Mazen (Mahmoud Abbas) a déclaré devant le Conseil Législatif Palestinien qu’après avoir dûment informé la Conseillère Nationale pour la Sécurité américaine Condoleezza Rice sur les tenants et aboutissants réels du mur de séparation, cette dernière s’était un fâchée avec Ariel Sharon sur le sujet. Mais les chercheurs palestiniens, qui ont travaillé depuis maintenant un an pour déterminer les intentions profondes du gouvernement israélien dans cette entreprise, ont eu du mal à convaincre l’Autorité Palestinienne qu’il fallait batailler ferme, et ne pas se contenter des habituelles paroles verbales de condamnation.

Les premiers à prendre la mesure du danger, il y a donc déjà un an, furent les maires et autres représentants des villes et villages directement au contact, ainsi que des ONG palestiniennes et des collaborateurs d’agences européennes et américaines dont les projets étaient en train d’être détruits sous leurs yeux. Leurs cris d’alarme ont été entendus par les militants pacifistes internationaux qui, avec les résidents des villages affectés et des militants israéliens comme ceux du groupe Ta’ayush, se sont effectivement opposés à l’avancée des bulldozers et à la destruction des arbres. Quand bien même le gouvernement israélien n’a jamais rendu public de tracé exact de ses travaux, et que de nombreux Israéliens pensent qu’il épouse plus ou moins la ‘Ligne Verte’ (positions israéliennes au 4 juin 1967, NDT), les victimes directes conclurent que la vérité était différente : on est bien en présence de tentative d’évincer de leur terre des milliers de Palestiniens, et d’annexer ces terres à Israël. L’association israélienne B’Tselem, qui soupçonna dès l’origine de telles visées, se dépêcha de produire un rapport détaillé sur les implications des expropriations.

La plupart des villages touchés ont fait appel aux services d’avocats pour tenter d’avoir une action en justice, et ont déposé des recours devant la Haute Cour israélienne. Mais à aucun moment, on n’a eu la moindre tentative de coordonner ces actions sous l’égide d’une organisation de défense des droits de l’homme ou collectif d’avocats unique, palestinien ou israélien. Les avocats, les villages et les cantons ont été conduits à défendre leurs causes respectives de manière fragmentée, comme s’il s’agissait d’autant de litiges privés et personnels avec l’Etat israélien, et non d’une affaire collective. C’est sur de leurs propres deniers que les particuliers palestiniens, de même que les petites municipalités palestiniennes, ont payé leurs avocats.

C’est là une manière de travailler typiquement palestinienne : actions isolées contre les décrets israéliens, et manque de coordination entre les victimes, même lorsque le dommage a une source unique ; dépense d’énergie considérable, et stérile, pour manifester sur des terrains ou des oliveraies isolées ; carence de la direction palestinienne comme initiatrice, coordinatrice et financière de l’action. Certains expliquent cette carence par le fait que la direction palestinienne s’est bercée d’illusions, et a sincèrement cru, au début, que le mur courrait plus ou moins le long de la Ligne Verte, et que par conséquent il fixerait, de facto, la future frontière séparant les deux Etats d’Israël et de Palestine.

On peut, bien sûr, se demander si une action bien coordonnée pour révéler la véritable nature du mur aurait été capable d’attirer l’attention des puissances occidentales, et de stimuler les Israéliens qui aspirent à un véritable accord de paix, et non une capitulation de la partie palestinienne.

On peut pareillement se demander si, même en cas de succès d’une telle campagne de dénonciation, et sans l’exercice d’une pression américaine –qu’on ne voit pas poindre à l’horizon-, le gouvernement israélien aurait modifié ses plans en quoi que ce soit. Mais l’interrogation demeure : que ce serait-il passé si toute l’énergie et le temps passé par les dirigeants palestiniens à leurs querelles byzantines avaient été consacrés à bâtir une solide campagne politique contre les plans israéliens d’annexion ?

Autrement dit, tout cela est-il à mettre au compte uniquement de la supériorité militaire et diplomatique de la partie israélienne, ou ne faut-il pas incriminer en partie aussi les carences de l’activité politique palestinienne ?

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