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« LES FAVEURS DE CESAR » par Uri AVNERY, dirigeant du mouvement israélien anti-colonialiste « Gush Shalom »

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20 juillet – George César, l’empereur de la nouvelle Rome, aime bien Mahmoud Abbas (Abu Mazen). Il l’a invité à la Maison Blanche et l’inonde de compliments. Comme dans l’ancienne Rome, les goûts et les dégoûts de l’Empereur modèlent la politique de l’Empire. Tous les ministres, eunuques, officiels, proconsuls et caciques locaux, agissent en conséquence, en dispensant les mots de flatterie et en vantant la sagesse de César, qu’il soit sage comme Jules César, stupide comme Tibère ou carrément fou comme Caligula. César est César.


George Bush est un homme simple. Dans son univers mental, il y a, comme dans un western, les bons et les mauvais gars. Ses impressions sont personnelles et viennent « des tripes ». Elles n’ont rien à voir avec une analyse logique ou politique. Arafat mettait Bush en colère, c’est un méchant. Abu Mazen est un gentil, essentiellement parce qu’il n’est pas Arafat.
Tout comme le roi Hérode, qui vivait à Jérusalem, mais dont le moindre murmure à Rome parvenait aux oreilles, Ariel Sharon est à l’écoute du moindre chuchotement à Washington. S’il veut influencer Bush, il doit toujours savoir dans quel sens le vent est en train de souffler. Si Bush apprécie Abu Mazen, eh bien Sharon aussi l’apprécie.
Et il lui déploie un tapis bleu et blanc lors de sa venue, l’invite dans son bureau personnel, échange sourires et poignées de mains au-dessus de l’emblème de l’Etat d’Israël, ordonne publiquement que l’on renforce Abu Mazen par tous les moyens, et le couve comme un bon père le ferait d’un fils prometteur.
Avec de tels amis, autant dire que l’on peut se passer d’ennemis. Je conseille à Abu Mazen de ne jamais se tourner quand Sharon est dans le coin.
Parce que le programme caché de Sharon est bien éloigné de celui qu’il affiche publiquement. Comme nous n’avons cessé de le répéter : ce n’est pas ce que dit Sharon, mais ce qu’il fait, qui compte.
Depuis le jour où Abu Mazen a été nommé Premier Ministre, le seul but de Sharon est le renverser de sa chaise branlante aussi vite et aussi fort que possible.
Cela a commencé avec les déclarations de Sharon et de ses hommes visant à faire passer Abu Mazen pour une marionnette israélienne, pour un sous-traitant de la sécurité israélienne. Cela a continué en soulignant qu’il n’avait rien réussi à accomplir et qu’il n’était qu’un « poulet sans plumes », selon l’expression de Sharon.
Les engagements de Sharon concernant la libération de prisonniers comme geste de générosités ont été suivis de tellement de « non » qu’ils en ont perdu toute signification. Pas de prisonniers avec « du sang sur les mains », pas de membres du Hamas ou du Djihad. Non, non, non, pour en relâcher finalement 300, comprenant des droits communs et des prisonniers sur le point d’être libérés de toute façon.
Parallèlement, Sharon n’a rempli pratiquement aucune de ses obligations concernant la Feuille de Route. Le retrait de 60 « avant-postes » est devenue une plaisanterie. Un seul avant-poste habité a été retiré avec force combats acharnés sous l’œil des caméras, tandis que deux autres étaient installés. Le gel de toute les colonies a été « oublié ».
La construction du « Mur de séparation », dont l’objectif principal est de dessiner une nouvelle frontière s’enfonçant profondément dans les territoires palestiniens en confiscant autant de terres que possible, se poursuit à vive allure, contrairement à l’obligation de Sharon de ne rien faire qui puisse changer la situation sur le terrain dans ce domaine. Il est sur le point de dépenser deux milliards de dollars pour cette entreprise monstrueuse alors que le système de santé et d’éducation en Israel s’écroule par manque de fonds et que les mères qui élèvent seules leur enfants font un sit-in près de son bureau pour protester contre leur situation.
Le retrait des territoires palestiniens est un leurre. L’armée israélienne a quitté quelques endroits de la Bande de Gaza qu’elle avait de toute façon l’intention de quitter. La route centrale a été ouverte, mais pas complètement et elle peut être refermée à tout moment. L’armée s’est également retirée de certaines parties de Béthléem, mais continue à construire des murs dans d’autres endroits de la ville. Des retraits de toutes les autres villes palestiniennes « ne sont pas à l’ordre du jour actuellement ».
Dans toute la Cisjordanie, les check-points continuent à rendre infernale la vie des Palestiniens. Chaque nuit l’armée procède à de nouvelles arrestations.
Le chef d’Etat major se vante du fait que la trêve constitue une victoire israélienne, pour mieux inciter les Palestiniens à la rompre. Le commandant du Secteur Central accuse les services de sécurité palestiniens de ne pas avoir coopéré pour faire relâcher un chauffeur de taxi israélien kidnappé, mais il s’est bien gardé de leur donner la moindre information pour cela.
Et chaque jour, les porte-parole de Sharon n’ont de cesse d’annoncer que Abu Mazen a failli dans sa mission et qu’Israël ne ferait pas le moindre geste envers lui tant qu’il n’aura pas désarmé le Hamas et le Djihad, c’est-à-dire entamé une guerre civile qui amèneraient le Hamas et le Djihad à rompre la trêve et à dégager par là même Sharon de toutes ses obligations de démantèlement des colonies.
Il est également affirmé qu’Abu Mazen doit prendre la place d’Arafat, alors que ce dernier est beaucoup plus populaire que lui, notamment en raison de son enfermement dans son immeuble délabré de Ramallah, qui ne peut que le renforcer tandis que cela affaiblit Abu Mazen.
Quand on voit son comportement, on ne peut en conclure qu’une chose : tout en louant Abu Mazen, Sharon fait tout ce qu’il peut pour l’enterrer. Ce n’est pas seulement contre Arafat qu’il se bat, mais c’est avant tout contre Abu Mazen.
Improbable ? Etonnant ? Pas du tout. Comme Hérode à son époque, Sharon sait qu’il faut garder les faveurs de César, afin de mieux le manipuler . Arafat ne dérange pas Sharon, car Bush le hait. Mais Abu Mazen est devenu un concurrent gênant en s’attirant les faveurs de Bush. Il doit être éliminé. Et vite.
Mais il s’agit là d’une tâche délicate. Car il faut éviter de faire naître des doutes à Washington. Il faut éviter à tout prix d’ennuyer Bush. Par conséquent, dès que Sharon saisit des murmures de mécontentement à la Maison Blanche, il fait quelques concessions. Ce ne seront pas 300 mais 400 prisonniers qui seront ainsi relâchés, y compris des membres du Hamas et du Djidhad. Ils veulent le démantèlement d’un autre « avant-poste » ? D’accord, envoyez les caméras pour témoigner de cette autre lutte dramatique. On peut faire confiance pour revenir à la tombée de la nuit, de toute façon. Le principale est de satisfaire César et ses eunuques.
Hail César, ceux qui sont sur le point de tuer Abu Mazen, vous saluent.
(traduit par Olivia Zémor)

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