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LE DIRIGEANT MODERE PALESTINIEN SARI NUSSEIBEH S’INTERROGE SUR LA FEUILLE DE ROUTE

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26 juillet – Le pacifiste et universitaire palestinien Sari Nusseibeh fait part de ses doutes, dans un entretien avec le journal L’Humanité, sur le mécanisme prévu par la  » Feuille de route « . Sari Nusseibeh est notamment connu pour avoir rédigé, avec l’Israélien Amy Ayalon, un plan de paix prévoyant la restitution complète des territoires palestiniens occupés en 1967, assorti d’un renoncement, s’agissant des réfugiés palestiniens, au principe du droit au retour sur le territoire d’Israël (dans ses frontières de 1948). Il s’en explique, dans cette interview publiée le 24 juillet, avant l’arrivée de Mahmoud Abbas à Washington.


Entretien
Nusseibeh :
 » Les vraies questions viennent après la feuille de route  »
Président de l’université palestinienne al Qods (Jérusalem), Sari Nusseibeh est connu internationalement pour ses efforts en faveur de la paix.
Mahmoud Abbas va rencontrer vendredi 25 juillet 2003 et pour la première fois le président Bush. Que pensez-vous de l’engagement des États Unis dans le processus de paix ?
Les Américains ont sensiblement augmenté le niveau de leur engagement. Mais jusqu’où va-t-il ? Si l’on prend la question de la colonisation, je ne crois pas qu’en dehors de tentatives de convaincre Israël de faire des concessions ils iront plus loin. Le facteur clé à mon sens est moins les pressions que vont exercer les Américains que la volonté qu’auront les Israéliens de céder. C’est sur ces interrogations que les Palestiniens doivent se concentrer : qu’est-ce que les Israéliens sont prêts à accepter ? Pouvons-nous négocier avec les Israéliens ? Si la réponse est positive, les États-Unis peuvent jouer leur rôle de facilitateur.
Pensez-vous que la feuille de route dont l’application sera au centre de leur entretien peut mener à terme à une vraie paix ?
Le premier problème de ce plan est qu’il repousse les questions cruciales comme celles des frontières ou de Jérusalem à une période ultérieure. Il procède par étapes comme les accords d’Oslo. La première étape évoque l’arrêt des violences, les retraits israéliens des zones autonomes palestiniennes réoccupées. En admettant qu’elle soit sérieusement appliquée, la vraie question vient après : qu’arrivera-t-il si Israël continue parallèlement de construire le mur en Cisjordanie, si Jérusalem reste exclu des négociations ? Nous irons à la conférence internationale prévue dans le plan pour discuter des questions cruciales laissées jusqu’ici en suspens et qu’arrivera-t-il ? Un échec ? Sharon rentrera chez lui en clamant qu’il a fait de son mieux mais que les Palestiniens ont refusé. Et Mahmoud Abbas rentrera retrouver quoi ? Les cages dans lesquelles nous vivons ? Ma crainte est de voir la feuille de route échouer non pas maintenant mais au moment ou il faudra aborder les questions brûlantes.
Ces questions vous les abordez dans le projet de résolution du conflit que vous avez élaboré avec Ami Ayalon, l’ancien chef des services de sécurité intérieure israélien. Pouvez-vous nous dire où en est votre pétition de soutien à ce projet lancé officiellement le mois dernier ?
C’est une campagne populaire de soutien à notre proposition qui tente de définir les voies d’un accord de paix permanent entre Israël et les Palestiniens. Il est d’une certaine manière sans précédent puisqu’il essaie de prévoir où les négociations doivent mener, c’est-à-dire la résolution des questions comme celles des frontières et du statut de Jérusalem, notamment. Il est également sans précédent puisque nous demandons aux deux peuples de s’y associer directement. La pétition a commencé d’abord côté palestinien avec des annonces dans la presse nationale et 800 signatures au départ. Les Israéliens ont commencé plus tard par une conférence de presse.
On en est à plus de 10 000 signatures côté palestinien et 20 000 côté israélien. Le projet a connu beaucoup d’opposition de notre côté car il définit les concessions que nous devrons faire. De plus nous cherchons le soutien non des intellectuels ou universitaires mais des couches populaires.
Opposition notamment sur la question très sensible du droit au retour des réfugiés palestiniens dont les familles ont été expulsées en 1948. Pouvez-nous expliquer exactement sur quoi porte le compromis ?
Le but est de traduire le droit de retour pour les réfugiés palestiniens sur leur terre natale en droit de retour sur une partie de cette patrie, c’est-à-dire la Cisjordanie et la bande de Gaza, dans les frontières de 1967 appelés à former le futur État palestinien. Il n’y aurait pas de retour dans l’espace territorial désormais israélien comme cela a toujours été le rêve de ceux qui y ont tout laissé. C’est une concession extrêmement douloureuse d’un point de vue palestinien, mais elle me semble indispensable si nous voulons nous assurer qu’Israël va se retirer de nos territoires, ce qui ouvrira la voie à l’établissement de notre État souverain.
Un État souverain qui serait démilitarisé, vivant aux côtés d’un État israélien qui, lui, est une puissance militaire reconnue. Pourquoi ?
Ce projet ne définit pas une solution juste ou équilibrée, mais pragmatique, basée sur les faits politiques. Pour les Israéliens, la priorité est leur sécurité par leur force militaire. Notre priorité est d’obtenir notre liberté. Avoir un État disposant d’une armée dans le contexte politique actuel ne me semble pas nécessaire. Ce serait une perte d’argent qui ne ferait que rendre quelques marchands d’armes plus riches. Je pense qu’il vaut mieux investir dans l’éducation, la santé, ou l’économie.
Propos recueillis par Valérie Féron (L’Humanité)

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