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HOMMAGE A EDWARD SAID par Marie-Hélène Yessayan

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29 septembre – Un hommage à Edward Said a été rendu à l’occasion du concert pour une paix juste au Proche-Orient samedi 27 septembre, au Parc des Expositions de la Porte de Versailles, à Paris.
Nous en publions l’intégralité.


Une voix palestinienne s’est éteinte jeudi à New-York. L’ intellectuel américano-palestinien, Edward Saïd, qui a défendu sans relâche les droits des Palestiniens, nous a quittés à l’âge de 67 ans.Il va nous manquer.

Il n’est pas simple de définir Edward Saïd : qui fut cet homme, doté d’un prénom britannique joint à un nom arabe, chrétien protestant, né à Jérusalem, ayant vécu la plus grande partie de son enfance en Egypte et au Liban et possédant un passeport américain ?

On sait de lui qu’il fut un brillant universitaire, docteur en littérature comparée, écrivain, pianiste accompli et également un fameux musicologue.

Comment ne pas se souvenir aujourd’hui même que c’est avec son ami Daniel Barenboïm qu’il a écrit son dernier livre « Parallèles et paradoxes, explorations musicales et politiques » ?

Comment ne pas se rappeler qu’ensemble, ils ont crée un orchestre composé de musiciens de tout le Proche-Orient, afin de laisser la place à l’harmonie et au dialogue musical, dans cette mer d’incompréhensions et de refus de l’autre ?

Edward Said aimait se définir lui-même comme « un flot de courants multiples ».

« Je préfère cela à l’idée d’un moi solide, identité à laquelle tant d’entre nous accordent tant d’importance. Ces courants comme les thèmes de nos vies, coulent tout au long des heures d’éveil et, si tout se passe bien, n’ont pas besoin de s’accorder ni de s’harmoniser. Ils sont à côté et peuvent être décalés mais au moins ils sont toujours en mouvement » disait-il.

Opposant acharné à la représentation détestable des arabes dans l’imaginaire occidental, il a dénoncé les fondements des sciences orientales modernes qu’il définit en substance dans son œuvre « L’orientalisme » comme « cette connaissance fondée sur la différence, l’infériorité, la soumission et l’aliénation de l’autre ».

Pourfendeur de la politique pro-israélienne à outrance des USA, il a essayé toute sa vie de donner aux Américains une autre vision du monde arabe auquel il est resté profondément attaché.

En fait, Edward Saïd se sentait à bien des égards très proche des peuples arabes, bien plus que de leurs dirigeants. A leur propos, il dit

 » Au lieu de voir leurs citoyens comme la richesse potentielle de la nation, ils les regardent comme des coupables conspirateurs qui envient le pouvoir du dirigeant. »

En Palestine, où il a fondé avec Mustapha Barghouti, l’Initiative nationale palestinienne,
il croyait davantage à la société civile qu’aux petits arrangements des responsables politiques actuels qu’il jugeait plus que défaillants.

S’adressant aux Palestiniens, il leur dit :

 » Ne serait-il pas temps que nous rattrapions notre propre statut et que nous nous assurions que nos représentants ici et ailleurs réalisent, en premier lieu, qu’ils se battent pour une cause juste et noble et qu’ils n’ont pas à s’excuser pour rien, pas plus qu’à être embarrassés? Au contraire, ils devraient être fiers de ce que leur peuple a fait, et fier de le représenter. »

Je voudrais terminer sur une note plus intime : dans son très beau livre « A contre voie », Edward Saïd évoque l’un de ses derniers voyages à Jérusalem, en 1998. Il rapporte que les autorités israéliennes lui demandaient aux frontières et aux barrages la date exacte de son départ d’Israël. Lui répondait qu’il avait quitté la Palestine, en insistant bien sur ce dernier mot, en 1947.

Puis, ils lui demandaient s’il avait des parents qui vivaient ici. Ce à quoi, il répondait : Non personne, se sentant submergé par une vague de tristesse et une impression de grand manque.

Le mystère et la complexité d’Edward Said, se situent dans ce sentiment lié à une part d’identité essentielle bien présente mais dont les traces ont pourtant, été violemment effacées.

Ce sentiment terrible, de nombreux Palestiniens en exil l’éprouvent.

La force d’Edward Said est de n’avoir malgré tout pas renoncé même loin de son pays d’origine, à sa condition de Palestinien libre.

Par Marie-Hélène Yessayan, le 27 septembre 2003

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