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LE CRHONIQUEUR DANIEL SCHNEIDERMANN (LIBERATION) REGLE SON COMPTE A L’ISLAMOPHOBE CLAUDE IMBERT

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31 octobre – A lire, ci-dessous, la remarquable chronique de Daniel Schneidermann, dans le journal Libération, à la suite des déclarations du fondateur et éditorialiste du Point, Claude Imbert, islamophobe et fier de l’être. Daniel Schneidermann, journaliste spécialisé dans la vie des médias, a été récemment licencié du Monde, pour manque de docilité. Il tient actuellement une rubrique intitulée « M..diatiques », dans Libération. (voir également, sur ce même site, « L’islamophobie tranquille de Claude Imbert »).


LE CRHONIQUEUR DANIEL SCHNEIDERMANN (LIBERATION) REGLE SON COMPTE A L’ISLAMOPHOBE CLAUDE IMBERT

Claude Imbert entraîne le Point en croisade.

Imaginez. Vous ouvrez votre hebdomadaire favori, et y lisez ceci : « 70 % des descendants d’immigrés juifs ­ disons, en gros, les feujs ­ ne « pratiquent » ni dans la prière ni dans la synagogue, même s’ils sacrifient encore au calendrier festif de leurs familles. Mais beaucoup d’entre eux sont, à leur manière, sinon « judéophobes », du moins aussi rétifs au judaïsme que nos propres anticléricaux de jadis à la religion chrétienne. Ils enragent d’être comptabilisés, et prétendument représentés, comme « juifs ». En ce sens, la judéophobie, depuis les Lumières ­ et de Voltaire à Houellebecq ­ se porte bien et ne mérite en rien d’être ostracisée. On peut combattre le racisme, respecter la pratique privée, paisible du judaïsme et garder, je l’espère, la liberté intellectuelle de résister non seulement à l’intégrisme juif, mais au judaïsme lui-même. » Le lecteur se pince. Il relit. Il lui faut quelques secondes, pour réaliser que ces mots disent bien ce qu’il croit avoir compris.
Ces lignes sont extraites de l’avant-dernière chronique de l’éditorialiste et fondateur du Point, Claude Imbert. A un détail près : il n’était évidemment pas question dans le texte original de « judéophobie », mais « d’islamophobie ». On s’est contenté ici de remplacer « musulman », par « juif », « islamisme » par « intrégrisme juif », et « beur » par « feuj ». Que notre lecteur les relise : sont-elles moins intolérables ? Depuis quelques décennies qu’il éditorialise en page 3 du Point, Claude Imbert a souvent fustigé les archaïsmes de l’islam, la bigoterie des mollahs, le double discours de certains imams, ou encore la légitimation de l’oppression des femmes par certaines sourates du Coran. Toutes ces opinions sont légitimes, parfois même salutaires. Mais revendiquer l’appellation d' »islamophobe », enfoncer le clou en appelant à « résister, non seulement à l’islamisme, mais à l’islam lui-même », c’est autre chose. Quelque chose comme une gifle collective à tous ceux qui, de manière dévote ou détachée, moderne ou archaïque, entretiennent un lien avec cette religion.
De la part de Claude Imbert, il ne s’agit en tout cas ni d’un dérapage, ni d’un lapsus. Simultanément, il lâchait le même mot dans l’émission hebdomadaire Imbert-Julliard, sur LCI, se déclarant « un peu islamophobe ». Et on ne peut ôter à Imbert une qualité : chaque mot de sa chronique hebdomadaire est longuement, soigneusement, amoureusement soupesé, par un esthète qui en connaît le poids et le prix. Force est donc de considérer l’entrée officielle en « islamophobie » du fondateur du Point comme ce qu’elle est : pour des raisons sincères ou commerciales (l’islamophobie se vend bien), un départ en guerre de religion, ou en croisade, comme on voudra. Et la double convocation de Voltaire et de Houellebecq, prétendant affubler la belliqueuse gesticulation du cache-sexe de la libre pensée, ne peut tromper personne. On s’en veut presque de rappeler que Voltaire ne réservait pas ses sarcasmes et son activisme au seul islam, mais à toutes les religions, christianisme en tête, alors que la même chronique du fondateur du Point commence par une longue apologie fascinée de Jean Paul II.
Observant le tonitruant ébranlement du fondateur, que font les confrères ? Ils attendent. Le Monde et Libération, par exemple, n’ont consacré à l’événement que quelques brèves circonspectes, comme tétanisées par l’ampleur de la transgression. On a connu le Monde plus prompt à la détente, notamment à propos du comparable dérapage antisémite de Renaud Camus. Quant aux journalistes du Point, ils sont, semble-t-il, les plus atteints par l’affaire. Comment, désormais, pourront-ils enquêter sur le voile, les banlieues ou l’organisation de l’islam en France (tous sujets sur lesquels le Point a publié de nombreuses et souvent passionnantes enquêtes) sans paraître épouser la croisade du patriarche ? On attendait donc avec impatience la réaction de l’actuel directeur du journal. On ne le sait peut-être pas assez, mais Franz-Olivier Giesbert, auteur de biographies à sympathie variable de Mitterrand (biographies revues et durcies au fil des rééditions, à mesure que se levait le vent de l’antimitterrandisme), est aujourd’hui directeur du Point, après avoir transporté ses convictions successives du Nouvel Obs au Figaro. Et, dans le numéro suivant, il signe donc quelques lignes dans lesquelles, pour couvrir son fondateur, il lâche le nuage d’encre réglementaire contre les « dévots de la bien-pensance », les « professeurs de vertu » et autres « zélateurs de la fausse morale » qui auraient imputé à Imbert, « arabophile notoire », le seul crime « d’avoir parlé librement ». De ces deux actes (en attendant les suivants), on peut faire trois lectures. Giesbert a réussi à gadgétiser l’épisode, le transformant en échange d’invectives sonores et creuses ; il a ratifié le nouveau « positionnement » marketing de l’hebdomadaire de François Pinault ; il a pris en otage son journal et ses journalistes, et réussi à transformer une affaire Imbert en affaire le Point. Ces trois lectures peuvent être cumulées.

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