29 février – Une enquête du correspondant en Provence – Côte d’Azur de Libération illustre comment le ministre de l’Education nationale Luc Ferry, le CRIF (le lobby sharonien en France) et des politiciens locaux d’extrême-droite cherchent sciemment à créer des sentiments antisémites au sein de la population, issue de l’immigration notamment.
L’article raconte, par le menu, comment tous ces gens ont comploté pour interdire à Leïla Shahid de prendre la parole dans le quartier populaire de l’Ariane, à Nice, en compagnie du militant pacifiste israélien Michel Warschawski. La déléguée de la Palestine et le militant juif israélien avaient prévu, comme ils l’ont fait ailleurs en France, de parler à la même tribune, entre autres pour bien montrer à la population que le conflit israélo-palestinien n’est pas un conflit religieux, encore moins racial, et que des hommes et femmes peuvent défendre les mêmes idées sur le sujet, indépendamment de leurs origines respectives.
Mais du côté de Ferry et du CRIF, on préfère le tribalisme. Alors, on a interdit le meeting, comme on va le voir. A noter, en particulier, l’instrumentalisation odieuse du génocide nazi par le CRIF, lequel a délibérément saboté un projet de pèlerinage à Auschwitz auquel devaient participer des enfants issus de l’immigration arabo-musulmane. Voici maintenant l’article de Libération.
Nice, territoire interdit pour la Palestinienne Leïla Shahid
Par Pierre DAUM
samedi 28 février 2004
La représentante de l’Autorité palestinienne anime dans plusieurs villes des débats avec l’écrivain israélien Michel Warschawski. Aix-en-Provence correspondance
Une mauvaise colère monte à l’Ariane, cette banlieue «sensible» de Nice. La semaine dernière, Leïla Shahid, représentante de l’Autorité palestinienne en France, poursuivait dans la capitale azuréenne son tour des grandes villes de l’Hexagone, proposant à chaque fois des conférences-débats aux côtés de l’écrivain israélien de gauche, Michel Warschawski, et du journaliste français, Dominique Vidal. Avec, à chaque fois, au moins deux rencontres : une, le soir, dans un lieu prestigieux du centre-ville, et une autre, dans l’après-midi, dans un des quartiers immigrés de la ville. Pour l’étape niçoise, trois réunions avaient même été programmées : deux à l’Ariane, et une, le soir, au centre universitaire méditerranéen, superbe salle bâtie sur la promenade des Anglais. Au tout dernier moment, les deux rendez-vous de l’Ariane ont été annulés, sans véritable explication pour les 12 000 habitants du quartier. «De toutes nos interventions en France, Michel, Dominique et moi, c’est la première fois qu’une telle chose arrive !», précise Leïla Shahid, complètement atterrée.
Anonymat. D’où sont venus les ordres d’annulation ? Dans les deux cas, une chape de plomb semble s’être abattue sur la ville, plusieurs acteurs de l’affaire avouant à Libération leur impossibilité de parler, «de peur de représailles». Ce jour-là, à 17 heures, la population de l’Ariane était invitée à débattre avec l’Israélien et la Palestinienne dans le tout nouveau centre socioculturel Django-Reinhardt. Six jours auparavant, une association très implantée dans le quartier avait déposé une demande de réservation de salle auprès des services municipaux. Qui leur a été refusée. Explication de Pierre Tramoni, directeur de cabinet du maire Jacques Peyrat (un ancien du Front national passé à l’UMP) : «Ce n’est pas la vocation de ce centre d’accueillir des meetings politiques. Et en plus, cela posait de trop graves problèmes de sécurité.» Faux ! Rétorque un proche du préfet sous couvert d’anonymat. «La préfecture avait fait savoir que si la manifestation avait lieu, la police était en mesure d’en assurer la sécurité.» Quant à la vocation du centre, pourquoi, dès lors, ne pas avoir proposé à l’association une autre salle du quartier ? «La seule autre salle aurait été le théâtre Lino-Ventura, répond Pierre Tramoni. Mais je ne suis pas sûr non plus qu’on puisse y organiser des manifestations à caractère politique…»
La seconde rencontre entre Leïla Shahid et les jeunes de l’Ariane devait avoir lieu au collège Maurice-Jaubert, l’unique établissement scolaire du quartier. «Nous avions préparé cette rencontre depuis presque deux semaines avec nos huit classes de troisième, explique Gérard Chevalier, enseignant du collège, et l’inspecteur d’académie avait déjà donné son accord.» «Faux !», proteste le principal, Dominique Maïssa. «J’en avais simplement informé mon inspecteur d’académie, qui ne s’était pas prononcé. C’est moi tout seul qui, deux jours avant l’arrivée de Mme Shahid, ai réalisé que l’école n’était pas le lieu de débats politiques. J’ai fait une erreur, et j’en assume toute la responsabilité.» Dominique Maïssa a-t-il vraiment pris «tout seul» la décision de cette annulation ? Rien n’est moins sûr. Selon nos informations, il est avéré que l’affaire Leïla Shahid était suivie de très près non seulement par le recteur de l’académie, mais par le ministre de l’Education nationale en personne. «Nous avons en effet été alertés de cette affaire par plusieurs organisations, dont le Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France, ndlr), explique un responsable de cabinet de Luc Ferry. Face à une réunion qui nous semblait extrêmement inopportune, nous avons demandé au recteur de gérer cela avec l’établissement.»
Outre les pressions exercées par son ministère, Jean-Marie Carbasse, recteur des Alpes-Maritimes, eut à subir deux autres interventions : celle du Crif local, dans un département qui compte 40 000 juifs, et celle de Rudy Salles, le puissant député UDF de l’Ariane, par ailleurs président du groupe d’amitié France-Israël à l’Assemblée nationale. Interrogé par Libération, Jean-Marie Carbasse dément «être intervenu pour faire annuler la réunion». Et avoue cependant avoir téléphoné au principal, pour «l’encourager dans cette voie».
«Idiot». Pour Leïla Shahid, le fait est d’autant plus regrettable qu’elle y venait, comme dans les autres banlieues immigrées, y apporter un message d’apaisement. «Je dis toujours à ces jeunes qu’ils se trompent d’ennemis quand ils pensent soutenir la Palestine en attaquant les Français juifs, leurs écoles ou leurs synagogues. C’est aussi idiot de penser que tous les juifs français sont des ambassadeurs d’Israël, que de croire que tous les musulmans français sont des Ben Laden en puissance.»
Voyage. A l’Ariane, les conséquences de l’affaire sont désastreuses. Le lendemain, le Crif de Nice publiait un communiqué pour clamer sa victoire. «Alors que notre quartier est en proie à une augmentation des actes antisémites, comment nos jeunes vont-ils maintenant interpréter l’action du Crif contre la venue d’une Palestinienne à l’Ariane ?», se lamente un autre enseignant. La réponse n’a guère tardé à venir. Alors que dans les semaines précédentes, de fortes réticences contre un voyage financé par le conseil général, avec le soutien pédagogique du Crif de ces mêmes élèves à Auschwitz avaient fini par être levées, des parents refusent maintenant d’y envoyer leurs enfants. Dans l’édition de Nice-Matin de mercredi, Mahjoub Malouane, représentant FCPE de parents d’élèves de Maurice-Jaubert se justifie ainsi : puisque l’école doit demeurer laïque sans connotation ni religieuse ni politique, «nous nous opposons à ce voyage justement parce que le Crif y est mêlé». Et Leïla Shahid d’ajouter : «Le problème, c’est la direction nationale actuelle du Crif (présidé depuis trois ans par Roger Cukierman, ndlr), bien trop radicale.»