23 mars – Le ministère français des Affaires étrangères a commencé, timidement mardi, à infléchir son langage quant à l’invitation faite au criminel de guerre Ariel Sharon à venir en France, manifestement en raison de l’indignation qu’une affaire aussi scandaleuse a commencé à provoquer.
On se souvient que c’est le ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, qui avait tenu à rendre public un tel affront aux droits de l’homme, en déclarant publiquement, au lendemain du séjour en France de Moshe Katzav, que « d’autres visites, vont suivre, notamment celle d’Ariel Sharon, en avril ». C’est naturellement à dessein que le ministre avait choisi de ne pas être plus précis afin de conserver, avec ses compères israéliens, la maitrise du calendrier, pour un événement dont chacun sait qu’il peut créer de gros remous.
Depuis, vous avez été des milliers à commencer à vous mobiliser, et le gouvernement français a en conséquence peut-être commencé à prendre la mesure de la faute qu’il envisage de commettre, d’autant plus que dans l’intervalle, Sharon n’a rien fait pour se rendre plus « présentable », au contraire, avec en particulier l’assassinat, lundi, du leader politique et religieux islamiste palestinien Ahmad cheikh Yassine.
Alors, des nuances sont intervenues dans la langue de bois toute diplomatique du Quai d’Orsay, les journalistes devenant de leur côté un peu plus curieux et incisifs dans leurs questions, au fur et à mesure que le mois d’avril approche.
Lundi, lors du « point de presse » quotidien que tiennent les porte-parole de Villepin, ceux-ci déclaraient que la visite de Sharon est toujours à l’agenda, mais que sa date exacte « reste à confirmer ».
Mardi, des journalistes ont réitéré la question. C’est leur métier, et ils ont bien fait, car la recherche de la vérité, auprès de gens trop honteux pour la livrer, est à ce prix.
Et là, première petite surprise : au Quai d’Orsay, on parle désormais de la visite de Sharon, non plus comme d’une certitude dont seule la date serait en suspens, mais comme d’un « projet ». C’est minuscule, et la France continue de rester totalement passive face à l’escalade israélienne : par exemple, elle s’est alignée derrière les Etats-Unis, mardi, en faisant savoir qu’elle aussi opposerait son veto, au Conseil de Sécurité des Nations-Unies, à une éventuelle résolution condamnant l’assassinat de cheikh Yassine, envisagée par l’Algérie.
Mais c’est un début. Et nous devons amplifier la pression, notamment en continuant d’écrire massivement notre exigence d’une annulation claire et nette du projet à
M. Le Président de la République
55 rue du Faubourg Saint-Honoré,
75008 – Paris (pas besoin de timbrer, la correspondance adressée au Président de la République est gratuite).
Et nous appelons tous les Parisiens et Franciliens à venir nombreux à la
MANIFESTATION, MERCREDI 24 MARS A 18 H30,
DEVANT LE MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES
(rue de Constantine, Métro/RER Invalides, face à l’aérogare d’Air France).
Voici maintenant un extrait du compte-rendu du « point de presse » de mardi du ministère des Affaires étrangères, diffusé par ce dernier. Les phrases entre parenthèses correspondent aux questions des journalistes, tandis que les phrases sans parenthèses constituent la réponse ministérielle.
(Concernant l’attaque hier contre le Cheikh Yassine, le dirigeant spirituel du Hamas, on dit maintenant que M. Sharon a les mains libres pour faire ce qu’il veut au Moyen orient, qu’il peut attaquer toutes les cibles comme il l’entend et que personne ne peut l’arrêter. Les Américains ne font rien pour le ralentir et les protestations des Européens le laisse indifférent.
D’après vous, quelle est la suite logique des événements maintenant au Moyen Orient, la feuille de route serait-elle morte après les événements d’hier ?)
»Non, on ne peut pas dire que la feuille de route est morte, elle reste l’unique document agréé par les parties, agréé par l’ensemble des membres de la communauté internationale. Il faut donc, tout au contraire, faire tous les efforts possibles pour la relancer. Je comprends qu’il y a eu hier, au Caire, une réunion du Quartet. Il faut que tous soient mobilisés et c’est le sens de tout ce que nous disons, et pas seulement nous, les Français, pas seulement nous les Européens. Lorsque vous regardez l’ensemble des réactions hier, vous voyez qu’il y a le sentiment qu’effectivement il faut, à un moment où la tension s’accroît dangereusement au Proche Orient, il faut vraiment que l’ensemble des parties fassent preuve de retenue pour éviter une nouvelle escalade de la violence -c’est ce que nous redisons de manière répétée et avec constance et insistance-, et de plus, il faut que les parties relancent effectivement l’application de la feuille de route. Il n’y a pas d’alternative. »
(Mais, la réaction a été unanime sauf chez ceux qui peuvent avoir une vraie influence sur le comportement israélien. Ne regrettez-vous pas les déclarations ambiguës de l’administration américaine ?)
»Tout ceci fait l’objet d’une série de consultations. Il y a eu cette réunion du Quartet hier soir au Caire, il y a des consultations à différents niveaux, y compris à New York. Je crois qu’il faut que tous les efforts soient mis en ouvre pour avancer. »
(Vu la condamnation de la France concernant l’acte d’hier, la visite de M. Sharon est-elle toujours à l’ordre du jour ?)
»C’est une question déjà posée hier au point de presse. Il n’y a pas d’éléments nouveaux qui me permette de vous donner davantage d’informations sur le projet de visite de M. Sharon à Paris. »
(Mais d’après les rumeurs de presse, il serait là incessamment, au début du mois d’avril ?)
»Ce sont des rumeurs de presse, je n’ai pas d’information qui me permette de compléter votre information sur ce sujet. »
(Savez-vous que des manifestations vont se dérouler près de votre immeuble contre la visite de M. Sharon ?)
»Non, j’imagine que cela relève du ministère de l’Intérieur . Je n’ai pas eu d’information à cet égard. »