11 avril – Nous publions ci-dessous un article du Boston Globe de vendredi 9 avril, établissant une comparaison entre l’occupation israélienne de la Cisjordanie et de Gaza et celle des Américains en Irak, avec leurs similitudes et leurs différences.
« Des incendies dans une demi-douzaine de villes, des insurgés qui mettent de côté leurs différences religieuses et politiques pour résister à l’occupation, un hélicoptère de combat tirant dans les zones urbaines, des religieux hurlant farouchement leur refus de se plier, des victimes de plus en plus nombreuses des deux côtés, et des civils pris au milieu : est-ce le début de l’intifada irakienne? Chaque jour, le parallèle avec la guerre d’Israël contre le peuple qu’il occupe devient de plus en plus évident, avec les hélicoptères américains et les armes utilisés dans l’un et l’autre cas pour abattre les révoltes arabes.
Les responsables américains à Bagdad déclarent que ce n’est pas un soulèvement général, que l’agitateur, le mollah Moqtada al-Sadr ne représente pas l’opinion de la majorité des Chiites, que les évènements de Fallujah ont été déclenchés par des voyous et des scélérats, non par le principal courant sunnite.. Mais la conviction des Américains selon laquelle leurs ennuis proviennent des jusqu’auboutistes de Saddam et de fanatiques étrangers n’est plus crédible.
Le gouvernement israélien et l’administration américaine aiment dirent que le problème ce n’est pas l’occupation. C’est simplement du terrorisme – disent-ils – que les deux gouvernement doivent combattre. Et il y a aussi du terrorisme, sans nul doute. Mais le problème central réside dans les territoires qu’Israël occupe ; c’est l’occupation israélienne et cela l’a toujours été.
La grande majorité des Arabes voit peu de différence entre les deux combats. Que ce soit les Américains ou les Israéliens soutenus par les Américains, ce sont les Arabes qui vivent et meurent sous occupation, et les exaspérations des uns et des autres affaiblissent la position des Etats-Unis au Proche Orient.
Les deux occupations sont pourtant différentes. Les Américains essaient d’en sortir aussi rapidement qu’ils le peuvent et de rendre le pays à ses habitants – une fin de partie pour laquelle les Palestiniens donnent leur vie, et continuent de donner leur vie.
Le gouvernement israélien actuel, lui, espère conserver tout ce qui lui sera possible des territoires occupés. Il n’y pas de villes fortifiées pour colons américains qu’on contemple depuis l’Irak, bien que le Pentagone puisse nourrir l’espoir de bases militaires permanentes. En Cisjordanie les colonies israéliennes continuent d’enfler.
A cause de toutes leurs erreurs, et il y en a eu tellement, les Américains veulent quitter les Irakiens avec l’espoir d’un futur meilleur, tandis qu’Ariel Sharon en Israël a déclaré cette semaine qu’il allait prendre des mesures qui frapperont sévèrement les Palestiniens, de manière à « mettre fin à leurs rêves ».
Tandis que les Américains recherchent désespérément des Irakiens avec lesquels s’entendre, le gouvernement d’Ariel Sharon a fait tout ce qui est en son pouvoir pour détruire l’Autorité Palestinienne et les symboles du nationalisme palestinien, et il a soutenu ensuite qu’il n’avait pas de partenaire avec qui négocier..
C’est curieux, étant donné l’ incapacité d’Israël à apporter la paix et la stabilité en Cisjordanie et à Gaza, que l’armée états-unienne cherche à rivaliser avec les méthodes israéliennes. Pourtant, et bien que le Pentagone ait cherché à le garder secret, les Israéliens entraînent les Américains dans leur plan de contre-insurrection. « Le lien américano-israélien pour l’Irak équivaut à un programme de formation pour démantèlement des insurrections » a écrit le reporter d’investigation Seymour Hersh, dans The New Yorker, « y compris les « assassinats ciblés ».
Pourtant l’insurrection irakienne ne cesse de se développer.
Sharon éprouve le besoin de graver dans la conscience des Palestiniens qu’ils sont un peuple vaincu. Un conseiller américain de Bagdad a dit à Hersh : « Nous avons amené les irakiens à se soumettre par la peur ». Cela n’a pas l’air de marcher dans ces conflits.
Le général David Patraus du 101ème Airborne a raison quand il déclare à Newsweek : » Vous ne pouvez venir à bout de l’ insurrection par la seule force militaire… Vous l’emporterez quand les gens penseront qu’ils ont quelque chose à gagner dans l’émergence d’un nouvel Irak », ce qui est précisément ce que l’armée israélienne a raté en Cisjordanie et à Gaza, et c’est la principale raison pour laquelle les accords d’Oslo ont échoué.
Si l’occupation devient le problème principal de l’Irak, si seuls le nationalisme et la résistance au pouvoir étranger, même parmi les gens qui ont haï Saddam Hussein, prennent le dessus, alors les Etats-Unis et leurs alliés se battront contre une Intifada façon Cisjordanie avec tout ce que ça implique pour le futur du Proche-Orient. C’est ce cauchemar qui a hanté l’initiative américaine.
H.D.S. Greenway
(traduit par Carole SANDREL)