Raghida Ousseiran, présidente de l’association « Palestine en Marche », basée à Lyon, explique à titre personnel pour quoi elle soutient notre liste, actuellement dénigrée par certains dirigeants d’associations qui disent défendre la cause palestinienne.
« Pourquoi je soutiens la liste EuroPalestine
Une liste EuroPalestine s’est mise en place pour les élections européennes de juin prochain.
Cette liste ne fait pas l’unanimité au sein des mouvements et structures soutenant la lutte du peuple palestinien. Plusieurs arguments sont avancés pour soutenir ou ne pas soutenir cette liste.
Je peux comprendre certains, je refuse d’autres, mais dans l’ensemble, je pense que cette liste doit être soutenue.
L’argument premier avancé contre cette liste est que la participation aux élections européennes risque de « transférer » le conflit en Europe. Le conflit est bel et bien présent en Europe, et depuis bien longtemps. Seulement, nous sommes restés sur la défensive pendant tout ce temps, alors que les sionistes n’ont aucunement peur de le proclamer ni d’agir en conséquence. Autoriser des galas de soutien à l’armée israélienne n’est pas une façon de transférer le conflit en France ? Accuser d’antisémitisme tous les milieux qui affirment leur soutien au peuple palestinien n’est pas un transfert du conflit ? Le conflit du Proche-Orient est omniprésent en Europe et en France, en particulier, depuis très longtemps, et particulièrement depuis la deuxième intifada. Rappelons les assassinats des dirigeants et militants palestiniens sur le sol européen et toute l’histoire du conflit sur le sol européen….
Un autre argument serait qu’une liste pour la Palestine marginaliserait la question palestinienne. Au contraire, à mon avis, car une liste Palestine permettrait que la Palestine entre par la grande porte au lieu de rester dans les coulisses, comme elle l’est actuellement. La question palestinienne est marginalisée dans les instances du pouvoir, elle est omniprésente dans la rue. C’est la démocratie. Lors de la campagne électorale, peu parleront de la Palestine, alors que la liste Palestine n’a rien à parler d’autre.
Un autre argument est que la liste n’est pas composée de personnalités bien connues dans le soutien actif au peuple palestinien. Il est vrai que la liste ne présente que des personnalités fraîchement impliquées, avec des exceptions, disons depuis quelques années seulement. Il aurait été préférable que des militants de vieille date y soient, mais ces militants ont pris des habitudes de travailler autrement, et une telle initiative bouscule et leur façon de travailler et leur conception de l’action politique.
Il est vrai qu’une telle initiative bouscule les habitudes. Il faut parfois remettre en cause sa façon de faire, faire place à d’autres idées, à d’autres visions des choses. Sans affirmer si ces nouvelles façons de travailler sont porteuses ou pas, elles ont leur place, elles peuvent irriter, elles peuvent plaire, mais elles sont là.
Certains ont avancé le fait qu’ils préfèrent poursuivre leurs actions auprès des élus européens, des instances européennes, tous partis confondus, pour faire avancer le soutien à la cause palestinienne. C’est une démarche que je respecte, mais depuis des années, des élus et des instances n’arrivent à rien, avec toute leur bonne volonté. Ce qui ne signifie pas que la liste EuroPalestine arrivera à faire changer les choses, mais au moins, elle a le mérite de dire : « Assez, pour nous la Palestine est une question importante, assez de vos bavardages, nous voulons que cette question soit prise en compte dans l’action européenne. »
Depuis des années, beaucoup de gens comme moi n’attendent rien des élections que l’engagement des élus à mettre la question palestienne en avant. Or, avant les élections, beaucoup écoutent, hochent la tête, au moment des élections, ils sont déjà loin, parce que « vous comprenez, la question palestinienne n’est pas la seule à être débattue » et après les élections, ils ont oublié, ils font comme si on les avait soutenus pour leur programme social ou autre. Il y a quand même des gens sincères, mais dans l’ensemble, c’est ce qui se passe.
Le mérite d’une telle liste est de mettre enfin ce qui nous touche en avant.
Dans les autres listes, celles des partis politiques, nouveaux et anciens, la Palestine, quand elle existe, n’est qu’un point d’un programme assez vaste, qui couvre tous les conflits, toutes les situations du pays et du continent. On se retrouve dans des situations inextricables au moment du vote : faut-il voter pour celui-ci parce qu’il soutient la Palestine même si son programme général ne nous plaît pas ou pour cet autre dont nous nous sentons proche, mais sa position sur le conflit du Proche-Orient est loin de nous satisfaire ? On essaie de choisir quelque chose qui ne nous révulse pas, quand on choisit. Avec la présence de cette liste, au moins c’est clair.
Un autre argument est que cette liste cherche à « piquer » les voix des gens qui comme moi s’intéressent en premier à la question palestinienne, des gens issus de l’immigration. Je répondrai, oui et après ? Pourquoi pas ? Une telle liste a le mérite de dire que la question palestinienne est ce qui nous intéresse. Nous sommes impliqués, l’Europe est impliquée, et tant que ce conflit dure, nous ne pouvons pas vivre en paix.
L’argument qui va avec le précédent est que cette liste n’évoque pas « nos problèmes sociaux, nos problèmes dans les cités, etc… ». Je dirai : heureusement, car si cette liste avait évoqué tous nos problèmes, elle aurait été démagogique, elle serait comme toutes les autres, et alors, je refuserai de la soutenir.
Lors des élections présidentielles en France, le mot d’ordre avait été, dans les milieux pro-palestiniens, qu’au cas où Chirac et Jospin arrivaient en tête, nous glisserions dans l’urne le drapeau palestinien, pour exprimer notre refus de leur politique. Les choses ont tourné autrement et très peu de drapeaux palestiniens ont été glissés. Mais actuellement, qu’est-ce qui empêche de glisser ce drapeau, en soutenant la liste EuroPalestine ? Car c’est la même démarche, affirmer la primauté d’une cause sur tout le reste.
Un argument avancé, c’est que la profession de foi de cette liste ne parle pas de l’ensemble de la Palestine mais uniquement de l’occupation des territoires en 1967. C’est vrai. Parler de toute la Palestine aurait été une opération démagogique de premier plan, car le mouvement général du soutien au peuple palestinien évoque très peu la Palestine de 48. La profession de foi reste dans les limites de la compréhension du conflit en Europe. Si la liste avait parlé de 48, là, du coup, elle pourrait être accusée de vouloir « piquer » les voix des gens issus de l’immigration. Ce qui est quand même remarquable, c’est que j’ai été souvent accusée d’être intégriste et radicale par les gens qui refusent cette liste et non par des gens de cette liste, parce que précisément, je parle souvent de 48. C’est un faux argument.
Raghida OUSSEIRAN
Palestine en Marche