Alain Lipietz, tête de liste des Verts dans la région parisienne, nous envoie une lettre dans laquelle il conteste le bien fondé d’une liste Euro-Palestine. Nous publions son point de vue, ainsi que la réponse de Christophe Oberlin, tête de liste de Euro-Palestine.
Lettre ouverte aux participants et soutiens de la liste « Euro-Palestine »
Madame, Monsieur, chers amis,
On m’informe que vous envisageriez de soutenir une liste intitulée Euro-Palestine, voire d’y participer. Cette liste aurait pour but de soutenir la cause d’une paix juste et conforme au droit international au Proche Orient. La profession de foi évoque notamment la résolution du Parlement européen du 10 avril 2002.
Je dois à la réalité de vous signaler que le seul effet de cette liste serait de compromettre la réélection de députés à l’origine de cette résolution et de bien d’autres. Elle compromettrait notamment la réélection d’Alima Boumédiène-Thiery, seconde sur la liste des Verts en Ile de France, membre sortante de la délégation du Parlement européen auprès de l’Autorité Palestinienne, et peut-être même le seul élu communiste d’Ile de France, Francis Wurtz. L’élection de ces deux députés tient à quelques dixième de pour-cent, selon les actuels sondages.
Je me permets de vous rappeler que je suis la seule tête de liste à avoir organisé un colloque , le premier en France, sur le plan de Genève (voir http://lipietz.net/article.php3?id_article=1145), et coorganisé une réunion de soutien aux jeunes Israéliens refusant d’aller servir dans les territoires occupés (voir http://lipietz.net/article.php3?id_article=1266)
Alima et moi sommes allés ensemble en Palestine au moment du siège d’Arafat (http://lipietz.net/article.php3?id_article=863) et bien entendu Alima a multiplié les visites et les initiatives, au long des 5 ans de son mandat, pour parvenir à une paix juste israelo-palestinienne dans le respect du droit international et de la non-violence.
Le groupe vert et le groupe communiste (GUE) sont les deux groupes pivots de la défense des Palestiniens au PE, non sans succès : nous avons proposé et réussi à faire voter les sanctions économiques contre la politique Sharon que vous évoquez.
Quelle que soit la bonne volonté de ses initiateurs, cette liste n’aboutirait qu’à priver les Palestiniens et les Israéliens partisans d’une paix juste de leurs meilleurs défenseurs au Parlement.
C’est pourquoi j’ose vous demander, au nom de la défense de cette cause, de ne pas apporter votre soutien à cette liste et de soutenir la nôtre.
Alain Lipietz
Tête de liste « Les Verts » Ile de France
Réponse à Alain Lipietz : Pourquoi une liste Euro-Palestine aux élections européennes
Par Christophe Oberlin
Notre ami Alain Lipietz, député européen sortant (groupe des Verts) conteste le bien-fondé d’une liste » Euro-Palestine » au prochain scrutin du 13 juin 2004. C’est-à-dire, la première initiative, en France et en Europe, pour placer au centre du débat le conflit du Proche-Orient, dont personne -à commencer par les citoyens européens- n’ignore plus le caractère explosif pour la paix dans le monde.
Rassurons-le, d’abord : aucun des participants à la liste » Euro-Palestine » ne méconnaît l’activité déployée par Alain Lipietz, ainsi que par les autres députés français qu’il cite, Alima Boumédiène-Thiery (Verts) ou Francis Würtz (Parti Communiste), en faveur de la reconnaissance des droits du peuple palestinien.
Les militants et personnalités qui soutiennent la liste » Euro-Palestine » se sont fait, tout au long de la législature (1999-2004), les relais fidèles et dévoués des initiatives prises par ces députés, en particulier celles qui ont abouti à l’adoption, par le Parlement européen le 10 avril 2002, d’une résolution exigeant la suspension de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël, tant que ce pays ne respecterait pas ses obligations minimales en matière de respect des droits de l’homme.
Le problème, et il est de taille, c’est que la résolution du Parlement européen est restée lettre morte, parce que » l’exécutif européen « , comme on dit, à savoir les représentants des gouvernements nationaux, dont le gouvernement français, se sont tout bonnement assis sur ce texte. Ils ont laissé, parfois avec quelques gesticulations verbales ou larmes de crocodile, le gouvernement d’Ariel Sharon et son armée poursuivre leur politique d’étranglement du peuple palestinien.
Deux ans après le vote resté lettre morte, la situation a de ce point de vue empiré dans des proportions catastrophiques, la construction du Mur de l’annexion, kilomètre après kilomètre, étant là, parmi d’autres exemples, pour nous le rappeler chaque jour. Le tout, avec la bénédiction de George Bush, et des gouvernements européens, France comprise (voir à ce propos la position scandaleuse adoptée la semaine dernière par le » Quartette « , dont fait partie l’Union européenne, et qui a publiquement encouragé Sharon dans son entreprise criminelle)
Nous sommes de ceux qui pensent que pour obliger les gouvernants de l’Europe à prendre enfin leurs responsabilités au regard du conflit, il convient que leurs peuples, dont le peuple de France, leur fassent sentir le vent du boulet.
A savoir, que des millions de voix s’expriment, dans notre pays, pour dire à nos dirigeants que trop c’est trop, que la politique du » deux poids, deux mesures « , ne peut mener qu’à une catastrophe généralisée, et que c’est leur propre sort qui finira par être en jeu s’ils ne respectent pas l’aspiration générale à l’application du droit.
Tel est le message de la campagne » Euro-Palestine « , que nous répéterons sans relâche d’ici le jour du vote, dans un peu plus d’un mois. Il dépasse, je le pense, les discussions d’arithmétique électorale, et l’élection ou la réélection de tel ou tel député, aussi honnête soit-il, à une assemblée elle-même privée de pouvoirs.
A ce propos, je voudrais pour finir mettre à l’aise notre ami Lipietz : s’il est, lui aussi, convaincu qu’une paix juste au Proche-Orient est un enjeu crucial, non seulement pour la région, mais également pour l’avenir de l’Europe, c’est bien volontiers que je lui demanderai de se faire, dans la campagne qui s’ouvre, le premier porte-parole de cette cause en France, en y prenant la tête de la liste » Euro-Palestine « . Je sais que l’ensemble de mes colistiers salueraient une telle initiative.
Faute de quoi, j’ai bien peur que son argumentation sur les » dixièmes de pourcent « , que je lis dans sa contribution, ne nous laisse à tous une amère impression de calculs d’arrière-boutique.
Ch. O.