L’affaire « Phineas », le pseudonyme pris par un détraqué raciste qui a fait la une des journaux depuis une semaine après la profanation d’un cimetière juif de Lyon, semble avoir connu un premier épilogue lundi.
Le procureur de Lyon, Xavier Richaud, a en effet affirmé publiquement que Michael, l’homme de 24 ans qui s’est rendu dimanche soir à la police, semble bien être l’auteur, non seulement de la profanation de 60 tombes du cimetière israélite de Lyon, mais aussi, quelques jours plus tôt, de la tentative de meurtre, à la hache, d’un homme d’origine maghrébine, sérieusement blessé dans cet attentat.
Seulement voilà, la tentative d’assassinat du Maghrébin, motivée par « une haine des Arabes », selon l’expression du procureur, n’avait eu quasiment aucun retentissement médiatique, et encore moins politique.
L’affaire n’était pas secrète, car un journal lyonnais a bien publié quelques lignes, dans sa rubrique « En bref », sur l’agression. Mais ensuite, plus rien : pas de télé, pas de radio, pas de déplacement de ministre ni de Secrétaire d’Etat aux Droits des Victimes, etc…
Et « Phineas » a expliqué, au cours de sa garde à vue, qu’il avait été contrarié de constater que son acte criminel ne suscitait apparemment aucun intérêt. Alors, il s’est dit, fou mais pas idiot, qu’en s’en prenant à quelque chose de juif, ses chances de notoriété augmenteraient. Au demeurant, selon les déclarations du procureur, Phinéas semble être un antisémite plutôt conséquent, qui « dans sa haine, ne fait pas la différence entre les juifs et les arabes ».
De fait, la profanation des tombes juives a beaucoup « mieux » marché, comme on l’a vu, que la tentative d’assassinat d’un Arabe, au point que le premier crime, pourtant autrement plus grave en termes de qualification pénale, n’a été porté à la connaissance du public que parce qu’il y a eu le second.
Un mois après le scandale du RER D, l’affaire « Phineas » illustre donc une nouvelle fois les conséquences dévastatrices, pour notre société, de la politique du « deux poids, deux mesures » pratiquée par les médias et les pouvoirs publics, et du chantage à l’antisémitisme.
Voici maintenant la dépêche de l’AFP rapportant les propos du procureur de Lyon sur l’enquête.
Profanation: Phineas, un solitaire haineux qui risque la perpétuité
Par Fanny CARRIER LYON, 16 août 2004 (AFP)
Auteur présumé de la profanation du cimetière juif de Lyon et d’une agression contre un homme d’origine maghrébine à Villeurbanne, « Phineas », qui devait être mis en examen lundi après-midi, était animé par « une haine des arabes », a expliqué le procureur de Lyon, Xavier Richaud.
Le jeune homme de 24 ans, qui a agi seul, « ne semble pas appartenir à une organisation quelconque mais revendique une haine viscérale contre les arabes », selon le magistrat.
« Il avait le sentiment d’un envahissement », et voulait « réveiller la conscience des mouvements néo-nazis et les inciter à agir à leur tour », a-t-il ajouté.
Une information judiciaire pour « dégradations volontaires aggravées commises dans un lieu de culte » et « tentative de meurtre aggravée par un motif racial » était en cours d’ouverture.
L’auteur de la profanation de 60 tombes juives, le 9 août, et de l’agression à la hachette à Villeurbanne quatre jours plus tôt, risque la réclusion criminelle à perpétuité. Il s’est rendu samedi soir au commissariat du XVIIIe arrondissement à Paris.
« Nous avons la preuve par rapport à des éléments matériels objectifs que c’est bien lui », a déclaré le procureur à la presse.
La victime et un témoin de l’agression de Villeurbanne ont formellement reconnu le jeune homme, dont l’ADN a été identifié sur un sweat-shirt sombre retrouvé dans le cimetière juif. La justice avait déjà établi vendredi la corrélation entre la profanation et cette agression, l’ADN de la victime ayant été retrouvé sur une hachette laissée dans le cimetière.
A son domicile à Villeurbanne, les enquêteurs ont retrouvé une deuxième hachette et une lampe achetés le jour de la profanation.
Par ailleurs, le jeune homme a expliqué avoir expédié par la poste un morceau de stèle du cimetière juif à un quotidien parisien, « un élément que nous allons récupérer rapidement », a déclaré le procureur.
Titulaire d’un BTS de graphisme, le jeune homme, « vraisemblablement assez seul dans sa vie personnelle » selon le procureur, avait quitté son emploi il y a quinze jours, juste avant la première agression.
Mais celle-ci n’ayant pas eu le retentissement médiatique espéré, il s’est attaqué à un cimetière. « Il était déterminé, il aurait sûrement recommencé », a estimé M. Richaud.
Il a téléphoné samedi matin au commissariat de Villeurbanne pour annoncer qu’il allait commettre une nouvelle agression.
Quand il s’est rendu le soir même, tenant à la main une troisième hachette achetée à Paris, il a déclaré être passé à l’acte, mais la police n’a pas retrouvé de trace d’agression.
Pour le commissaire principal Jean-Christophe Lagarde, chef adjoint de la sûreté départementale, le jeune homme s’est rendu d’abord parce qu’il voulait faire parler de lui, et ensuite parce qu’il était « un peu perdu, sans argent, à Paris ».
Au cours de sa garde à vue, il a fait de longues déclarations, revendiquant une culture néo-nazie, mais présentant surtout un amalgame de connaissances peu cohérentes. « Dans sa haine, il ne fait pas la différence entre les juifs et les arabes », a déclaré le procureur.
Il a expliqué avoir choisi le pseudonyme de Phineas après avoir entendu le nom dans un documentaire télévisé sur des mouvements d’extrême droite.
A son domicile, les enquêteurs ont également retrouvé un livre sur le mythe aryen et quelques revues « du type Historia » avec des articles consacrés au nazisme.