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« UNE NATION DE PRISONNIERS », par Gideon LEVY

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Un article publié ces derniers jours dans Haaretz, dans lequel Gideon Levy, l’un des rares journalistes israéliens (avec Amira Hass), dénonce la manière dont Israël traite les prisonniers palestiniens.


Une nation de prisonniers

Par Gideon Levy

Si pour les Israéliens « la nation entière est une armée », pour les Palestiniens la nation entière est un prisonnier: comme pour nous l’expérience du service militaire – l’expérience de la prison dans la vie des palestiniens est une expérience formatrice et unifiante.
Les deux activités sont perçues comme un modèle de valeurs, un sacrifice pour l’amour de la patrie.
Il est aussi possible de discerner une ressemblance en ce qui concerne la proportion dans la population: D’après Addameer (Centre palestinien de Soutien aux Prisonniers) , depuis 1967 approximativement 650 000 Palestiniens sont passés par les prisons israéliennes ce qui représente environ 40 % de tous les palestiniens mâles. Au-dessus d’un certain âge il est difficile de rencontrer des Palestiniens mâles qui n’ont pas connu de prison israélienne. Il n’y a pas beaucoup de maisons dans les territoires dans lesquelles les travaux manuels par les prisonniers ne sont pas affichés, comme un souvenir des jours de prison, comme les photos de l’époque du service militaire pour nous.

Entre mars et octobre 2002, Israël a arrêté 15 000 Palestiniens. Sont-ils tous des terroristes ? Ceux qui clament que tous les 650,000 Palestiniens qui ont été arrêtés sont des criminels clament que le peuple palestinien est une nation de criminels. Seul un politicien manquant de retenue, comme le Ministre de la Sécurité Publique Tzahi Hanegbi, peut qualifier les 7 500 prisonniers et détenus actuellement dans les prison de  » terroristes  » .

Ceux qui sont emprisonnés sans avoir été jugés – environ 750 détenus administratifs qui ont été déclarés coupables d’appartenir à des organisations et ont été condamnés par des tribunaux militaires – ne peuvent pas être jugés en vertu de critères criminels. Ils devraient être considérés, ainsi que le monde les considère comme prisonniers politiques et même comme prisonniers d’opinion.

Si ces définitions écorchent les oreilles israéliennes, pour des yeux palestiniens les prisonniers sont perçus comme des héros nationaux. L’attitude courante d’Israël envers eux – qui est cruelle et insensible – est par conséquent perçue non seulement comme un harcèlement à leur égard mais aussi comme un coup aux emblèmes de la lutte nationale. Leur humiliation est l’humiliation de tous les Palestiniens.

L’exemple le plus grave concerne les enfants emprisonnés. Plus de 380 prisonniers aujourd’hui sont des mineurs – 78 entre d’eux ont moins de 16 ans. Israël traite ces jeunes comme des prisonniers adultes, malgré le fait que, d’après la Convention des Nations Unies sur les Droits de l’Enfant qu’Israël a signée, une personne est considérée comme un mineur jusqu’à 18 ans. En pratique, même les jeunes de 14 ans ne sont pas séparés des adultes pendant les interrogatoires et la détention.

Dans Haaretz ce week-end, l’adolescente Sawsan Abu Turki a raconté qu’à l’âge de 14ans elle a été jetée dans la prison d’Abu Kabir, où elle a été incarcérée avec les prostituées et les criminels et n’a pas été interrogée par les officiers spécialisés dans la jeunesse. Personne dans sa famille a n’a eu un droit de visite pendant les quatre mois et demi de sa détention.

Il n’est pas étonnant que parmi les 12 premiers points sur la liste des revendications des prisonniers grévistes de la faim, raisonnables et justes, les visites des familles occupent une place importante. Si une société se mesure à son attitude envers ses prisonniers, l’attitude honteuse d’Israël est évidente pour une grande partie de tout en ce qui concerne la question de visites. Chaque visiteur a besoin d’un permis d’entrer en Israël, en infraction avec l’article 47 de la Convention de Genève qui interdit le transfert de prisonniers de territoires occupés au territoire de l’état occupant. Dans l’absence de permissions et d’autorisation de téléphoner chez eux, les visites sont les moyens seuls de communication entre les prisonniers et leurs familles. Selon Addameer, 110 prisonniers de Naplouse n’ont pas été autorisés à recevoir de visites depuis 3 ans, et il y a des prisonniers de la bande de Gaza qui n’ont pas vu leurs familles depuis 7 sept ans. Il ne peut y avoir aucune justification à cela ; la seule explication est l’abus de pouvoir.

Les futurs leaders Palestiniens sont aussi incarcérés dans les prisons israéliennes en ce moment, et ils influenceront la nature des relations entre eux et nous. Dans le passé, les prisonniers palestiniens exerçaient une influence modératrice sur la société palestinienne. Une forme de dialogue existait dans les prisons israéliennes, ce qui amenait un certain nombre de détenus à mieux connaître les Israéliens et penser que la justice n’était pas inexistante dans notre pays. Maintenant que tout n’est que violence, l’Israël a perdu aussi ce dernier lien.

La nomination du nouveau responsable du Service des Prisons, Yaakov Granot – qui a dirigé deux organismes aussi brutaux que la police des Frontières et le contrôle de l’Immigration, où les normes sont extravagantes – et celle du Ministre Tzahi Hanegbi, ont transformé l’administration pénitentiaire en une organisation brutale, où seule la force parle.

Si Hanegbi questionnait sa mère, l’ex parlementaire Geula Cohen, à propos du vécu des prisonniers de la résistance juive dans la période avant l’indépendance, peut-être cela changerait sa perception des prisonniers dont il déclare se moquer de la mort. Enverrait-il griller des kebabs pour stimuler leur faim des prisonniers et publierait-il des images de Marwan Barghouti, gardé en isolement pendant plus d’un an, en train de manger pour le compromettre ?
Existe-t-il meilleure preuve de la faiblesse et de la dégénérescence du geôlier?

Source : http://www.haaretz.com/hasen/spages/467523.html

Traduction : D.L.

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