Cela fait du bruit en Israël. La presse française daigne enfin accorder quelques lignes à cette histoire pourtant fort intéressante et révélatrice de la terreur que suscite au sein du gouvernement israélien l’idée de fraternisation entre Palestiniens et Israéliens.
« Son amitié pour un activiste palestinien conduit une Israélienne en prison
Ils auraient pu ne jamais se croiser. Il a échappé à plusieurs tentatives d’assassinat ciblé de l’armée israélienne, est sans doute l’homme le plus populaire de Jénine et apparaît régulièrement depuis deux ans dans les médias israéliens. Elle est originaire d’une des villes les plus pauvres d’Israël, ancienne secrétaire à Tel-Aviv et électrice du Likoud, le parti du premier ministre Ariel Sharon. Zacharia Zubeïdi et Tali Fahima se sont pourtant rencontrés à plusieurs reprises, dans le camp de réfugiés de Jénine, à l’initiative de la jeune femme, qui voulait « connaître le quotidien des Palestiniens ».
Si les discussions entre Palestiniens et Israéliens suivent leur cours, Zacharia Zubeïdi pourrait bientôt disparaître de la liste des activistes recherchés par l’armée israélienne et rallier les nouvelles forces de sécurité palestiniennes. Une détente qui, pour l’instant, ne bénéficie guère à son amie israélienne. Emprisonnée depuis août 2004, Tali Fahima vient de voir sa détention administrative prolongée de six mois, jusqu’à l’ouverture de son procès, prévue le 17 juillet ; la jeune femme à l’allure austère est accusée d' »avoir fourni des informations à l’ennemi, eu des contacts avec un agent étranger et soutenu une organisation terroriste ».
Dans un entretien qu’il a accordé au quotidien Yediot Aharonot, lundi 7 février, l’activiste des Brigades des martyrs d’Al-Aqsa a estimé que « si un accord est trouvé sur la libération des prisonniers -palestiniens, l’un des sujets de discussion entre les deux parties-, Tali devrait en faire partie ». On en est loin. Fin janvier, la justice israélienne a confirmé qu’elle constituait bien un danger pour l’Etat et refusé sa mise en résidence surveillée. C’est la première fois qu’une femme juive est ainsi maintenue en détention administrative, un traitement d’ordinaire réservé aux activistes palestiniens et exceptionnellement utilisé à l’encontre de militants israéliens d’extrême droite.
Face aux lourdes charges qui pèsent contre elle, la jeune femme reconnaît seulement avoir sympathisé avec Zacharia Zubeïdi. Dans un élan, elle s’était même engagée à lui servir de bouclier humain. Tali Fahima n’y voit rien de répréhensible. Les autorités, en revanche, ne manquent pas une occasion de l’accabler. Les services secrets israéliens ont affirmé, sans livrer de preuves, qu’elle avait aidé les Palestiniens à fomenter un attentat.
« ELLE N’EST MÊME PAS DE GAUCHE »
L’opinion publique a déjà tranché : elle est « coupable » pour plus de deux tiers des personnes récemment interrogées lors d’un sondage. « Le profil de Tali a affolé les services de sécurité, explique de son côté Judith, une amie de l’accusée. Elle n’appartient à aucun réseau militant, elle n’est même pas de gauche et elle a pris l’initiative d’aller à Jénine seule. »
La partie la plus concrète de l’accusation repose sur le fait que la jeune Israélienne aurait traduit pour ses amis palestiniens des documents confidentiels relatifs à la traque des activistes et que l’armée avait perdus à Jénine. Elle nie ces faits, soulignant que Zacharia Zubeïdi parle hébreu et n’avait nullement besoin de son aide.
Pour les militants pacifistes qui soutiennent Tali Fahima, ce procès est « politique ». « Alors que de plus en plus de gens veulent voir ce que fait l’armée israélienne dans les territoires occupés, les autorités essayent de faire pression pour qu’ils aient peur d’y aller », assure Ouri Ayalon, engagé contre la construction de la clôture de séparation entre Israël et la Cisjordanie.
Mardi 8 février, Tali Fahima a eu 29 ans. Ses amis ont organisé une fête devant la prison. Par téléphone portable et haut-parleur interposés, Zacharia Zubeïdi lui a fait savoir qu’il lui avait acheté un ours en peluche. Dernièrement, il avait proposé de venir témoigner en sa faveur. Même « blanchi », il est peu probable que le jeune activiste y soit autorisé. »
Stéphanie Le Bars
• ARTICLE PARU DANS L’EDITION DU 24.02.05