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EDITION : A LIRE ET A FAIRE LIRE

Parmi les publications récentes, concernant les questions coloniales et le problème de la « Mémoire », nous signalons à nos lecteurs plusieurs ouvrages intéressants :
«Coloniser, Exterminer» de Olivier Le Cour Grandmaison,
«Le livre noir du colonialisme» de Marc Ferro, ainsi que
«Le crime occidental» de Viviane Forrester.


***Olivier Le Cour Grandmaison, qui enseigne la politique et la philosophe et qui a milité pour la reconnaissance des crimes contre les Algériens commis par l’Etat français le 17 octobre 1961, vient de publier un lvre sur les guerres coloniales engagées par la France en Afrique du Nord et ailleurs, qui analyse les méthodes de « pacification » de l’Algérie à coup d’enfumades, de massacres de prisonniers et de civils, de razzias et de destruction de cultures et de villages, tout comme les nombreuses mesures racistes et discriminatoires appliquées au cours de la conquête et de la colonisation de l’Algérie, avant d’être étendues à l’Indochine, à la Nouvelle Calédonie et à l’Afrique occidentale française.

S’appuyant sur de nombreux documents souvent ignorés, l’auteur montre comment l’Algérie a servi de vaste laboratoire au sein duquel ce sont forgés les concepts de « race inférieure « et d’ »espace vital » qui ont resservi en d’autres lieux par la suite, ainsi que de nouvelles techniques répressives telles que l’internement administratif et les punitions collectives.

Edition Fayard, 342 pages, 22 euros.

*** Marc Ferro, directeur d’études à l’EHESS, avec la contribution de toute une équipe de chercheurs, embrasse encore plus large avec son « Livre Noir du colonialisme ».
Celui-ci commence au 16ème siècle et recense les crimes des colonisations sur plusieurs continents (Indiens d’Amérique, arborigènes d’Australie, traite des Noirs et esclavage, Vietnam, Indonésie et Algérie).
Il analyse les séquelles du colonialisme qui nourrissent le sentiment d’humiliation ou l’esprit de revanche des anciens colonisés, sans oublier les rapports de domination du néocolonialisme contemporain.

Edition Hachette, 1056 pages, 14,50 euros.

***« LE CRIME OCCIDENTAL » de Viviane FORRESTER

Avec retard (mais mieux vaut tard que jamais), nous conseillons également la lecture très instructive du livre de Viviane Forrester, qui analyse les responsabilités, la lâcheté et l’hypocrisie des gouvernements européens et étatsunisien concernant le génocide des juifs pendant la seconde guerre mondiale, leur comportement antisémite y compris au lendemain de la guerre, de même que la manière particulièrement méprisante dont ils ont obligé les populations arabes et notamment palestinienne à supporter les conséquences de leurs crimes. Après les récentes commémorations, où chacun s’est présenté en « libérateur » et en rempart contre la barbarie, quelques rappels sont tout à fait salutaires.
Un seul bémol, la conclusion de Viviane Forrester : considérant que l’Europe et les Etats-Unis se sont disqualifiés pour « arbitrer le conflit israélo palestinien », elle conjure Palestiniens et Israéliens de s’entendre « par-dessus la tête des puissants », oubliant que nous ne sommes pas en présence de deux adversaires de même taille, disposant des mêmes armes, et que l’occupant n’a aucune envie de paix puisqu’il vise à s’emparer d’un maximum de terres et à chasser un maximum de Palestiniens à cette fin. C’est également méconnaître tout l’appui apporté, aujourd’hui encore, par les gouvernements occidentaux à l’occupant.

Tous ces gouvernements qui ont bonne conscience à peu de frais : Citons quelques exemples fournis par l’auteur :

– Conférence d’Evian en juillet 1938, alors que les Juifs étaient persécutés depuis plusieurs années par les nazis (les camps de Dachau, de Buchenwald et de Mauthausen fonctionnaient déjà) : sur 33 pays réunis pour envisager l’élargissement de leurs quotas d’immigration aux Juifs, tous, sauf le Danemark et la Hollande, refusèrent. La France se déclara « saturée » . Le sénateur Henri Béranger s’inquiétait par écrit de voir la France laisser entrer « les déchets de l’immigration autrichienne ou allemande ».
– En décembre 1938, Georges Bonnet, ministre des affaires étrangères indiquait à son homologue allemand Ribbentrop que « Les Français ne désirent plus accueillir de Juifs venant d’Allemagne. Pourriez-vous prendre des mesures quelconques pour les empêcher de venir en France ? »
– Entre 1941 et 194(, les USA n’accueillirent que 21.000 Juifs, soit 10 % du contingent déjà faible autorisé. Outre de nombreux documents, les persécutés du Reich devaient, pour pouvoir entrer aux USA, obtenir leur casier judiciaire ou un certificat de bonnes mœurs délivré par la police qu’ils fuyaient !!! Ils devaient en outre prouver qu’ils ne seraient pas « à la charge des pouvoirs publics » américains, mais ils leur était interdit de faire état d’une promesse d’emploi, ni se réclamer de frères, sœurs, cousins, oncles ou amis vivant aux Etats-Unis, récusés car n’ayant pas « d’obligation alimentaire » envers eux. Seuls les riches pouvaient donc entrer. Quand on sait que dès octobre 1934, un juif allemand n’avait pas le droit de sortir plus de 4 dollars d’Allemagne
– La guerre achevée, plusieurs centaines de milliers de Juifs rescapés furent maintenus durant des années dans des camps « pour personnes déplacées », dans des conditions lamentables, sous la surveillance des Alliés, parfois même dans les camps nazis où ils avaient été détenus.
– En zone britannique,ils furent même soumis à une loi sur le travail obligatoire, main d’œuvre bon marché au profit de l’économie allemande, souvent sous son autorité.
Les frontières ne s’ouvraient toujours pas, y compris aux Etats-Unis qui pérennisèrent leurs quotas, malgré une nouvelle flambée de pogroms en Pologne, en 1946 !
– Il a fallu attendre …2004 pour que la Suisse « réhabilite » les Suisses qui avaient aidé des Juifs pendant la guerre et qui avaient été sanctionnés de ce fait ! souligne Viviane Forrester qui rappelle à quel point la Croix Rouge s’est empressée de ne pas intervenir en faveur des Juifs, pour ne pas faire « intrusion dans les affaires intérieures d’un Etat, en tentant d’agir en faveur de certaines catégories de personnes considérées par cet Etat comme dépendant exclusivement de sa législation interne » (Max Weber, président de la Croix Rouge, en pleine guerre).
Viviane Forrester démontre aussi, à l’heure des commémorations sur le génocide des juifs, où l’on semble présenter des révélations sur les horreurs nazies, que tout cela était parfaitement connu des différents gouvernements, et très largement public, de l’étoile jaune obligatoire même pour les enfants, aux wagons plombés en passant par les pillages et les aux rafles de Juifs. Tout cela était notoire, non seulement en Allemagne, mais dans tous les pays annexés ou occupés par elle, comme l’illustrent les nombreux exemples qu’elle fournit.

Editions Fayard, 214 pages, 17 euros.