Le sombre pronostic, formulé il y a quelques semaines (voir sur ce même site) par l’opposante israélienne Tanya Reinhart, selon qui même le plan de désengagement de Gaza pourrait être un nouveau mirage de la part du gouvernement israélien, a pris quelque consistance supplémentaire cette semaine, à en juger par le comportement d’Ariel Sharon.
Ce plan, mis en avant depuis maintenant 16 mois, ce qui n’est pas mince, n’apportera rien aux Palestiniens de Gaza, qui resteront enfermés dans leur prison à ciel ouvert, et encore moins à ceux de la Cisjordanie, dont le dépeçage et l’annexion continue imperturbablement, avec la construction des Murs entre autres. L’annonce du retrait, et tout le bruit fait autour des « douloureux sacrifices » qu’auraient à endurer les 8.000 colons israéliens installés à Gaza, a en réalité pour fonction principale sinon unique de fournir à Ariel Sharon et son compère travailliste Shimon Peres un cache-sexe utile sur la scène internationale, où leur « réalisme » a pu être vanté, par des dirigeants politiques (européens, français, etc.) prêts à avaler n’importe quelle couleuvre.
Mais il se trouve que les doutes sur les intentions réelles d’Ariel Sharon en la matière augmentent, au lieu de diminuer, au fur et à mesure qu’on se rapproche de l’échéance pour le désengagement, qui doit commencer le 20 juillet selon le calendrier officiel du gouvernement israélien.
Le quotidien Haaretz rapporte, mercredi, que Sharon a carrément court-circuité l’administration spéciale créée récemment pour le désengagement, dont la première tâche est de se mettre d’accord avec les colons récalcitrants.
Le chef de cette administration spéciale, Yonathan Bassi, aurait en effet réussi pour la première fois il y a quelques jours, à convaincre une poignée de colons de partir, et aurait signé les premiers contrats de départ, assortis des premiers chèques d’indemnisation (dont le montant, selon la presse israélienne, atteint, rien que pour le logement, les 100.000 euros par personne, enfant ou adulte, une somme plus que coquette quand on sait que ces colons avaient déjà reçu des subventions publiques pour venir à Gaza, et que la majorité des Palestiniens de la bande disposent de moins de 2 euros par personne et par jour !).
Apprenant cela, Sharon a aussitôt reçu une délégation d’une douzaine d’autres colons, n’ayant rien signé du tout à ce jour, et venus lui faire des « propositions alternatives » : en l’occurrence, de différer le désengagement, en échange de quoi ils seraient d’accord pour une évacuation « en masse » du bloc de colonies de Goush Katif (sud de la bande de Gaza) et la création de toutes pièces d’une nouvelle communauté urbaine au nord de la bande de Gaza (sur les dunes de Nitzanim, entre les villes d’Ashdod et Ashkelon, littoral sud d’Israël). Comme de juste, la mise en oeuvre d’un tel plan demanderait du temps, et une rallonge substantielle par rapport aux indemnisations promises, ont dit les délégués. Laissant les associations écologistes israéliennes à leurs cris d’indignation (la zone de Nitzanim doit être préservée et déclarée inconstructible, disent ces dernières), Sharon a répondu que c’était un plan « effectivement intéressant », et qu’il l’étudierait à son retour des Etats-Unis, où il part la semaine prochaine.
Les colons reçus en délégation par Sharon avaient posé une condition expresse à la rencontre. Que Yonathan Bassi n’y assiste pas. Sharon a dit OK, et « il a ainsi court-circuité l’agence du désengagement », constate le Haaretz.
Mais ce n’est pas tout. Le « Conseil régional de la côte de Gaza », l’institution locale des colons, poursuit maintenant dans la surenchère. Il ne reconnaît pas la délégation qui a rencontré Sharon, toujours qualifié de « spoliateur des Juifs ». « Cela dit, si discussions il y a avec le gouvernement, « le test de crédibilité du Premier Ministre sera de voir s’il accepte de différer le désengagement, pour permettre la réalisation du plan Nitzanim », a dit le porte-parole de ces ultras.
Entre des gouvernements étrangers qui continuent de faire semblant de croire à la volonté de négociation du gouvernement israélien, et une opinion publique israélienne incapable de se mobiliser contre la poursuite de l’occupation (alors que le peuple palestinien n’a bénéficié d’aucun relâchement effectif de l’oppression depuis la « nouvelle donne » qu’était censée être l’élection de Mahmoud Abbas et le « sommet » de Charm el Cheikh), les colons décidés à rester coûte que coûte à Gaza ont effectivement quelques raisons d’espérer. Et le peuple palestinien de désespérer, si l’humanité éprise de justice ne parvient pas à lui porter secours.