Afin de contribuer au débat sur le projet de constitution européenne qui nous est proposé et sur lequel nous aurons à voter le 29 mai prochain, nous publions ci-dessous les arguments en faveur du NON de plusieurs membres de CAPJPO-EuroPalestine.
Pourquoi nous voterons contre le projet de constitution européenne qui nous est proposé :
1) La nouvelle constitution stipule « une étroite coopération » de lUnion Européenne avec lOTAN, qui est une alliance militaire dirigée par les Etats-Unis. Ce qui revient à accepter le leadership militaire des USA. Quand on voit la politique américaine dagression et de non respect du droit international, cela fait froid dans le dos.
LUE se donnera en outre la possibilité dintervenir « en cas de problème de terrorisme » dans des pays hors de lUE : cest trop ou pas assez. Quest-ce quon entend par terrorisme ? Est-ce que le terrorisme dEtat comme celui exercé par Israël sur les populations palestiniennes ou par les Etats-Unis en Irak sera pris en compte ?
2) Que penser du silence de ce projet de Constitution concernant le droit international ? Nulle part il ne fait référence aux résolutions de lONU, aux Conventions de Genève, ou à la Cour internationale de Justice de La Haye, cest à dire aux avancées les plus importantes en matière de droit international. Pas de mention non plus du droit des peuples à disposer deux-mêmes, ni de dénonciation de toutes les formes doccupation et de colonisation.
Est-ce parce que les USA ne respectent pas le droit international et quils autorisent leurs alliés, notamment Israël, à ne pas le respecter ?
Prenons lexemple du projet de jumelage, proposé le 1er avril dernier par lUMP entre la région Ile de France et la « région de Jérusalem », c’est-à-dire un projet tendant à valider lannexion par Israël de Jérusalem Est, ce qui est contraire aux résolutions de lONU.
Nous sommes intervenus en alertant les médias et lensemble des élus du Conseil Régional dIle de France sur lillégalité dune telle initiative, présentée au nom de « lamitié franco-israélienne » et avons réussi à la mettre en échec.
Imaginez que nous ayons approuvé une constitution qui ne sappuie pas sur le droit international, ce projet aurait pu passer beaucoup plus facilement.
Et les produits en provenance des colonies ? Pas question de sopposer à leur libre circulation, puisquil ny a plus de droit international et quils nauront plus rien dillégal.
Ces deux éléments seraient amplement suffisants pour dire NON à ce projet de constitution.
Mais il faut également souligner que cette charte que lon nous présente comme un modèle de démocratie, naméliore absolument pas les possibilités de participation et dintervention des citoyens aux décisions qui seront prises par lUE.
Les citoyens de lUnion ne pourront jamais interpeller le conseil des ministres de lEurope, c’est à dire les décideurs, puisquavec « un minimum de 1 million de signatures » ils peuvent au mieux soumettre une question à la Commission qui nest pas obligée de la proposer au Conseil des Ministres pour examen.
Le Parlement Européen lui-même, dont on nous dit quil aura davantage de pouvoirs que celui daujourdhui, se voit uniquement attribuer la possibilité de mettre son veto sur une décision du Conseil des Ministres ; mais inversement, le conseil des ministres de lEurope, c’est-à-dire lexécutif, ne sera absolument pas obligé de tenir compte des votes du Parlement européen.
Prenons lexemple de la décision du Parlement Européen qui a voté à la majorité le 7 avril 2002 la suspension de laccord dassociation économique entre lEurope et Israël parce quIsraël ne respectait pas les droits de lhomme. Eh bien, les gouvernements européens nen ont tenu aucun compte ; au contraire ils ont continué à accorder plus davantages à Israël, y compris aux produits en provenance des colonies, et donc totalement illégaux.
Si cela se reproduisait avec la nouvelle constitution, nous serions rigoureusement dans la même situation : rien nobligerait les gouvernements des 25 Etats membres à suivre les recommandations du nouveau Parlement européen.
Enfin, quest-ce quun fonctionnement démocratique qui naccorde pas la « citoyenneté » aux ressortissants étrangers qui vivront et travailleront au sein de lUE et qui les exclut de toutes les clauses stipulées dans ce traité ?
En tant que citoyens on peut par ailleurs sinterroger sur plusieurs aspects économiques et sociaux de ce projet.
Il est clair en effet, même sans être un spécialiste de léconomie, que le maître mot est « la libre concurrence » et on sait ce que cela veut dire, c’est-à-dire la part du lion pour les monopoles qui se partageront le marché, étant bien entendu qu « il ne pourra y avoir dentraves à la circulation des capitaux », ni à celle des marchandises. (Rien pour empêcher les fraudes fiscales nest au demeurant proposé).
En revanche les entreprises pourront délocaliser hors de lUE sans contraintes, et les garanties données aux travailleurs citoyens de lUE ne sappliqueront plus.
En matière de services publics, le projet estime que « sont incompatibles avec le marché intérieur les aides accordées par les Etats membres ou au moyen de ressources dEtat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou menacent de fausser la concurrence ».
Si un Etat veut par exemple encourager les transports ferroviaires, les transporteurs routiers pourront sy opposer. Même chose pour les hôpitaux face aux cliniques privées, etc.
Sur le plan social, on peut parler de recul par rapport au Traité de Rome ou au Traité de Nice qui sapplique pour le moment aux pays de lUE.
Ainsi, nous avons jusquà maintenant un préambule qui sassigne « pour but essentiel » « lamélioration constante des conditions de vie et demploi des peuples ». Dans le nouveau projet cela devient une « avancée sur la voie de la civilisation, du progrès et de la prospérité »,
Termes très vagues qui nengagent pas à grand-chose.
Dans la déclaration universelle des Droits de lHomme de 1948, il était stipulé que « Toute personne a le droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et celui de sa famille, notamment pour lhabillement, le logement, les soins médicaux, ainsi que pour les services sociaux nécessaires » (article 25.1)
Dans le nouveau texte, il ny a aucune mention de revenu minimum ni de droit au logement, mais seulement « le droit à une aide sociale et à une aide au logement », ce qui est très différent.
Il est par ailleurs déclaré que lUE «assure à toute personne le droit de travailler et dexercer une profession librement choisie ou acceptée ».
Est-ce une plaisanterie ou bien une disposition perverse qui permettra, en labsence de tout salaire minimum imposé, de proposer des conditions honteuses à des travailleurs dans le besoin et de protéger les patrons de toute législation coercitive puisquils pourront se retrancher derrière cette clause du travail « librement choisi ou accepté » ?
Cest encore un nivellement par le bas, que lon nous propose en matière déducation.
Seul lenseignement obligatoire est décrit comme gratuit, ce qui veut dire que lécole maternelle et lenseignement supérieur peuvent être réservés aux plus fortunés, alors que plusieurs pays européens proposent à toutes les couches de la société un accès à léducation gratuite pour les plus petits comme pour les plus grands.
Là où le projet de nouvelle constitution écrit « Les Etats membres sengagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires », nous aurions donc préféré lire : « LUnion sengage à améliorer progressivement le niveau déducation, de santé ou lintégration des travailleurs immigrés ».
Face à ceux qui nous disent que la nouvelle constitution ne présente que des avancées et pas de reculs par rapport au traité de Nice, nous nous inscrivons également en faux sur plusieurs autres points :
– la suppression de la notion de laïcité pour la remplacer par lallégeance au religieux : « Les Etats agissent en sinspirant des héritages religieux », et ils institutionnalisent « un dialogue régulier avec les Eglises ».
On nous a fait en France tout un cirque sur le voile à lécole pour en arriver là ?
– le projet stipule « le droit à la vie », mais pas celui à la contraception ou à lavortement. Quest-ce à dire ? Allégeance aux « Eglises » ?
Quant aux mesures positives contenues dans le nouveau traité, notamment les mesures contre « toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou lorigine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, lâge ou lorientation sexuelle » (article III.5), il faudra obtenir lunanimité des Etats membres pour quelles soient adoptées !
Et il en va de même pour toute une partie des mesures sociales (article III.104) ou des relations à lenvironnement (art. II-130) qui requièrent elles aussi lunanimité.
CONCLUSION
Nous ne refusons pas cette constitution parce quil lui manquerait un ou deux boutons de guêtre, ou parce que nous serions « contre lEurope », mais parce quelle ne correspond pas du tout à notre vision de lEurope et que les notions dégalité et de fraternité ny ont aucune place.
Chirac nous menace des pires conséquences (sans préciser lesquelles) si le NON lemporte, alors quil ne se passera rien et que nos gouvernements devront simplement revoir leur copie en tenant compte de nos aspirations.
En revanche, si le OUI passe, cest très grave. Nous ne pourrons rien modifier, car il est prévu quil faut un accord unanime de tous les Etats membres pour pouvoir introduire la moindre modification à cette charte. L’art. IV-446 concernant la durée précise : »Le présent traité est conclu pour une durée illimitée ». Cest dautant plus grave que, comme le souligne Yves Salesse, coprésident de la Fondation Copernic, ce projet ne se contente pas dinscrire quelques principes fondateurs, il fixe dans le détail toute une série de choix politiques, économiques et sociaux très contraignants que lon ne pourra pas changer.
Olivia Zémor
Boualem Snaoui
Youssef Haji
Claire Strauss
Eddie Hazi