Dominique Vidal, journaliste au Monde Diplomatique vient de protester contre une décision du président du Mémorial de la Shoah de l’écarter, sans aucune raison valable, d’un débat autour du génocide nazi qui doit se tenir mercredi soir à la FNAC Italie et auquel il a l’intention de se rendre.
Voici la lettre envoyée par Dominique Vidal :
Chère consur
Cher confrère,
Je voudrais, par ce message, vous informer d’une étrange décision de Jacques Fredj, le président du Mémorial de la Shoah.
La FNAC et le Mémorial organisent actuellement, comme vous le savez peut-être, une série de débats autour du génocide nazi. L’un d’eux, qui se tiendra demain mercredi 13 avril à 18 heures à la FNAC Italie, porte sur « Les historiens allemands et la Shoah ». Auteur d’un livre de synthèse en français consacré à ce sujet (« Les historiens allemands relisent la Shoah », Editions Complexe, Bruxelles, 2003), lequel a d’ailleurs figuré ces deux dernières années parmi les lectures recommandées pour l’agrégation, je devais naturellement participer à cet échange, avec Edouard Housson, Peter Longerich et Robert Salomon Wistrich.
Or le responsable de cette série de débats pour la FNAC, Eduardo Castillo, m’a appris il y a quelques jours que Jacques Fredj avait opposé son « veto » à ma présence. Je lui ai aussitôt écrit pour vérifier si c’était exact et l’interroger sur ses motifs. Son seul argument a été le risque d’incidents que la présence d’un journaliste spécialisé sur le Proche-Orient risquerait d’entraîner.
Cela ne me paraît pas sérieux. Je donne, chaque année, plusieurs dizaines de conférences et, en plus de vingt ans, je ne me souviens que d’un (bref) incident. De surcroît, j’ai déjà participé, à la FNAC, à trois débats sur l’historiographie du génocide nazi – l’un avec Annette Wieviorka, l’autre avec Ian Kershaw et le troisième avec Benoît Raisky. Sans parler des discussions, le plus souvent sereines, autour de mon livre « Le Mal-être juif », y compris avec des responsables communautaires…
Je pensais sincèrement que le président du Mémorial m’avait écarté de la liste des intervenants sur un mouvement d’humeur, et j’espérais qu’il se rendrait compte de l’absurdité de sa démarche. Ce n’est hélas pas le cas. Pis: ni Jacques Fredj ni son secrétariat n’ont accepté de me fournir la liste des membres du conseil d’administration du Mémorial, que je souhaitais consulter sur cette décision les engageant – je pensais qu’une telle information, s’agissant d’une Fondation bénéficiant du concours de l’Etat, était publique.
Il s’agit donc bien d’une décision réfléchie. Et je la trouve grave, car elle touche à la liberté d’expression. Si le débat avait eu lieu au Mémorial, je me serais contenté d’invoquer le pluralisme des Juifs de France, que Jacques Fredj, en l’occurrence, ne respecte pas. Mais sont en cause, outre le Mémorial, la FNAC, « Le Point » et la chaîne Public Sénat: il ne s’agit donc pas d’un roblème « interne ». Est-il conforme à l’esprit et à la loi de la République que le directeur d’une Fondation – quelqu’elle soit – interdise à un journaliste et historien de s’exprimer dans un débat ouvert à tous ? D’ailleurs, les partenaires du Mémorial sont-ils informés de cette pratique arbitraire ?
Permettez-moi d’ajouter que, sur le mur des noms qui vient d’être inauguré au Mémorial de la Shoah, figurent 13 membres de ma famille paternelle, les Sephiha – mon père, lui, est revenu d’Auschwitz…
Avec mes sentiments les meilleurs,
Dominique Vidal.