Le « transfert » est associé dans la mémoire collective aux camions qui arrivent la nuit et emportent les Palestiniens de l’autre côté de la frontière, comme cela s’est produit dans différents endroits en 1948. Mais derrière le rideau de fumée du désengagement, c’est le processus lent et dissimulé du transfert qui aujourd’hui se met en place en Cisjordanie. » écrit l’opposante israélienne dans le quotidien Yediot Ahronot du 13 avril.
« Sharon est allé aux Etats-Unis en héro de la paix, comme s’il avait déjà évacué Gaza et qu’il ne restait plus qu’à s’occuper de l’intendance. Ce qu’il a complètement fait disparaître de l’agenda public c’est ce qui est en train de se produire au même moment en Cisjordanie. Les médias continuent à faire pleuvoir quotidiennement sur nous un déluge de commentaires sur le retrait, comme cette bulle de Nitzanim.
Mais pour l’instant le retrait de Gaza n’existe que sur le papier. Sur le terrain, aucun colon n’a encore reçu d’indemnisation. Même ceux qui sont d’accord pour accepter d’être indemnisés sont dans l’attente parce que s’ils ont une chance d’aller à Nitzanim, – la perle de l’immobilier israélien- pourquoi se presser ? En même temps, trois ou quatre mois avant la date prévue pour l’évacuation, on ne sait toujours pas où les évacués seront logés puisque les discussions concernant le lieu ou ils seront relogés en dernier ressort, ne sont pas venues à terme. Contrairement à l’impression qui prévaut, aucune infrastructure n’a été mise en place, même pour un hébergement provisoire.
« Le département des Colonies de l’Agence Juive, en charge de la fourniture de « caravillas » (caravanes supposées abriter temporairement les colons) n’a jusqu’à présent reçu aucun ordre de la part du gouvernement » (Petersburg, Yediot Ahronot 8 avril 05)
Si Sharon a l’intention d’évacuer les colonies de Gaza, il le fait avec une scandaleuse inefficacité. Il est nettement plus efficace en Cisjordanie.
Là-bas, les projets se mettent en place exactement comme prévu. Dès le départ, au cours du premier accord, il y a un an, entre Sharon et Netanyahu sur le plan de retrait, il a été entendu que le retrait ne serait pas entrepris avant l’achèvement du « mur de séparation » en Cisjordanie Ouest(1). Evidemment, la construction du mur est en passe de se terminer. En juillet, date annoncée pour le début de l’évacuation de Gaza, le mur qui entourera Jérusalem-Est en la coupant de la Cisjordanie sera en place ; les Palestiniens qui y vivent ne pourront sortir quavec des permis. Le centre vital de Cisjordanie sera devenu une prison isolée. De même, le mur nord, qui emprisonne déjà les habitants de TulKarem, Qalqilya et Mas’ha, et qui leur a volé leurs terres, continue de progresser vers le sud. Maintenant les bulldozers se dirigent vers les terres de Bil’in et de Safa, qui bordent la colonie de Modi’in Elit. Les fermiers qui sont en train de perdre leurs terres essaient de rester sur leur terrain, avec l’aide des opposants israéliens au mur. Mais qui entend parler de leur souffrance et de leur lutte, dans le tumulte qui se déchaîne sur le retrait ?
Le plan de retrait est né en février 2004, au plus haut de la vague internationale de critiques contre le projet du mur, à la veille des délibérations de la Cour Internationale de la Haye. Dans son jugement rendu en juillet, la Cour a constaté que le tracé du mur était une violation patente et grave de la loi internationale. De plus la Cour indiquait quil y avait un risque ultérieur de « changement de composition démographique à la suite du départ de la population palestinienne de certaines régions (para. 122) ». En d’autres termes, la Cour lançait un avertissement contre le processus de transfert.
Selon des données des Nations Unies, 237 000 Palestiniens seront coincés entre le mur et la ligne Verte et 160 000 autres resteront du côté palestinien, coupés de leurs terres. (Le tracé qui a été approuvé lors de la réunion du gouvernement en février 2005 ne réduit ce nombre que très légèrement(2). Que peuvent espérer ces gens, les fermiers qui perdent leurs terres, ces gens emprisonnés qui sont coupés de leur familles et de leur gagne-pain ? Dans ces villes fantômes que sont TulKarem et Qualiqilya, ainsi que les villages autour de Mas’ha, nombreux sont ceux qui sont déjà partis pour trouver de quoi subsister aux marges de la ville, dans le centre de la Cisjordanie. Combien de temps encore les autres vont-ils pouvoir tenir dans ces conditions de désespoir et de dépérissement, dans des villages devenus des prisons ?
Le « transfert » est associé dans la mémoire collective aux camions qui arrivent la nuit et emportent les Palestiniens de lautre côté de la frontière, comme cela s’est produit dans certains endroits en 1948. Mais derrière le rideau de fumée du désengagement, c’est le processus lent et dissimulé du transfert qui aujourd’hui se met en place en Cisjordanie. Il n’est pas facile de savoir quelle est la méthode la plus cruelle pour « transférer » les gens de leurs terres. Près de 400 000 personnes, presque la moitié du nombre de Palestiniens qui ont été obligés de quitter leurs terres en 1948, sont maintenant candidats à une «émigration volontaire» pour les camps de réfugiés de Cisjordanie. Et tout cela se passe en ce moment silencieusement, parce que, peut-être, Sharon va se retirer de Gaza.
(1) Voici par exemple des rapports datant davril lan dernier :
« Le premier ministre sest engagé à ce que le mur de séparation soit terminé avant le début de lévacuation
Les responsables de la Sécurité estiment que le mur sera terminé au plus tôt à la fin de 2005. En dautres termes : il est possible quIsraël ne soit pas en mesure de terminer lévacuation à la date quil a promise aux Etats-Unis » (Yost Yehyshua, Yediot Aharonot, 19 avril 2004).
« Nétanyahu a annoncé quil avait lintention de soutenir le désengagement quand les trois conditions quil avaient posées seraient réunies
(y compris)lachèvement du mur avant lévacuation » (Itamar Eichner et Nehama Duek, Yediot Aharonot, 19 avril 2004)
(2) Ces chiffres proviennent dun sondage dopinion de lICJ daté du 9 juillet et peuvent être consultés sur :
http://www.icj-cij.org/icjwww/idocket/imwp/imwpframe.htm.
Des chiffres identiques ont été donnés par les medias israéliens, par exemple Meron Rappaport, Yediot Aharonot, 23 mai 2003 ; Akiva Elda, Haaretz, 16 févrirer 2004.
Le nouveau tracé du mur tel quapprouvé par le cabinet israélien le 20 février 2005 réduit la taille du territoire Palestinien qui doit être annexé par le mur de 2,5%, principalement dans la région du sud dHébron, où le travail ne fait que commencer (si bien que le tracé du mur peut encore changer plusieurs fois à mesure que les travaux progressent).
Il y a eu de plus petits ajustements dans dautres régions, décidés par les décisions de la Cour Suprême israélienne, ce qui signifie que certains des villages encerclés pourront aller de nouveau sur leur terre. Mais cela naffecte pas le nombre total de Palestiniens quencercle le mur. A Khirbet Jbara, dans le gouvernorat de Tulkarem, le cabinet a approuvé le rapprochement de la Ligne Verte dune section de 6km du Mur. Ce qui réduira la population palestinienne totale complètement isolée de la Cisjordanie à environ 340 personnes (selon le rapport de lOCHA (Bureau des Nations Unies pour la Coordination de laide Humanitaire) de mars 2005 sur les premières analyses des effets du nouveau tracé du mur approuvé en 2005.
www.ochaopt.org.
Yediot Ahronot 13 avril 2005-04-14 traduit de lhébreu par Mark Marshall
Traduit de l’anglais par Carole Sandrel