L’armée israélienne vient de passer commande aux Etats-Unis, pour l’achat de 100 bombes guidées de type GBU-28, c’est-à-dire des engins conçus pour percer les bunkers souterrains, à commencer par les installations que pourrait posséder l’Iran, rapporte mercredi la presse israélienne et américaine.
L’information a été rendue publique par les services du parlement américain, puisqu’aussi bien, le ministère américain de la Défense est légalement tenu d’informer au préalable sénateurs et représentants en cas de contrats de ce type.
Tous les commentateurs, en Israël comme aux Etats-Unis, constatent que les bombes GBU-28 ne sont pas des engins de défense, mais d’attaque, et qu’en l’état, leur première utilisation serait une attaque aérienne contre l’Iran, accusé par les Etats-Unis et Israël, puissances nucléaires l’une et l’autre faut-il le rappeler, de vouloir se doter de l’arme atomique. Ce que les dirigeants iraniens, qui ont jusqu’à présent satisfait, et au-delà, aux demandes d’informations et d’inspections de l’autorité internationale spécialisée (l’AIEA, Agence Internationale pour l’Energie Atomique) démentent catégoriquement, affirmant que leur programme nucléaire n’a aucun volet militaire.
Après avoir poussé à l’invasion anglo-américaine de l’Irak, le lobby israélo-américain qui dirige la politique étrangère américaine pousse désormais à une attaque de l’Iran, dont les tenants et aboutissants sont difficiles à cerner.
Le numéro 2 américain, le vice-président Dick Cheney, a déclaré publiquement au début de l’année « qu’Israël pourrait bien tenter prochainement de s’attaquer aux installations nucléaires iraniennes, et laisser au reste du monde la tâche de s’occuper des conséquences diplomatiques d’une telle action », tandis que les dirigeants israéliens alternent déclarations bellicistes et propos plus « diplomatiques ».
En Israël même, la situation dite « intérieure » est actuellement accaparée par la question du « désengagement » de Gaza, dont l’échéance théorique, l’été, se rapproche, tout en s’éloignant. Là aussi, le gouvernement Sharon-Peres manie le chaud et le froid : la date du 20 juillet fixée pour les premiers déménagements vient ainsi d’être repoussée de trois semaines, au 15 août minimum, sous prétexte de respect du calendrier religieux et de ses prescriptions (« Dieu ne veut pas qu’on déménage pendant la période de jeûne commençant cette année … le 20 juillet » ont édicté les rabbins-colons !). Sachant que rien ne se fera de toutes façons avant le 15 août, les colons ont désormais en ligne de mire la date du 4 octobre, le nouvel an Juif, à partir duquel le gouvernement israélien a déjà claironné que toutes les opérations d’évacuation seraient de toutes façons interrompues pour une durée d’un mois.
C’est la raison pour laquelle, sans bien entendu avoir de certitudes sur les intentions de leurs cercles dirigeants (à supposer qu’Ariel Sharon fasse plus que piloter à vue), les camarades israéliens avec lesquels nous sommes en contact manifestent un scepticisme croissant sur la volonté israélienne de procéder effectivement à l’opération « désengagement » (laquelle continuerait de faire de Gaza la plus grande prison du monde, comme le martèlent ces jours-ci, avec leurs faibles moyens de communication, les organisations pacifistes israéliennes B’Tselem et Hamoked). Dans ce contexte, l’hypothèse d’une attaque de l’Iran par l’aviation israélienne, qui aurait l’avantage pour Sharon (avec ou sans son camarade Peres, peu importe) de remiser le dossier des colons de Gaza, est de plus en plus souvent évoqué. Tout comme est évoquée l’hypothèse selon laquelle, dans cette affaire, ce sont des dirigeants américains qui veulent une frappe sur l’Iran, et qui font pression sur Sharon pour que celui-ci réalise la première frappe à leur place.
L’avenir du contrat des 100 bombes GBU-28, et leur éventuel calendrier de livraison, sera de ce point de vue un marqueur significatif de la politique des dirigeants américains vis-à-vis de leur partenaire israélien. Le Parlement américain a légalement trente jours, soit jusqu’au 26 mai, pour se prononcer sur le contrat.