Rien ne pourra gâcher la lune de miel entre Chirac et Sharon. Ce dernier est tellement sûr de son impunité qu’il
vient de reprendre publiquement les propos annexionnistes de ses colons dans une interview accordée au Figaro, à la veille de sa venue en France Chirac lui a renvoyé la politesse en vantant abondamment ses mérites dans un article publié par le quotidien israélien Haaretz.
Quels objectifs poursuit notre gouvernement ? Pourquoi encourager un homme qui ne cache même pas ses intentions de
continuer à voler la terre des Palestiniens et de recourir à des méthodes de plus en plus brutales s’ils ont le
culot de protester ?
Dans une interview publiée vendredi par le Figaro, Ariel Sharon ne mâche pas ses mots. Il souligne qu’il a obtenu
de Bush et du congrès américain « que les grands blocs de population juive puissent rester en place ».
« Les Etats-Unis, affirme-t-il, sont d’accord pour dire qu’Israël ne pourra pas revenir aux frontières de 1949 ou
de 1967. Les grands blocs d’implantations feront partie d’Israël, avec une contiguïté au territoire d’Israël. C’est l’un des plus importants succès de mes négociations avec le président Bush. »
Interrogé sur Hébron, il déclare : C’est une des villes saintes du judaïsme. Je ne vais pas citer des noms de
villes maintenant, pour ne pas donner des idées à certains, ce n’est pas le moment. Mais quel autre peuple dispose
d’un lieu où sont enterrés ses ancêtres, comme le caveau des patriarches, où sont enterrés Abraham, Sarah, Jacob,
Isaac, Rébecca et Léa ? »
Et d’ajouter pour donner raison aux colons israéliens les plus fanatiques : « La Bible est plus forte que toutes
les cartes politiques ».
Le même provocateur se félicite dans cet entretien au quotidien français de « tous les liens bilatéraux qui sont en train de se développer entre nos deux pays. Nous avons toute intention de les approfondir et de les développer. Les échanges commerciaux s’élèvent à 2 milliards de dollars. Les relations concernant la défense et la sécurité sont bonnes et ont surmonté les épreuves. Je suis très satisfait de notre très vaste coopération culturelle et de notre dialogue politique global. La France est un pays important qui joue un rôle dirigeant dans un certain nombre de dossiers stratégiques au Proche-Orient, comme la situation au Liban ou le dossier nucléaire iranien. »
Sans compter les bons points décernés à Chirac pour sa « lutte contre l’antisémitisme » et l’aveu fait par Sharon que par antisémitisme, il entend toute remise en cause de la politique israélienne. « L’antisémitisme, au-delà de sa forme traditionnelle, revêt aujourd’hui un habit différent. Il devient un anti-israélisme très dur ».
Quant à ses déclaractions racistes anti-musulmans, il persiste et signe : « on ne peut évidemment pas ignorer le
fait qu’il y a de l’antisémitisme en France. On ne peut pas non plus ignorer le fait que 10% de la population
française est d’origine musulmane. »
Le même jour, Chirac lui renvoie l’ascenseur et accomplit l’exploit de donner une interview à un journal d’opposition israélien sans évoquer une seule fois l’occupation, le Mur, l’annexion des terres palestiniennes par Israël.
Non, tout va bien : « La réalité est bien celle d’un dialogue politique intense, confiant et amical ». « Les progrès permanents et constants de nos relations non seulement politiques, mais également culturelles et économiques, témoignent d’une bonne ambiance. » « Je n’ai pas à porter de jugement sur le Premier ministre », répond-il à Haaretz.
« Ariel Sharon a eu beaucoup de détermination dans les décisions qu’il a prises au sujet de Gaza. La France ne peut
que l’encourager dans cette voie qui est une voie de dialogue » (bonjour le dialogue !)
Concernant le terrorisme, le président français rappelle qu’il est à ses yeux » toujours inacceptable ». « Il faut,
ajoute-t-il, également s’attaquer à tout ce qui alimente la haine et les frustrations : les conflits non résolus,
l’intolérance religieuse, le rejet de l’autre, l’enfermement dans la pauvreté ou la précarité « . (Que c’est joliment dit. La colonisation ? l’occupation ? le vol de la terre, de l’eau ? le terrorisme d’Etat israélien ? La répression brutale des manifestations pacifiques ? Pas un mot).
Mais qu’a obtenu la France de la part des dirigeants israéliens depuis des années, avec un tel renoncement à
défendre le droit et la justice ?
Les représentants du Quai d’Osay que nous avons interrogé sur ce sujet le 9 juillet dernier, ont été incapables de nous le dire.