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LA JOURNALISTE ISRAELIENNE AMIRA HASS DENONCE LA LACHETE DE CHIRAC ET DE LA PRESSE FRANCAISE

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La journaliste Amira Hass, seule correspondante permanente de la presse israélienne dans les territoires palestiniens occupés, dénonce, avec indignation mais également avec une pointe d’étonnement, la lâcheté stupéfiante du gouvernement français et plus encore des principaux journaux de l’hexagone, qui ont fait exactement là où on leur disait de faire, en tartinant à longueur de colonnes sur le « courageux désengagement de Gaza », alors que le dépeçage de la Cisjordanie s’accélère. A lire, ci-dessous, l’article d’Amira Hass publié mercredi par le Haaretz (traduction rédaction europalestine.com)


CE NE SONT PAS LES OIGNONS DE CHIRAC
Par Amira Hass

On avait demandé à une journaliste européenne de raconter la construction du Mur autour du village palestinien d’Anata, en passe de transformer celui-ci en ghetto enclavé dans Jérusalem. Désolée, répondit cette journaliste, la rédaction en chef veut seulement des articles sur le « désengagement ». Ca au moins, c’est une bonne histoire à fournir au lecteur : des infos palpitantes, de l’action, des Juifs insultant d’autres Juifs, voire des Juifs se bagarrant entre eux, etc. « On en a marre des descriptions répétitives sur les conséquences du Mur », ajouta-t-elle.

Parallèlement, on a eu droit la semaine dernière à l’accueil chaleureux réservé par les autorités françaises à Ariel Sharon. Mais franchement, est-ce que Jacques Chirac doit se préoccuper du fait que la semaine dernière encore, les autorités israéliennes ont fait détruire trois habitations de plus du village d’Al Khader ? Et est-ce sa faute à lui, si à peu de distance de ce village, la colonie illégale d’Efrat continue de s’étendre à ses dépens ?

Que lui importe si Israël construit en ce moment même de nouveaux barrages et carrefours à l’est de la ligne verte, volant au passage de nombreux kilomètres carrés de la Cisjordanie et les terrains de centaines de familles palestiniennes, avec l’objectif avoué d’en faire officiellement des « postes-frontières internationaux » ? Et pourquoi Chirac, tout comme les autres dirigeants européens, serait-il choqué que les principales routes traversant la Cisjordanie soient virtuellement interdites à toute circulation de véhicules palestiniens, comme si la déportation était déjà un fait accompli ? Les Israéliens ne sont pas choqués par cette réalité, alors pourquoi le serait-il ?

Qui trouvera les mots pour expliquer au lecteur de journaux européens que toutes les deux ou trois semaines, les soldats de l’armée israélienne bloquent totalement la circulation (des Palestiniens) entre le nord et le sud de la Cisjordanie ? Au check-point de Za’atara, situé à la bordure sud de Naplouse, des centaines de résidents se retrouvent bloqués chaque fois que l’armée décrète une « alerte de sécurité ». Dans le vocabulaire créatif de l’armée, de telles opérations de bouclage s’appellent « séparations ». Donc, on sépare la Judée de la Samarie. Parfois c’est pour quatre jours, d’autres fois c’est pour dix jours. Les Palestiniens les plus résolus à effectuer malgré tout leur déplacement empruntent des chemins de traverse, et progressent pendant de longues heures à travers collines, terrains escarpés et oliveraies ? Mais la plupart des victimes du bouclage renoncent purement et simplement au déplacement prévu.

Pourquoi donc Chirac, ou Le Monde, ou Le Figaro, se préoccuperaient-ils du sort des bergers des collines situées au sud de Hébron, chassés à coups de pieds de leurs terres de pâturage lundi dernier par les soldats, à proximité immédiate d’une autre colonie « sauvage » ?

Pourquoi Chirac et les autres dirigeants européens s’occuperaient-ils des mille et un tracas qui accompagnent l’expropriation planifiée des Palestiniens, et qui commandent à la vie quotidienne de ce peuple ? Misères qui participent pourtant d’une politique claire : la détermination de Sharon à réaliser son grand oeuvre, l’intégration de l’essentiel de la Cisjordanie à l’Etat d’Israël.

La Vallée du Jourdain, les blocs de colonies qui continuent de fusionner les uns avec les autres, les impressionnantes voies routières réservées aux seuls Juifs, la zone démilitarisée (celle de l’armistice de 1949) annexée depuis longtemps à Israël, la zone annexée à Jérusalem en 1967, les annexions de facto réalisées avec la construction du Mur, concernent déjà la majeure partie de la Cisjordanie. lIl n’y aura plus qu’à appeler « Etat » les poches densément peuplées où resteront les Palestiniens, et le monde applaudira.

Les raisons ne manquent pas pour se désintéresser de ce drame : celui-ci ne concerne après tout « que » 3,5 millions de personnes, il n’y a pas de pétrole en jeu, aucun soutien international, et la descendance des Palestiniens en Diaspora comme en Israël ne forme pas un lobby. Ailleurs dans le monde, il y a des conflits où des dizaines de millions de gens souffrent plus cruellement encore d’injustices, et personne ne pipe mot. Et puis, le colonialisme israélien n’arrive pas à la cheville de la brutalité dont les Européens ont été capables.

Pourtant, l’Europe s’intéresse quand même au dossier. Les milliards d’euros qu’elle apporte à la région montrent qu’elle sait bien que la « petite » expropriation en cours est perpétrée dans une région hautement sensible. Peut-être les dirigeants européens espèrent-ils que la manne versée à l’Autorité Palestinienne – en fait, à Israël, qui évite ainsi d’avoir à satisfaire à ses obligations de puissance occupante – compensera leur impuissance politique. Après tout, ce sont bien eux qui ont été incapables de faire respecter les résolutions internationales constatant l’illégalité de la colonisation.

L’Europe et ses médias – obnubilés par le message de paix d’Oslo alors même qu’Israël accélérait la colonisation – ont le devoir de ne plus feindre d’ignorer la réalité décrite par leurs envoyés diplomatiques dans la région. Israël est perçu comme partie constitutive de l’Occident, c’est-à-dire d’un monde éclairé, censé avoir tiré les leçons de son propre passé colonialiste et nazi, et déterminé à combattre le racisme.

Deux lois récemment votées par la Knesset, l’une interdisant le regroupement familial, l’autre privant les Palestiniens de tout recours judiciaire contre des exactions de l’armée, contredisent de manière flagrante les principes affichés par l’Europe de « lutte contre le racisme et les discriminations ». Mais Israël continue d’être partie prenante aux compétitions sportives européennes, et entretient avec l’Europe une multitude de relations économiques, scientifiques et culturelles, comme si notre pays satifaisait aux critères européens en matière de droits de l’homme.

Sachant qu’il n’est pas possible de séparer, historiquement, la création de l’Etat d’Israël du génocide des Juifs européens, l’Europe a des responsabilités historiques et morales vis-à-vis des deux peuples vivant sur cette terre, le peuple palestinien occupé, et le peuple Israélien juif occupant.

Cela devrait suffire pour obliger l’Europe à ne pas prêter à la main à Israël pour la réalisation de son plan d’annexion, que ce plan soit dangereux ou pas pour la sécurité de la région et du monde.

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