À l’abri des regards :
les violations des droits humains
commises par les Forces de défense d’Israël (FDI)
à Jénine et à Naplouse
Conclusion
(le rapport, dans son intégralité, peut être consulté sur le site francophone d’Amnesty International, http://www.efai.org)
Ce chapitre résume les conclusions d’Amnesty International relatives aux répercussions des opérations menées par les FDI, et plus particulièrement de l’opération Mur de protection, sur les droits fondamentaux de la population palestinienne ; il rappelle, pour chaque cas, les obligations d’Israël découlant du droit international relatif aux droits humains et du droit humanitaire.
L’État d’Israël a non seulement le droit mais le devoir de protéger la vie de ses citoyens et des personnes placées sous sa protection, mais les mesures prises à cet effet doivent être conformes aux normes internationales relatives aux droits humains et au droit humanitaire. Les exactions commises par des groupes armés ne peuvent en aucun cas justifier les violations des droits fondamentaux par les gouvernements. Les informations contenues dans le présent rapport laissent à penser que les membres des FDI ont commis des violations du droit international dans le cadre des opérations militaires menées à Jénine et à Naplouse, et notamment des crimes de guerre, pour lesquels ils doivent rendre des comptes.
Les homicides illégaux
Amnesty International a recensé, tant à Jénine qu’à Naplouse, des cas dans lesquels des personnes ont été tuées ou blessées dans des circonstances donnant à penser qu’elles ont été prises pour cible illégalement et délibérément ou qu’elles ont perdu la vie à la suite d’une utilisation abusive de la force ou d’une négligence grave dans la protection des personnes ne participant pas – ou plus – aux combats.
Dans plusieurs cas, les FDI ont causé la mort de Palestiniens en démolissant des maisons alors que les habitants étaient à l’intérieur. Souvent, les soldats n’ont pas donné d’avertissements suffisants avant de démolir les maisons ; ils ont empêché les voisins et les proches des habitants de les prévenir ; ils n’ont fourni aucune aide ; ils n’ont pas appelé les unités de secours ni les ambulances et ils ont parfois tiré sur des personnes qui tentaient d’aider les victimes. L’absence d’enquête idoine sur les homicides commis dans des circonstances non élucidées et sur ceux qui sont manifestement illégaux a créé un climat dans lequel les membres des FDI pensent qu’ils peuvent commettre des violations du droit à la vie en toute impunité.
Les homicides illégaux constituent une violation du “ droit à la vie ” énoncé à l’article 6 du PIDCP. Amnesty International considère que certaines des atteintes au droit à la vie constituent des “ homicides intentionnels ” et “ le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé ” au sens de l’article 147 de la Quatrième Convention de Genève traitant des infractions graves à la Convention. Les “ infractions graves ” à la Convention de Genève sont des crimes de guerre.
Les entraves apportées à l’aide médicale et humanitaire
Tant à Jénine qu’à Naplouse, les FDI ont empêché le personnel des organisations médicales et humanitaires de pénétrer dans les zones affectées, notamment dans le camp de réfugiés de Jénine et dans la vieille ville de Naplouse, même après que l’on eut signalé la fin des combats. Le personnel médical s’est vu refuser l’accès au camp de réfugiés de Jénine pendant près de onze jours, du 4 au 15 avril 2002. Entre le 9 et le 14 avril, on a compté jusqu’à cinq ambulances et médecins du CICR ainsi que six ambulances du Croissant rouge palestinien qui attendaient l’autorisation de pénétrer dans le camp. À Naplouse, aucune ambulance n’a été autorisée à circuler entre le 3 et le 8 avril et les activités des services médicaux ont été strictement limitées jusqu’au 19 avril. Des Palestiniens sont morts faute de soins médicaux ; les corps en décomposition des victimes sont restés plusieurs jours à l’endroit où ils elles avaient été tuées.
Le 12 avril 2002, l’organisation israélienne HaMoked (Centre pour la défense de l’individu) a adressé une requête à la Haute Cour de justice en vue de savoir pourquoi le ministre de la Défense n’avait pas envoyé l’unité spéciale de secours “ pour rechercher et localiser toutes les personnes ensevelies vivantes sous les ruines dans le camp de réfugiés de Jénine et leur venir en aide ”. Dans son arrêt, la Cour a conclu que “ la loi et la moralité justifiaient toutes deux l’entrée de l’unité de secours ”. La requête a toutefois été rejetée par la cour après que le conseiller du ministère de la Défense eut déclaré que “ l’unité allait tenter de localiser des personnes ”. Amnesty International n’a reçu aucune information selon laquelle l’unité de secours des FDI aurait pénétré dans le camp de réfugiés de Jénine après l’arrêt rendu le 14 avril.
Aux termes de la Quatrième Convention de Genève, les États sont tenus de respecter et de protéger les blessés (art. 16), de permettre l’évacuation des blessés et des malades des zones assiégées ainsi que le passage du personnel médical à destination de ces zones (art. 17) et d’assurer l’approvisionnement des zones assiégées en vivres et en produits médicaux (art. 55). L’obstruction apportée aux mouvements du personnel médical et sa prise pour cible sont contraires à l’interdiction de “ causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé ” énoncée à l’article 147 de la convention. Elles constituent donc des infractions graves à la Convention et, par conséquent, des crimes de guerre.
La destruction des habitations et des biens
Selon l’UNRWA, 2 629 habitations palestiniennes abritant 13 145 réfugiés ont subi des dommages importants entre le 29 mars et le 23 avril 2002. Ces chiffres ne comprennent pas les très nombreuses maisons démolies ou endommagées pendant cette période et appartenant à des Palestiniens non enregistrés comme réfugiés auprès de l’UNRWA, ni les maisons démolies par la suite. Les délégués d’Amnesty International, parmi lesquels figurait un conseiller militaire, ont été témoins des effets de la démolition d’habitations palestiniennes, notamment à Jénine, dans la grande majorité des cas sans nécessité militaire manifeste.
Les soldats des FDI ont pénétré dans Jénine et dans Naplouse en empruntant des ruelles étroites avec des chars et des bulldozers qui ont arraché la façade des maisons ; cela s’est même produit le long de rues plus larges. Cent soixante-neuf immeubles regroupant 374 appartements ont été détruits au moyen de bulldozers à Hawashin et dans les quartiers environnants du camp de Jénine ; la plupart des démolitions ont eu lieu après la fin des combats. Les délégués d’Amnesty International qui ont visité le site dévasté le 17 avril, lorsque les FDI ont enfin levé le blocus de la ville, sont parvenus à la conclusion que ces destructions n’étaient aucunement justifiées par des nécessités militaires absolues.
Tant à Jénine qu’à Naplouse, les FDI ont parfois détruit des maisons au moyen de bulldozers alors que les habitants se trouvaient à l’intérieur. Les soldats n’ont pas donné d’avertissements suffisants, voire n’ont pas prévenu les habitants, avant de démolir les maisons, ils n’ont pris aucune mesure pour sauver les personnes ensevelies sous les décombres et ont même empêché d’autres habitants de les rechercher. Amnesty International a recueilli des informations sur trois cas de démolition ayant entraîné la mort de 10 personnes âgées de quatre à quatre-vingt-cinq ans. Selon les listes dressées par les hôpitaux à Jénine, six autres personnes sont mortes après avoir été écrasées sous des gravats.
Au cours des opérations militaires, des entreprises ainsi que des édifices religieux, culturels et des bâtiments administratifs ont été détruits sans nécessité militaire absolue. Naplouse a particulièrement souffert de ce type de destructions qui ont touché non seulement des immeubles à usage commercial mais également des édifices religieux et culturels construits il y a plusieurs siècles.
Amnesty International a également recensé des cas de destructions volontaires, voire de pillages, de biens privés à l’intérieur d’appartements ou de maisons occupés par les FDI. En septembre, le gouvernement israélien a annoncé que des poursuites avaient été engagées à l’encontre de 18 soldats coupables d’actes de pillage. Le nombre de cas de vandalisme et de pillage imputables à des unités des FDI dans plusieurs villes donne à penser que certains de ces actes, qui constituent une violation du droit international humanitaire, ont pu être autorisés ou tolérés par les autorités israéliennes ou par les commandants des FDI.
L’article 33 de la Quatrième Convention de Genève prohibe les châtiments collectifs, comme la démolition de maisons : “ Aucune personne protégée ne peut être punie pour une infraction qu’elle n’a pas commise personnellement.
Les peines collectives, de même que toute mesure d’intimidation ou de terrorisme, sont interdites. ” Cet article prohibe également le pillage et les mesures de représailles à l’égard des personnes protégées et de leurs biens. L’article 53 de la Quatrième Convention de Genève dispose : “ Il est interdit à la Puissance occupante de détruire des biens mobiliers ou immobiliers, appartenant individuellement ou collectivement à des personnes privées, à l’État ou à des collectivités publiques, à des organisations sociales ou coopératives, sauf dans les cas où ces destructions seraient rendues absolument nécessaires par les opérations militaires. ” En novembre 2001, dans ses observations formulées à l’issue de l’examen du rapport présenté par Israël, le Comité contre la torture a déclaré que la politique israélienne de bouclage et les démolitions de maisons palestiniennes “ pouvaient, dans certains cas, constituer une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant ” et une violation de l’article 16 de la Convention des Nations unies contre la torture.
L’article 147 de la Quatrième Convention de Genève énumère parmi les infractions graves à la convention “ la destruction et l’appropriation de biens non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire ”. Ces actes constituent, par conséquent, un crime de guerre.
Les coupures d’eau et d’électricité
L’électricité a été coupée dans la ville de Jénine le 3 avril et elle n’a été rétablie partiellement que le 25 avril dans la partie basse du camp. La municipalité de Jénine a affirmé que les transformateurs principaux avaient été pris pour cible et que les équipes de réparateurs avaient essuyé des tirs. La fourniture d’eau a également été suspendue et, en outre, bon nombre des réservoirs situés sur le toit des maisons ont été endommagés par les tirs des FDI. La période pendant laquelle les habitants du camp et ceux de la partie haute de la ville ont été privés d’eau a pu durer jusqu’à trois semaines. Selon les rapports de l’UNRWA, la fourniture d’eau au camp n’a été rétablie que le 28 avril. Naplouse a également été privée d’eau et d’électricité à partir du 3 avril.
Les coupures d’eau et d’électricité constituent une sanction collective prohibée
par l’article 33 de la Quatrième Convention de Genève.
Les actes de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants sur la personne de détenus
Dans les villes et les camps de réfugiés occupés par l’armée israélienne, les FDI ont maltraité, et dans certains cas torturé, les Palestiniens arrêtés lors de rafles massives d’hommes de quinze à cinquante-cinq ans. Les délégués d’Amnesty International se sont entretenus avec de nombreux Palestiniens originaires de Jénine qui avaient été relâchés et qui, dans l’incapacité de rentrer chez eux, se trouvaient encore à Rumaneh, un village proche de Jénine. Ils ont également rencontré des anciens détenus palestiniens arrêtés à Jénine et à Naplouse au cours de l’opération Mur de protection et qui ont décrit les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants auxquels ils avaient été régulièrement soumis. La plupart des prisonniers avaient été humiliés et beaucoup avaient été insultés. Un grand nombre d’entre eux ont décrit un traitement s’apparentant à des actes de torture, dans la plupart des cas sous la forme de coups de crosse de fusil assenés au hasard.
L’article 7 du PIDCP, auquel il ne peut en aucun cas être dérogé, prohibe le recours à la torture et aux peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Israël a également ratifié la Convention contre la torture qui dispose : “ Aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de l’état de guerre ou de menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout autre état d’exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture ” (art. 2-b).
Cette convention prévoit également l’ouverture d’enquêtes sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements (art. 12).
L’article 147 de la Quatrième Convention de Genève dispose que “ la torture ou les traitements inhumains […] la détention illégale d’une personne protégée [et le fait] de la priver de son droit d’être jugée régulièrement et impartialement selon les prescriptions de la présente Convention ” constituent des infractions graves à la convention et, par conséquent, des crimes de guerre.
L’utilisation de Palestiniens pour des opérations militaires ou comme boucliers humains
Tant à Jénine qu’à Naplouse, de nombreux témoignages indiquent que les FDI ont systématiquement contraint des Palestiniens à participer aux opérations militaires ou à servir de boucliers humains. Des hommes aussi bien que des femmes ont été utilisés à cette fin.
L’utilisation de Palestiniens comme boucliers humains ou pour mener des opérations militaires a fait l’objet d’une requête introduite devant la Haute Cour de justice israélienne en mai 2002. Celle-ci émanait de sept organisations de défense des droits humains qui voulaient empêcher les FDI d’utiliser des civils palestiniens comme boucliers humains. Les autorités ont répondu que l’armée avait interdit à l’ensemble de ses membres d’utiliser des boucliers humains – elles n’ont toutefois pas reconnu ni démenti l’existence de cette pratique désignée par les FDI sous le nom de “ méthode du voisin ” – et qu’une enquête interne allait être effectuée sur les questions abordées dans la requête. Au vu de cette réponse, la Haute Cour a décidé de ne pas émettre d’injonction. Elle a toutefois demandé aux autorités de lui soumettre le texte des ordres donnés , ce qu’elles n’avaient toujours pas fait au moment de la rédaction du présent rapport. L’utilisation de Palestiniens comme boucliers humains pendant les opérations militaires n’a pas cessé. En août 2002, un Palestinien utilisé comme bouclier humain par les FDI ayant été tué dans un échange de tirs, la Haute Cour de justice a émis une injonction en référé interdisant le recours à cette méthode, qui n’a toutefois pas cessé .
L’article 51 de la Quatrième Convention de Genève interdit à la Puissance occupante d’obliger des personnes protégées à prendre part à des opérations militaires. L’article 28 prohibe l’utilisation de personnes protégées comme boucliers humains. L’article 147 classe parmi les “ infractions graves […] le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé ”. Cette pratique constitue donc également un crime de guerre.
Le monde tenu à l’écart :
les efforts de la communauté internationale mis en échec
L’État d’Israël est tenu de respecter les dispositions de la Quatrième Convention de Genève. En outre, aux termes de l’article 1 de cette convention, tous les États qui sont des Hautes Parties Contractantes aux Conventions de Genève sont tenus de “ respecter et de faire respecter ” la convention.
La communauté internationale, les gouvernements, les organisations et les particuliers s’intéressent de près à la situation dans les territoires palestiniens occupés. Le lien entre la poursuite du conflit et la détérioration de la situation des droits humains a progressivement fait prendre conscience que la paix et la sécurité ne pourront être instaurées dans la région que si les droits humains sont respectés. Si les changements souhaités ne sont pas survenus, ce n’est pas en raison d’un manque de sensibilisation ni d’une absence de volonté de la plupart des membres de la communauté internationale. Des déclarations ont été faites et des résolutions ont été adoptées par les Nations unies, par l’Union européenne et la Ligue des États arabes, entre autres organisations intergouvernementales. Des délégations ont été envoyées dans la région et des plans de paix présentés. Toutes les tentatives en vue de mettre un terme aux violations des droits humains et d’installer un système de protection internationale en Israël et dans les Territoires occupés, notamment au moyen d’observateurs dotés d’un mandat clair dans le domaine des droits humains, ont été réduites à néant par le refus du gouvernement israélien. Ce refus a souvent bénéficié du soutien des États-Unis qui, en qualité de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, sont en mesure de démontrer leur soutien à Israël en opposant leur veto aux résolutions du Conseil de sécurité.
En avril 2002, alors que l’opération Mur de protection se poursuivait, la communauté internationale s’est rapidement préoccupée de ce qui se passait dans les zones que les FDI avaient coupées du monde extérieur, comme Jénine et Naplouse. La communauté internationale a exercé des pressions sans précédent sur le gouvernement israélien ; des débats débouchant sur des résolutions et sur des mesures se sont déroulés dans les parlements nationaux du monde entier, au Parlement européen et à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, ainsi que dans les organismes des Nations unies, notamment le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale et la Commission des droits de l’homme. De très nombreuses initiatives diplomatiques ont été prises ; des visites de délégations gouvernementales et parlementaires en Israël ont également eu lieu.
Toutefois, la volonté de la communauté internationale d’agir, sous les auspices des Nations unies, en vue de garantir la protection des droits humains, y compris des droits des civils israéliens pris pour cible par les groupes armés palestiniens, s’est constamment heurtée au refus du gouvernement israélien.
devant le Conseil de sécurité des Nations unies, le 4 avril 2002.
Deux jours seulement après l’entrée des FDI à Jénine et à Naplouse,
la Commission des droits de l’homme des Nations unies, qui s’est réunie le 5 avril à Genève, a demandé à la haut-commissaire aux droits de l’homme de présider une délégation qui devait se rendre immédiatement sur les lieux et soumettre sans délai ses conclusions et recommandations à la session en cours de la commission. La mission a été constituée le 8 avril, mais le ministère israélien des Affaires étrangères lui a fait savoir, le 19 avril, que le gouvernement israélien ne faciliterait pas sa visite. Sur la demande de la Commission des droits de l’homme, la haut-commissaire aux droits de l’homme a publié, le 24 avril, un rapport dans lequel elle réclamait un respect scrupuleux de la Quatrième Convention de Genève et appelait les deux camps à mettre un terme à la violence. Elle demandait également que toutes les parties au conflit soient tenues de rendre des comptes : “ Le fait de ne pas enquêter sur de multiples allégations de violations graves des droits de l’homme et de ne pas chercher à établir les responsabilités risque de porter atteinte à l’intégrité du système international des droits de l’homme . ”
Le haut représentant de l’Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune, Javier Solana, s’est rendu en Israël le 4 avril en compagnie de Josep Piqué, ministre des Affaires étrangères de l’Espagne, pays qui présidait alors l’Union européenne. Ils n’ont pas été autorisés à rencontrer le président Arafat. Le 10 avril, le Parlement européen a réclamé la suspension immédiate de l’accord d’association entre Israël et l’Union européenne. La situation des droits humains dans les Territoires occupés a été abordée en priorité lors du sommet ministériel euro-méditerranéen qui s’est tenu du 22 au 24 avril à Valence. Javier Solana, qui s’est de nouveau rendu en Israël et dans les Territoires occupés le 25 avril, s’est entretenu avec le Premier ministre Ariel Sharon et, après quelques difficultés, a été autorisé à rencontrer le président Yasser Arafat qui était alors encerclé dans ses bureaux de Ramallah.
Dans les résolutions 1397 et 1402, adoptées en mars, et dans la résolution 1403, adoptée en avril, le Conseil de sécurité des Nations unies a exprimé sa préoccupation face à la détérioration de la situation et a réclamé un cessez-le-feu véritable. Le 10 avril, le Quartet, regroupant des représentants des États-Unis, des Nations unies, de l’Union européenne et de la Russie, a publié une déclaration dans laquelle il exhortait Israël à mettre en œuvre les résolutions 1402 et 1403.
Le secrétaire d’État américain Colin Powell a passé six jours en Israël, du 11 au 17 avril, pour tenter une médiation entre les parties.
Face à l’inquiétude croissante suscitée par la situation à Jénine et par le spectacle affligeant des habitations en ruines qui a saisi les premiers observateurs de la communauté internationale ayant pu pénétrer dans le camp de réfugiés après le 15 avril, les Nations unies ont répondu à la demande d’une enquête internationale émanant de nombreux groupes, et entre autres d’Amnesty International. Un accord a été conclu entre le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, et le ministre israélien des Affaires étrangères, Shimon Peres, en vue d’envoyer une mission d’établissement des faits chargée de “ réunir des informations exactes ” sur les événements de Jénine. Cet accord a été entériné par l’adoption à l’unanimité, le 19 avril, de la résolution 1405 (2002) par le Conseil de sécurité.
La résolution soulignait également que toutes les parties devaient assurer la sécurité des civils et respecter les normes universellement acceptées du droit international humanitaire. La mission d’établissement des faits, formée de trois éminents experts indépendants (Martti Ahtisaari, ancien Premier ministre finlandais, Sadako Ogata, ancienne haut-commissaire aux réfugiés des Nations unies, et Cornelio Sommaruga, ancien président du CICR), comprenait également des conseillers spécialistes des questions militaires, de police, juridiques et médicales, et particulièrement en médecine légale. Après avoir, dans un premier temps, accepté l’envoi de cette mission, le gouvernement israélien a soulevé un certain nombre d’objections quant à sa composition et à son mandat. Il a ensuite retiré sa collaboration et a empêché la mission d’entrer en Israël ; celle-ci a été dissoute le 3 mai par le secrétaire général des Nations unies.
Le 7 mai 2002, l’Assemblée générale des Nations unies a prié le secrétaire général “ de présenter, à l’aide des ressources et des informations disponibles, un rapport sur les événements récents qui se sont produits à Djénine et dans d’autres villes palestiniennes ”. Le rapport, rédigé en l’absence de visite à Jénine ou dans d’autres villes palestiniennes, se fondait uniquement sur des communications des États membres, des missions d’observation et des organisations non gouvernementales ainsi que sur des documents déjà rendus publics. Israël n’a pas répondu à une demande d’informations adressée par le sous-secrétaire général des Nations unies aux affaires politiques. Le rapport, rendu public en juillet 2002, réaffirme les obligations d’Israël découlant des Conventions de Genève, ainsi que l’obligation de l’Autorité palestinienne aux termes du droit international coutumier, en ce qui concerne le respect des droits humains. Sur les faits, beaucoup de ses conclusions correspondent à celles d’Amnesty International et d’autres organisations de défense des droits humains. Le rapport évoque l’instauration par Israël du couvre-feu permanent, “ les restrictions et, dans certains cas, l’interdiction absolue des déplacements du personnel international, notamment, à certaines périodes, du personnel des organisations humanitaires et médicales ”. Il souligne les “ conditions de vie extrêmement pénibles ” de la population civile (paragr. 24). Le rapport mentionne de nombreux témoignages faisant état de l’utilisation par les FDI de Palestiniens pour fouiller des maisons, de la détention de Palestiniens et des mauvais traitements qui leur ont été infligés ainsi que du vandalisme des FDI et des “ destructions massives de biens palestiniens et privés ”. Il cite également des accusations selon lesquelles les groupes armés palestiniens ont enfreint le droit international humanitaire en s’installant dans une zone très peuplée et en utilisant des enfants pour transporter, et peut-être disposer, des engins piégés.
Le rapport du secrétaire général sur les événements qui se sont déroulés à Jénine et dans d’autres villes palestiniennes ne peut remplacer une enquête exhaustive, indépendante et impartiale. Amnesty International est consciente qu’une telle enquête doit impérativement être menée sur les événements liés à l’opération Mur de protection. Une commission d’enquête internationale pouvant recueillir les témoignages d’individus et avoir accès aux documents des deux parties pourrait mener une enquête exhaustive sur chaque cas d’homicide en ayant recours à des moyens d’expertise médico-légale, juridique et militaire afin d’établir si les homicides ont été légaux ou illégaux. Elle pourrait enquêter sur les circonstances des démolitions et des dommages subis par chaque habitation palestinienne et chaque immeuble afin de déterminer “ la nécessité militaire absolue ” des démolitions. La commission pourrait également enquêter sur le traitement infligé aux détenus palestiniens après leur arrestation ainsi que sur l’ampleur de l’utilisation de boucliers humains et sur les faits relatifs à la privation d’assistance médicale et humanitaire. Elle pourrait enfin examiner de manière exhaustive les atteintes présumées au droit international humanitaire imputables aux groupes armés palestiniens ainsi qu’à l’Autorité palestinienne pendant l’opération Mur de protection. Une commission d’enquête pourrait émettre des recommandations claires en se basant sur les investigations qu’elle aurait menées.
Les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité sont parmi les crimes les plus graves relevant du droit international, ils constituent des crimes contre l’humanité dans son ensemble et sont prohibés par le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. La communauté internationale ne peut donc se contenter d’être un témoin impuissant des atteintes graves aux droits humains qui continuent d’être perpétrées en Israël et dans les Territoires occupés.