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QUEL « ORDRE » ? QUELLE « INTEGRATION » ?

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Ci-joints, deux commentaires intéressants sur les « émeutes », la « violence », le respect de l' »ordre » et la nécessaire « intégration » dans notre belle société de ces jeunes rebelles.


« C’est la canaille ? Eh bien j’en suis » (titre d’un Chant révolutionnaire),

par Paul CASTELLA
(article publié sur le site oulala.net)

« Dès que la violence, avec laquelle ils obligent la majorité des gens, jeunes ou vieux, à se plier aux
exigences d’une minorité de nantis, leur remonte au nez, comme de la moutarde, les politiciens en appellent au maintien de l’ordre, « républicain » en France, en tous les cas « public ». Car l’Etat, démocratique ou non, se fonde toujours sur la violence qu’exerce l’économie à l’égard des citoyens.
C’est pourquoi il ne tolère aucune violence à son égard. La rébellion est pour les maîtres le pire des crimes.

L’injustice dans le partage des richesses et des tâches n’a d’autre garantie que l’habitude routinière des humbles à être soumis. En effet, ce ne sont pas les juges qui font respecter les lois (ces textes supposés justifier l’ordre existant) mais c’est parce que les sujets se taisent devant leurs maîtres et vont au chagrin sans rechigner qu’il semble que les lois soient respectées. Que les serviteurs se
rebellent et les maîtres parlent d’en venir aux armes, au nom de l’ordre. Alors c’est la violence qui se retourne contre ses employeurs, comme la fumée des gaz toxiques revient sur les lanceurs de grenade lorsque change le sens du vent. Les bourgeois craignent par dessus tout la violence des pauvres. Car c’est aux pauvres qu’ils font violence par leur existence même en tant que minorité
profitant du travail des autres.

Curieusement, les quartiers pauvres, autrefois appelés
«populaires», sont aujourd’hui nommés quartiers «difficiles», comme s’il était besoin de souligner qu’il n’est pas facile d’y vivre, ou encore
« sensibles », sans doute parce que les quartiers riches sont peuplés de gens insensibles à la misère des autres. _ Pour un certain Ministre de l’Intérieur, chargé de garantir à l’économie capitaliste le bon fonctionnement des structures sociales qui la font vivre, les habitants des quartiers sensibles sont des « pauvres » (à ce titre estimables, puisqu’ils garantissent la richesse des autres), tandis que ceux qui jettent des projectiles aux policiers sont des « voyous ». Autant dire : un bon pauvre est un pauvre qui ferme sa gueule.

Comme chaque fois que se produit une insurrection, les bonnes âmes s’étonnent : pourquoi cette montée soudaine de violence ? On devrait plutôt se demander : comment des gens humiliés quotidiennement ne se soulèvent-ils pas plus souvent ?

Je me souviens d’un jour où, montant dans un bus, j’y trouvais un homme en train de maugréer à voix haute contre les étrangers. Les passagers ne disaient rien, comme abattus par l’avalanche de grossièretés racistes déversée par cet homme avec une rare violence verbale. Comme je lui
demandais de se taire, le personnage me répondit de retourner dans mon pays. Ce à quoi je lui répondis que j’y étais, et que j’en n’étais pas fier, quand je voyais un type comme lui. Ces propos lui ont cloué le bec, et j’ai aussitôt senti une vague de soulagement courir parmi les passagers, dont certains m’ont remercié d’un sourire. J’ai compris ce jour-là que la plupart des gens sont fondamentalement gentils, et ne savent que faire lorsqu’ils se trouvent confrontés à un comportement violent. C’est comme cela que les violents paralysent leurs victimes.

La force fait peur aux être humains. Face à la menace, ils ne savent en général que faire. C’est tout à leur honneur. Contrairement à ce qu’en disent les bonimenteurs à la solde des maîtres, la soif de pouvoir, le besoin de violence et la volonté de puissance ne sont pas dans une prétendue
«nature de l’homme», mais dans le fondement de l’Autorité, publique ou privée.

Petits ou grands, les chefs usent de la menace pour se faire obéir, avec une violence qui risque à tout moment de leur exploser à la figure. C’est vrai à l’échelle d’une famille, comme à celle d’une ville ou d’une nation. Le maniement de l’autorité n’est pas sans danger pour ceux qui l’exercent. La force qui lui résiste et peut à tout instant se rebeller s’appelle : liberté.

Certes il n’y a rien de constructif dans la violence du refus, comme lorsqu’un enfant dit « merde » à un père autoritaire. Mais une porte qui claque ou des voitures qui brûlent lors d’une émeute urbaine sont le signe d’une rupture. Après l’événement, même si l’ambiance revient au calme, rien n’est plus comme avant. Quand elle ne sait pas contenir la violence qu’elle a elle-même suscitée, l’autorité perd la face. Elle n’a plus de justification lorsque s’est dévoilée ce qu’elle devait cacher : le fond de
violence de son exercice quotidien.

Toujours le maître se prétend seul à être digne (on parle de dignité du prince, pas de l’esclave). Les chrétiens ne disent-ils pas « Seigneur » au fils de leur Dieu ? Mais les beaux atours cachent mal la laideur mentale de ceux qui font obéir les autres. Alors, pour cacher les verrues qui défigurent leur esprit, ils insultent leurs serviteurs rebelles : les pauvres, quand ils deviennent impertinents, sont traités de canaille, populace, ou de « racaille ». Car les bourgeois n’ont jamais assez de haine pour désigner ceux qui leur font peur. On sait aussi avec quelle jubilation ils applaudissent aux massacres des révoltés. Pourtant, il y a une certaine sagesse dans leur peur : seule classe sociale à s’être installée au pouvoir grâce à une révolution victorieuse, ils savent jusqu’où peut aller la révolte.

Les maîtres le savent bien : ce qui leur pend au nez est pire que le refus, c’est la dégringolade.

L’esprit de liberté qui souffle sur les émeutes joue une musique qui se répercute à travers l’Histoire et, malgré les répressions, conserve la mémoire du plus ambitieux projet qui court depuis des siècles : la fin de la domination de l’homme par l’homme. Tout laisse à penser que ce projet avance.

Avis aux apprentis dominateurs…

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« Impropriété des mots, ordre et mensonges »
par Badia Benjelloun

Autre tournure incongrue répétée à l’envi : “intégration” est martelé comme mot d’ordre, au sens premier de la locution; dans un monde livré à la dérive sans entrave ni régulation du capitalisme, or s’il est fait l’injonction à la jeunesse suburbaine de se faire assimiler en rejoignant les rangs des consommateurs d’abord travailleurs éventuels ensuite, le système l’a exclue et de manière de plus en plus impérative. Car si le chômage au niveau national oscille autour des 10%, selon les exigences du FMI et des politiques anti-inflationnistes, celui des jeunes au niveau de la moyenne nationale est autour de 20%, alors que des jeunes de banlieues dépasse les 40% par endroit.

Le premier trait de la corruption des moeurs est le bannissement de la vérité, et la saison en est gâtée écrivait Montaigne à propos du mentir, désormais une vertu chez les Français. On s’y façonne, on s’y forme, comme à un exercice d’honneur et la dissimulation est des plus
notables qualités de ce siècle.
Il eût été loisible au ministre de la sécurité intérieure de ce pays de s’en remettre à la procédure habituelle de l’esquive et de brouillage des responsabilités s’ill avait promis de diligenter une enquête sur les circonstances du décès des deux enfants à Clichy, et du jet de la grenade lacrymogène dans un lieu de culte musulman plein de fidèles.
Il a choisi le mode dénégatoire.
Le plus efficace des modes affirmatifs.
Il a opté pour un mensonge arrogant tant est aisée la vérification des faits, n’hésitant pas à contredire, “ en temps” réel les fonctionnaires de son ministère.

Les politiques nous ont sans vergogne ces dernières décennies fait étalage de leur corruption et forfaiture, et bénéficié d’une impunité dans un cadre juridique retaillé par eux pour leur usage.

Dès lors, comment une quelconque autorité éducative, parentale ou enseignante, peut-elle instruire une morale citoyenne et républicaine sans faire rire les enfants abreuvés aux JT de 20 heures qui même tout à la dévotion de l’oligarchie au pouvoir laisse savoir les bakchichs des HLM, le prix exorbitant des sandwichs et des billets d’avion de la mairie de Paris.

Et le monde occidental peine à offrir un modèle universaliste à ses ex-colonisés qui migrent vers lui dans un mouvement irrépressible, quels que soient les périls encourus à franchir les murailles dont il s’entoure.
De plus en plus rétracté sur lui-même, il est incapable de se renouveller démographiquement sans la contribution des populations immigrantes. Ici encore, le mensonge démagogique veut cacher la nécessaire “importation” de
120 000 adultes en bonne santé par an pendant cinquante ans pour maintenir seulement la population active à
son niveau actuel. Le Commissariat Général au plan a réfuté comme idéologiquement inadaptée l’hypothèse de l’immigration de 84 millions d’ici 2050 pour maintenir la proportion des personnes âgées à son taux relatif d’aujourd’hui. La pyramide des âges se rétrécit à sa base et s’élargit à son sommet, inexorablement.

Les émeutes sont éminemment politques. Et ici il est, faut-il le souligner, inconvenant de parler de violence
sous sous une accepion générique, celle qui sème la confusion entre la “bavure” d’une force de l’ordre qui a fonction de protéger et qui assassine et celle sans conséquence péjorative notable, sinon de calciner quelques biens de consommation renouvelables, de jeunes gens
révoltés. Elles énoncent non seulement une réalité économique mais un déficit réel dans l’élaboration du politique par les élites européennes et particulièrement françaises. L’amnésie entretenue des crimes de la colonisation française, avec le travail soutenu des nostalgiques de l’Algérie française, la perte de consistance des formations de gauche, y compris dans ses versions syndicalistes sont la condition de la discrimination envers les générations issues de générations antérieures d’immigrés, considérées comme pas « totalement françaises » dans le discours courant et officiellement admis.
Sur pratiquement tous les sujets qui devraient les opposer, le parti socialiste français talonne sur ses positions le parti conservateur au pouvoir, aussi bien concernant l’approbation de l’ultralibéralisme, en particulier au travers du vote approbateur du projet de constitution
européenne, que celle de la prétendue “sécurité”.
C’est bien avec l’avènement de Mitterand au pouvoir que par des mesures fiscales appropriées l’investissement dans le travail a été disqualifié et que les bénéfices des spéculateurs en bourse sont devenus colossaux.
C’est un ancien ministre socialiste, actuellement maire
d’arrondissement à Paris qui proclame en séance publique refuser l’application des 20% de logement social au prétexte que ce dernier enrichirait son quartier en pauvres, et “donc “ amènerait et de l’insécurité et du trafic de drogue. Autant de choix qui confortent la
ghettoïsation des plus démunis et qui rappellent les accents de haine sociale proférés par les bourgeois en 1848 et 1871.

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