Header Boycott Israël

Initiative originale des « racailles de France »

Partagez:

Le journal Le Monde vient de publier un reportage intéressant sur la naissance d’un groupe de 16 jeunes gens issus des pays anciennement colonisés par la France, s’intitulant « Les racailles de France ».
L’action fondatrice du groupe a consisté à placarder des affiches dans Paris, pour rappeler sur un mode amer et ironique que les « racailles » d’aujourd’hui sont les descendants de ces centaines de milliers d’hommes des colonies enrôlés dans les guerres de la France, puis venus construire et reconstruire ce pays après la guerre.
Voici l’article du Monde :


Les « racailles de France » affichent leur colère

De loin, cela pourrait s’apparenter à une plaisanterie. Ce n’en est pas une. Depuis le début de la semaine, des « plaques commémoratives » inédites fleurissent sur les murs de Paris. Le contenu n’est pas anodin. Les auteurs sont culottés.

Florilège : « A la mémoire des grands-parents de la racaille venus défendre la France chaque fois qu’elle était en guerre. (…) En avril 1917, ils étaient 170 000 à se battre aux côtés des Français. Leurs enfants et petits-enfants méritent la patrie. »

Ou encore : « Hommage aux centaines de milliers d’immigrants venus construire et reconstruire une France qui maintient depuis toujours leurs enfants et petits-enfants au ban de sa société. A quand une loi sur le rôle positif de l’immigration ? »

Au total, dix messages différents, signés : « Les racailles de France ».

Lundi 5 décembre, à 17 h 31, « Les racailles de France » annoncent dans un communiqué de presse solennel qu’ils viennent de déposer « 300 plaques commémoratives dans Paris en l’honneur de leurs parents et de leurs grands-parents, qui ont tout donné pour une France qui n’a aucune considération ou presque pour leurs petits-enfants ».

Le Monde a pu rencontrer quatre membres du noyau dur de ce « groupuscule ». Ils souhaitent garder l’anonymat.
Agée de 23 ans, en maîtrise de psychologie, cheveux longs bouclés, sourire aussi immuable que sa « rage contre la France de Sarko », Nadia est « le cerveau » des « racailles de France ». « Il y a 11 filles sur les 16 membres du groupe », dit-elle fièrement. « On a tendance à croire que les filles subissent trop de choses dans les cités. Mais nous sommes solidaires des garçons qui ont mené une lutte dans les
banlieues », explique Samantha, 23 ans, technicienne de laboratoire.

« Nous sommes une bande de potes du 92, 93, 94, tous issus de pays colonisés », explique Nadia avant d’égrener les origines des garçons, « basanés, Noirs, Vietnamiens ». Les filles ont toutes le même profil : bac + 3 minimum, des parents algériens ouvriers et un « ras-la-casquette Lacoste » de la discrimination. « En 1968, on n’a pas mis les jeunes en prison car ils étaient les enfants de la bourgeoisie. Nous oui, car nous sommes les enfants de personne », assure la responsable du groupe.

Medhi, 29 ans, l’un des cinq garçons du groupe, le plus révolté, travaillant dans l’événementiel, un diamant à l’oreille gauche, enchaîne : « On va acheter une flûte à Chirac. Je n’oublierai jamais ses mots : « le bruit et l’odeur ». Il peut toujours déclarer après que nous sommes les enfants de la République. »

Samantha, plus timide, affirme : « Nous voulons continuer la lutte mais d’une manière plus constructive et intelligente. Après le feu, les mots, avec humour, mais un humour désespéré. » Medhi acquiesce et atteste : « Généralement quand les jeunes se regroupent, c’est pour vendre du shit, braquer ou voler. Nous, notre démarche est pédagogique. » « La France nous méprise. Quand elle avait besoin de nous pour se défendre contre l’Allemagne, nous faisions partie de la solution. Quelques générations plus tard, nous sommes le problème », enrage Nadia. Elle poursuit : « Ce rappel historique de la France coloniale est important. Dire que des milliers d’Africains sont morts pour la France et qu’aujourd’hui elle ghettoïse ses enfants : c’est honteux ! L’immigration, ce n’est pas un Yo-Yo ! »

Dans la nuit du 4 au 5 décembre donc, de 23 heures à 5 heures du matin, les 16 « racailles de France », embarquées dans huit voitures, carte de Paris en poche, armés de rouleaux de ruban adhésif double face payés 50 euros, ont placardé « stratégiquement » leurs « plaques commémoratives » de papier imprimées en format A3, notamment sur les
murs de l’AFP, du Figaro, de Libération, du Monde, de l’UMP, sur des Abribus et dans le métro à Nation, Bastille, République…

« Faut pas oublier que c’est l’état d’urgence. On a eu peur de se faire arrêter surtout devant l’UMP. On s’était préparés à aller en garde à vue », confesse Nadia mais, « c’était important de montrer le contraste entre les héros et la racaille ».

Mustapha Kessous
Article paru dans l’édition du 10.12.05

Partagez: