Nous publions ci-dessous une interviewde Fadwa Barghouti, épouse et avocate de Marwan Barghouti, député palestinien en prison, réalisée par Chris Den Hond, journaliste cameraman, et Mireille Court,le 30 décembre 2004 à Ramallah.
Fadwa Barghouti explique ce qui a poussé son mari a présenter sa candidature aux élections puis à la retirer
Q : Comment se porte Marwan ?
Fadwa : il est toujours détenu en isolement complet depuis 30 mois, dans une cellule de 3 m2 Il n’a pas le droit de voir sa famille. Je n’ai pas le droit de lui rendre visite, même en étant son avocate. Il n’a pas le droit de rencontrer d’autres prisonniers. Il a eu le droit, exceptionnellement de recevoir la visite de quelques dirigeants palestiniens à l’occasion des élections, ce qui lui a permis de rompre provisoirement l’isolement.
On voit beaucoup de photos d’ Abou Ammar et d’Abou Mazen. Ici je vois des photos d’Abou Ammar et de Marwan Barghouti. Qui est le véritable successeur de Yasser Arafat ?
L’une des caractéristiques propres à yasser Arafat, c’est qu’il parvenait à travailler avec les divers courants au sein du Fatah. Mahmoud Abbas, Abou Mazen, représente l’un des courants sur l’échiquer politique palestinien. Marwan Barghouti en représente un autre. Yasser Arafat avait réussi à réunir les différents courants sous sa direction. Et de ce point de vue, on pourrait dire que chaque Palestinien peut être considéré comme un successeur de Yasser Arafat en ce qui concerne sa lutte contre l’occupation israélienne.
Marwan s’est d’abord porté candidat, puis s’est retiré, puis a postulé à nouveau pour se désister à nouveau. Est-ce que vous avez essayé de le convaincre de se présenter pour augmenter ses chances d’être libéré ?
Il y a un malentendu au sujet de la candidature de Marwan. Au début, il ne voulait pas se présenter aux élections, mais certains leaders ont commencé à parler de sa candidature comme quelque chose d’acquis, alors que Marwan ne s’était pas encore décidé. Au plan légal, Marwan n’a annoncé sa candidature qu’une fois et ne s’est désisté qu’une fois.
Au cours des deux visistes que j’ai pu lui rendre pendant les elections, jene l’ai pas influencé, je lui ai simplement rapporté les positions des uns et des autres au sujet de sa candidature. Je n’ai pas exercé de pressions sur lui, comme ont prétendu certains. Personne ne peut exercer de pressions sur Marwan. La seule pression qu’il subisse, c’est celle de la prison et de l’isolement.
Son unique préoccupation a constamment été de savoir ce qui était le mieux pour le peuple palestinien, pour qu’ils aient une perspective de paix. Et comme les Américains, les Européens et meme certains dirigeants arabes ont estimé que Mahmoud Abbas apporterait la paix, Marwan a decide de laisser une chance à cette option bien qu’il soit persuade que les Israéliens ne nous cèderont rien en fin de compte.
Il y a eu une énorme pression exercée de l’extérieur sur nos élections. On l’a vu autravers des déclarations faites par les Américains, les pays arabes et plusieurs pays européens. Les Britanniques par exemple ont annoncé qu’il y aurait une conférence de paix uniquement si Abou Mazen remportait les élections. Colin Powell a fait des réflexcions déplaisantes sur la candidature de Marwan Barghouti. Mêmem Mubarak en Egypte ne s’est pas gêné pour critiquer la candidature de Marwan. Tout ceci n’est absolument pas démocratique.
Beaucoup de gens ont été déçus par le retrait de la candidature de Marwan, même au nom de la sauvegarde de l’unité du Fatah. Mais le temps n’est-il pas venu désormais de procéder à une clarification politique au sein du Fatah, de dire merci à l’ancienne génération et de donner sa chance à la génération des plus jeunes ?
Quand Marwan s’est présenté, il a soulevé la question de la démocratie au sein du Fatah. Le choix d’Abbas par le seul comité central de 16 membres, en l’absence d’élections primaires au sein du Fatah n’était pas démocratique. Marwan a toujours milité pour la démocratie au sein du Fatah et il pense que si le Fatah qui est le grand parti en Palestine, veut diriger la société palestinienne de manière démocratique, il doit d’abord se transformer en un parti démocratique. Et cette lutte, Marwan l’avait menée bien des années avant les élections et la mort d’Arafat, au niveau de la base et des comités locaux.
Et sa candidature était une sorte de message au Fatah et au comité central disant « vous avez ignoré la base du parti ; vous ne l’avez pas consultée. C’est la première fois que la jeune génération du Fatah s’exprime, et c’est grâce à Marwan.
Q : Y aura-t-il des élections au sein du Fatah ?
Oui, c’est l’un des messages de Mahmoud Abbas à Marwan Barghouti. Elles se dérouleront en août prochain, je jour anniversaire de la naissance de Yasser Arafat. Il y aura une conférence au cours des élections pour la direction du Fatah se tiendront.
Beaucoup de politicians et de medias occidentaux ont declare que la mort d’Arafat était une chance pour la paix, comme si Arafat avait constitué un obstacle à la paix. Cela nous a choqué. Comment l’avez-vous ressenti ?
C’est une des raisons principales qui ont poussé Marwan à presenter sa candidature. De constater la manière dont on présentait, au sein de pays occidentaux et même du monde arabe, l’ère Arafat comme une ère de terrorisme qui allait enfin se terminer grâce à sa mort pour ouvrir une nouvelle ère de paix, a terriblement déplu à Marwan. C’était en fait une condamnation de tout le peuple palestinien et de l’intifada, pendant que l’on congratulait Sharon, oubliant qu’il est le responsable de l’occupation des Palestiniens. Il voulait se présenter pour dire que nous sommes fiers de l’ère Arafat et que nous allons poursuivre l’intifada.
Q : Que va-t-il se passer maintenant si Mahmoud Abbas n’obtient pas des resultants significatifs ?
Abbas va avoir pas mal de defies à reliever. Le premier est de promouvoir la démocracie et de mettre un terme à la corruption, mais aussi à l’occupation. Et les Israéliens campent sur leurs positions. Rien n’a change de ce côté et on se demande pourquoi tout le monde se réjouit en parlant de paix.
Le deuxième défi concerne la communauté internationale. Il faut maintenant qu’elle assume ses responsabilités et qu’elle joue son role pour de bon en exerçant des pressions sur Israël pas sur les Palestiniens, qui ont fait leur maximum en organisant ces élections de manière démocratique. Nous sommes d’accord pour reprendre des négociations et nous engager dans un processus de paix, mais c’est au tour des Israéliens de donner quelque chose de substantial aux Palestiniens. C’est cela le vrai défi pour Mahmoud Abbas.
Je suis convaincu, qu’au bout du chemin, les Palestiniens l’emporteront parce que nous nous battons pour nos droits élémentaires, mais à court terme, je suis pessimiste car les Israéliens demandes à M. Abbas bon nombre de choses qu’il ne peut pas donner. La société palestinienne elle-même demande à Mahmoud Abbas beaucoup de choses qu’il ne peut leur accorder. Il va être coincé, et c’est à la communauté internationale de l’aider à s’en sortir en faisant pression sur Israël.
Q : Quand Marwan a annoncé sa candidature, il y a eu des coups bas portés contre lui. On a entendu : “Maintenant Israëll autorise sa femme a lui rendre visite…” un peu comme s’il était devenu un collabo. Comment avez-vous réagi ?
Même si c’était parfois trsè bas, Marwan n’a cessé de transmettre 4 messages très clairs :
– l’un pour faire savoir aux Palestiniens qu’il était toujours dans la lutte contre l’occupation avec eux et qu’il souhaitait assumer son rôle de dirigeant. C’était important pour leur moral
le second message s’adressait à la communauté internationale, pour lui rappeler la situation d’occupation que nous vivons. Etre un président sous occupation, c’est la meme chose qu’être un prisonnier president. Mahmoud Abbas a besoin de la permission des Israéliens pour passer les barrages entre Ramallah et Naplouse.
– le 3ème message était destiné aux Israéliens. Il est clair que les 8000 prisonniers palestiniens ne sont pas des terroristes. Ce sont des militants et dirigeants politiques qui sont en prison parce qu’ils aiment et défendent leur pays.
– Le dernier message s’adressait au Fatah, à la jeune et à la vieille génération, pour plus de démocratie.
Tous ces messages n’ont peut-être pas été clairs. Certains ne les ont pas compris. D’autres n’ont pas voulu les comprendre. Certains ont été déboussolés.
Q. : Votre fils Qassem est toujours en prison. Difficile d’avoir une vie de famille dans ces conditions ?
Qassem entame sa deuxième année de prison. Israël a voulu punir Marwan en l’arrêtant. Toute cette affaire ne tient pas debout. Mais ils espèrent que sa detention dans des conditions aussi dures met la pression sur son père, qui n’a pas le droit de le voir. Et tou ce la a été particulièrement dur quand sont venues s’ajouter les médisances sur Marwan lors des élections.
(suite…)
Lire plus