Nous publions ci-dessous le texte et les photos de l’un de nos lecteurs et sympathisant actif qui décrit ses sentiments face à la situation au Proche-Orient.
LES DIX COMMANDEMENTS
A chaque fois que nous allons en Palestine, hormis les questions très matérielles que nous nous posons du type : « Vont-ils nous laisser passer ? » ou « Combien de temps va-t-on attendre ? », nous devenons de plus en plus muets au fur et à mesure que la frontière approche. Avant de l’atteindre cette frontière, nous longeons en fait une large bande verte qui sillonne au creux d’un paysage montagneux très aride et très chaud. C’est la vallée du Jourdain. Et bien que je sois très peu perméable aux paroles divines et autres textes bibliques, à chaque fois que j’ai l’occasion de longer cette rivière légendaire je me sens attiré par une espèce de force mystique qui m’oblige malgré moi à imaginer Moïse sermonnant ses compagnons avant qu’ils ne rentrent dans la « terre promise » ou Jésus devisant avec Jean mettant au point les conditions de son baptême prochain. En un mot mon esprit se met à rêver et à imaginer ce que pouvait être cette sublime région au temps où les caravanes, aux pas lents de ses chameaux, commerçaient et en animaient les multiples centres d’activités. Mais le rêve prend vite fin et encore plus violemment cette année lorsque le taxi nous décharge au milieu d’un immense réseau de fils de fers barbelés. En autocar nous passons le Jourdain sur le pont Hussein dans un silence de mort et la frontière israélienne est là qui nous barre la route et le rêve. Vont suivre alors deux heures trente cinq d’interrogatoire par une série de douanières-minettes toujours très souriantes mais déterminées à nous faire avouer l’objet de notre visite. D’autant plus déterminées que l’une d’entre elles vient de « voler », le passeport syrien de Sarya qu’elle avait rangé dans son sac !!!! Les questions fusent alors de tous les côtés et il a fallu effectivement deux heures trente cinq de patience et de calme pour convaincre ces jeunes mais redoutables fonctionnaires de nous laisser passer. « Comment est-ce possible qu’une arabe vive avec un juif ? » nous demandèrent-ils. « En France c’est possible ! » leur répondions-nous calmement et faussement sereins. Mais je me demande si l’an prochain nous serons à Jérusalem car ne doutons pas que les multiples reportages des évènements
récents un peu chauds de nos banlieues ou la prose abjecte de Finkielkraut laisseront des traces dans la tête de nos épouvantables douanières et les inciteront à se fermer encore plus à l’idée que c’est de la différence que naît la richesse.
En attendant, cette année nous avons trouvé une Palestine exsangue, torturée, encore plus humiliée mais toujours étonnamment vivante et déterminée à vivre libre. Nous avons trouvé des palestiniens assommés par la fatigue, accablés par les malheurs quotidiens que leur inflige l’armée d’occupation mais toujours souriants et accueillants. Nous avons vu de nos yeux, des soldats frappés un enfant qu’ils étaient venus chercher dans sa maison. Nous avons vu d’autres enfants, protégés par un père armé jusqu’à la Kippa, nous insulter et nous lancer des cailloux. Nous avons vu le mensonge, l’injustice et la loi du plus fort bafouer les Droits de l’Homme, se moquer des règles internationales d’accueil et d’hospitalité. Nous avons cette année été agressé par de jeunes soldats qui voulaient dans un premier temps nos passeports et devant notre refus l’un – le chef sans doute – a frénétiquement cassé mon appareil photo en voulant effacer celles qui montraient une armée d’occupation un peu trop en action. En attendant cette année, la Palestine se meurt un peu plus et nous l’Occident que faisons-nous ? Rien ! Douloureusement rien !
Et puis en quittant la Palestine par où nous étions arrivés, en nous éloignant de ce Jourdain, je me suis demandé pourquoi là où sont nés les dix commandements, pourquoi donc les Droits de l’Homme n’étaient-ils pas appliqués ici pas plus que la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Peut-être le nombre d’articles est-il trop important?
Est-ce pensable alors que les 10 petits commandements inscrits dans la pierre depuis 5000 ans soient ignorés de ce peuple qui les protège et les surveille plus que leurs propres enfants ? Les « dix commandements » sont énoncés dans un langage incisif, net, ne comprenant que 120 mots dans le texte hébreu. Ils révèlent une grande sagesse et une moralité bien supérieures à ce que l’homme déchu pourrait accomplir tout seul. Donc il n’y a aucun doute, ici plus qu’ailleurs, les dix commandements sont lisibles et devraient être non seulement connus mais appliqués à la lettre. Et pourtant………… Si je mets de côté les cinq premiers commandements qui sont généralement inscrits sur la liste comme se rapportant à Dieu il reste les cinq derniers concernant les relations humaines. L’ordre de ces cinq derniers commandements est des plus significatifs. Ils sont classés d’après le mal fait au prochain, le commandement relatif au moindre mal étant classé le dernier.
C’est ainsi que le sixième commandement le plus important, interdit de prendre la vie de son prochain; le septième, sa femme; le huitième, ses biens. Passant des actes aux paroles, le neuvième interdit de parler faussement contre son prochain, et le dixième, d’entretenir des pensées égoïstes contre lui. Au cours de ces quinze jours passés en Palestine, il n’est pas passé une seule heure, une seule seconde même où les cinq derniers commandements ont été violés , ignorés superbement et surtout contredits par toute une population soutenue par les pays du monde les plus civilisés dit-on ! Au hasard de mes souvenirs je vais vous le prouver en espérant que la nouvelle année 2006 verra finalement la sagesse l’emporter et l’obéissance résolue à ces cinq petits commandements sur la voie de son application.
Tu ne tueras pas.
Bien évidemment dans un tel conflit, on ne compte plus les morts et les blessés et je ne me lancerai pas ici à chercher qui est plus responsable que l’autre. Sauf que d’un côté il y a une des armées la plus redoutable du monde équipée de l’arme nucléaire et de l’autre des bras et des cailloux. Le « tu ne tueras pas » pourrait être évidemment plus à la portée des Israéliens que des Palestiniens. Et bien non ! Ce commandement le plus grave est totalement ignoré de la jeune armée israélienne. Nous avons été les témoins cet été d’un crime gratuit commis par l’armée d’occupation israélienne sur un jeune étudiant de l’université de Naplouse. Ce dimanche 14 août, le jeune étudiant palestinien, Bashar Fakhri Qadiri, 22 ans, est décédé, tué par les soldats sionistes au barrage de Beit Iba, à l’ouest de la ville de Naplouse. Les soldats de l’occupation ont arrêté Bashar Fakhri Qadiri au barrage, et l’ont obligé à se tenir dans un trou sous le soleil brûlant, les mains menottées. L’étudiant Bashar, du village de Sir, à l’est de Qalqilya, revenait de l’université al-Najah, et se rendait chez lui. Ils l’ont attaché et l’ont gardé dans le trou plus de deux heures. Puis, après qu’il ait perdu connaissance, ils l’ont sorti et l’ont jeté près du barrage, sans lui donner des soins. Sa santé s’est vite détériorée. Il est décédé. C’est un chauffeur de bus palestinien, passant au checkpoint, qui l’a transporté à l’hôpital de Tulkarm, mais il était trop tard.. Nous avons assisté à l’hommage rendu à ce jeune garçon au sein de la faculté de Naplouse. Il fait partie des quinze à vingt morts quotidiens palestiniens dont on ne parle jamais car jamais à ce moment-là la presse est présente et pourtant ce jour-là, au mois d’août 2005 tous les journalistes du monde étaient en Israël mais préféraient fixer leurs objectifs sur les pleureuses de Gaza.
Tu ne commettras pas d’adultère.
Tu ne tromperas pas ton conjoint. Si l’on considère que l’Occident a été et reste le conjoint fidèle d’Israël on peut constater que tout ceux qui ont soutenu le petit pays de David (et j’en suis) ont été plus que trompés et de quelle manière.
Trompés parce que la terre sur laquelle Israël avait jeté son dévolu était une terre habitée. Ce n’était pas le fameux désert au milieu duquel par enchantement on arrivait à faire pousser des tomates et des fleurs. Il y a toujours eu ici, en Palestine, des tomates et des fleurs à Haïfa, à Gaza, à Hébron. Nous avons cet été rencontré des hommes et des femmes âgés de plus de 80 ans qui nous ont raconté avec une grande dignité comment ils ont été mis à la porte de chez eux et comment surtout en essayant de revenir pour reprendre quelques objets dans leur maison ils ont trouvé porte close et un doigt qui leur montrait la sortie immédiate de ce lieu qu’ils avaient toujours partagé avec leurs voisins. Ils nous ont raconté comment ils cultivaient la terre et comment ils économisaient l’eau grâce à des arrosages sélectifs. Dans chacun de leurs yeux brillaient des larmes qui tombaient et dans chacune nous pouvions deviner les tomates et les fleurs qu’ils nous racontaient.
Tu ne voleras pas.
Comment ont été acquises les terres sur lesquelles cet Etat aux frontières encore bien floues s’est établi ? En général c’est par le vol pur et simple. Quand il y a eu achat, c’est que la plupart du temps les vendeurs ont été trompés et encore aujourd’hui on a bien vu, à Jérusalem même, comment des biens appartenant à des Palestiniens ont été « achetés » en sous main par des capitalistes israéliens. Mais la manière la plus simple pour s’emparer des terres et des propriétés des palestiniens c’est de faire intervenir l’armée et de dérouler la nuit des fils de fers barbelés aiguisés comme des rasoirs et à travers desquels on ne peut plus passer. C’est ainsi que les champs d’oliviers sont dévastés, les puits d’eau endommagés, les cultures de fleurs anéanties, les maisons pillées, les routes vandalisées et la Palestine occupée de plus en plus. Du Nil à l’Euphrate, les deux lignes bleues du drapeau israélien est le rêve en marche de chaque sioniste de ce pays raciste et antisémite qui viole tous les jours ce troisième commandement.
Tu ne mentiras pas à ton prochain.
Encore un commandement complètement dépassé par la réalité. Cet été, alors que nous étions sur la terrasse d’une maison palestinienne et que nous photographiions des enfants de famille juive qui nous balançaient des cailloux en nous insultant, nous avons vu arriver une brigade de soldats israéliens. Elle est intervenue à la demande de cette famille juive qui s’était plainte de recevoir des cailloux alors que les seuls qu’ils aient pu réellement recevoir étaient ceux que leurs enfants avaient vainement lancés vers nous. Photo à l’appui, nous avons dit la vérité et malgré tout, le responsable de la brigade, après avoir cassé mon appareil s’en est pris au jeune enfant de la famille qui nous recevait. Pour délivrer cet enfant de douze ans qui risque – pour un mensonge d’un autre enfant – un ou deux ans de prison il nous faudra plus de six heures d’explication et de supplique ! Il sera pour cette fois-ci remis à sa famille mais actuellement plus de sept cents enfants sont morts sous les balles meurtrières de l’armée et mille croupissent en prison pour rien !
Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain, ni sa femme, ni aucune chose qui est à ton prochain.
Combien de maisons, d’oliviers et de jardins, de terres et de puits ont été volés aux paysans palestiniens sans que ces derniers puissent réclamer leurs propriétés.
N’est-il pas choquant de voir que dans le même temps en Europe, où des biens volés par les nazis sont
justement revendiqués par les familles de ceux qui ont été déportés, ici des biens sont purement et simplement saisis, confisqués, volés. Le mur qui traverse le pays de Moïse est non seulement une insulte à cette terre biblique mais également un outil d’annexion de terres et de maisons.
Nous avons pu constater cet été comment des quartiers entiers de Jérusalem et de Bethléem ont été rayés de la carte par ceux qui s’offusquent de cette expression.
Prenons garde, si l’on ne se manifeste pas plus fort, tout ce qui est aux Palestiniens sera un jour aux mains des Israéliens. Notre actuel silence frise la complicité ! Nous parlerons à ce moment-là,les sanglots dans la voix, de génocide et de crimes contre l’humanité. Nous dirons à ce moment-là, les sanglots dans la voix, « Plus jamais çà ! ».
Avant qu’il ne soit trop tard, il faut sauver la Palestine et les Palestiniens. Il faut dire aux Israéliens que s’ils veulent vivre en Paix il faut rendre la Terre et accepter de vivre là-bas avec ceux à qui elle appartient. Il n’y a pas d’autre solution.