Les témoignages de terrain, que se gardent bien de relayer les principaux médias, sont unanimes : le gouvernement et l’armée israéliens organisent un sabotage systématique des élections législatives palestiniennes, prévues pour le mercredi 25 janvier (dans huit jours, donc), alors que des légions «d’observateurs » payés par l’Union européenne ajoutent à la désorganisation voulue par les Israéliens.
Commençons par Jérusalem (ou plus exactement, la population palestinienne de Jérusalem-Est occupée et annexée depuis 1967) : la presse a fait grand cas de la « magnanimité » du nouveau Premier ministre Israélien, qui aurait finalement accepté que les Palestiniens de Jérusalem-Est puissent voter dans leur propre ville, à laquelle 6 sièges de députés au Conseil législatif palestinien sont réservés.
Il s’agit là d’un gros mensonge : le nombre de Jérusalémites autorisés à voter dans la ville (en l’occurrence, pas dans un édifice relevant de l’Autorité Palestinienne, car il n’y en a pas, mais dans des bureaux de poste, sous la souveraineté de l’Etat d’Israël) est inférieur à 5.000, soit moins de 5% des 120.000 électeurs palestiniens potentiels que compte Jérusalem-Est. Ces derniers n’iront voter en Cisjordanie que s’ils pensent que l’armée israélienne ne remettra pas en cause leur possibilité de rentrer à la maison le soir. Or, la politique israélienne de « nettoyage ethnique » de Jérusalem-Est, fait que des dizaines de milliers de Jérusalémites s’interdisent désormais de mettre le pied dehors, de peur d’être refoulés aux checkpoints quand ils reviennent de Cisjordanie.
Rappelons que le droit des Jérusalémites à participer à des scrutins palestiniens était inscrit dans les accords d’Oslo, et qu’il a été exercé (dans des conditions aussi iniques que celles qui se préparent, cependant) aux élections de 1996 (législatives, présidentielle) et 2005 (présidentielle).
Et puis, le gouvernement israélien entend choisir lui-même, avec la bénédiction des Etats-Unis, de l’Union européenne et d’une partie du pseudo « camp de la paix » israélien, qui a le droit de se présenter aux législatives palestiniennes.
Pour le Hamas, c’est niet, même si ce parti islamique, outre le fait d’avoir suspendu depuis un an ses opérations militaires (sans contrepartie israélienne, dont les assassinats ciblés, rafles et autres exactions continuent de plus belle) fait officiellement campagne sur une plate-forme politique identique à celle du Fatah pour ce qui concerne le conflit israélo-palestinien, à savoir la fin de l’occupation et le retrait sur les lignes de juin 1967. C’est la première fois que le Hamas participe à des élections générales, après avoir boycotté les scrutins de 1996 et 2005, au motif que la constitution d’un gouvernement sous occupation étrangère était une mascarade. Le parti islamique n’a pas fourni une argumentation cohérente sur son changement d’attitude, puisqu’aussi bien, la Palestine de 2006 continue d’être occupée, de plus en plus sévèrement.
Les bureaux du Hamas à Jérusalem ont ainsi été perquisitionnés par la police israélienne, qui a arrêté les candidats de ce parti, dont Mohammed Abou Tir, qui vient de passer 25 ans dans les prisons israéliennes, et au lendemain d’une interview dans laquelle il évoquait la perspective d’une coexistence prolongée entre Israël, et un Etat palestinien établi dans les frontières de juin 1967 (Cisjordanie, Jérusalem-Est, Gaza).
Comme pour démontrer que l’exclusive lancée contre le Hamas n’était qu’un prétexte, la police israélienne a également arrêté les candidats d’une liste laïque classée à gauche, en l’occurrence la liste Al-Badil (« l’Alternative »), dont la figure de proue est Yasser Abed Rabo, artisan palestinien du célèbre projet de compromis connu sous le nom « Accord de Genève » ! Des correspondants de Jérusalem nous indiquaient de leur côté mardi que la police et la mairie infligeaient aux candidats des amendes exorbitantes pour « affichage illégal », sans fournir aucun emplacement leur permettant de faire un minimum de propagande électorale.
En Cisjordanie, le renforcement de l’occupation a connu depuis un mois un développement spectaculaire, qui affecte toute la vie des Palestiniens, et y compris, par conséquent, le déroulement d’un semblant de campagne électorale.
Sur fond d’assassinats ciblés et de rafles, l’armée a hermétiquement coupé depuis fin décembre l’ensemble de la Cisjordanie en plusieurs morceaux, rapportent séparément la reporter de Haaretz Amira Hass et le Centre Palestinien des Droits de l’Homme (PCHR).
Les routes principales entre Tulkarem et Jénine, celle reliant ces villes à Naplouse, la route de Naplouse à Ramallah, celle reliant Ramallah à Jérusalem, et plusieurs autres axes importants sont fermés à la circulation des Palestiniens (hors « cas humanitaires » et V.I.P. dépendant du bon vouloir de l’occupant), les 800.000 habitants de la Cisjordanie du Nord se retrouvant ainsi coupés du reste du territoire, et coupés entre eux. Le PCHR a établi que les barrages et checkpoints de l’armée israélienne en Cisjordanie (un territoire de 5.500 km2, soit la superficie d’un département français moyen) sont actuellement au nombre de 400 !
Mais c’est dans ces conditions, où les candidats sont privés de toute possibilité de déplacement, que des observateurs internationaux sont arrivés sur place. Fermant les yeux sur le caractère monstrueux d’une compétition ouvertement sabotée par Israël, ils sont là pour juger de la « transparence » d’un scrutin dont leurs chefs, à Bruxelles, Paris ou Washington, ont déjà fixé les règles : « votez bien, sinon il n’y aura plus de financements internationaux » !
Enfin, si les candidats peuvent à peu près faire campagne à Gaza, ils ne peuvent ni en sortir pour se rendre en Cisjordanie, ni accueillir quiconque en provenance de Cisjordanie, le bouclage entre les deux zones restant complet, contrairement aux promesses faites, et non tenues, par Sharon à la « communauté internationale ». Mais il serait mal venu de réveiller le vieux soudard, toujours dans le coma, pour lui demander des comptes.
Par CAPJPO-Europalestine