Nus reproduisons un article publié par le journal italien de gauche « Il Manifesto » concernant la décision de l’UE de couper les vivres au gouvernement palestinien.(Traduit pas Marie-Ange Patrizio).
« La décision de l’UE de suspendre toute aide financière à la Palestine est aveugle si ce n’est provocatrice. On veut espérer qu’elle ne soit qu’aveugle, parce que, dans le second cas, cela voudrait dire que ce peu qui existe d’Europe est aux mains de dirigeants dangereux, déterminés à aggraver sans fin le conflit au Moyen-Orient. Mais la cécité aussi fait peur.
Qu’attend-on du fait d’affamer un petit pays, déjà détruit dans ses rares infrastructures que l’AP avait essayé de construire, par les coups ciblés du gouvernement israélien, pays privé de ressources, ou, comme dans la bande de Gaza, réduit à la misère extrême pour avoir voté majoritairement pour le Hamas ? Et avec la motivation, réaffirmée par l’UE, que le Hamas n’ait pas déclaré renoncer sur le principe à la violence et reconnaître l’existence d’Israël ? En premier lieu, le Hamas quoiqu’en pense le Département d’Etat, est bien sûr un mouvement armé, mais qui n’a rien à voir avec Al Qaeda et autres Jihad qui apparaissent dans des pays cibles des Etats-Unis, mais agit exclusivement dans les territoires palestiniens, dans le but de les libérer de l’occupation.
On peut discuter de la justesse de la méthode. Mais le Hamas doit être vu pour ce qu’il est, un mouvement de libération nationale et il serait élémentairement raisonnable de se demander comment donc il en est arrivé à avoir un vote majoritaire dans l’unique nation moyen-orientale qui jusqu’à il y a dix ans était absolument laïque. Comment ne pas voir que la réponse est dans l’exaspération d’un peuple poussé aux extrêmes, après une occupation de trente-cinq ans, le seul à payer le refus des pays arabes de reconnaître Israël, qui s’était à son tour installé dans une terre arabe sans aucune consultation avec les habitants qui en étaient chassés ? Comment ne pas voir dans la politique d’Ariel Sharon, dont lui-même, fut ce sur le tard, était peut-être aussi en train de douter, un élément qui a facilité l’installation du Hamas, seule organisation qui tentait et arrivait à soutenir un pays détruit dans toutes ses infrastructures ?
Et comment ne pas se rendre compte que les politiques répressives n’ont jamais raison, à moins d’aller jusqu’à la véritable extermination, d’une opposition nationale ? Bien plus, elles l’exacerbent, et, en présence d’un rapport de forces aussi démesuré, la poussent vers l’action armée même terroriste ? Comment ne pas admettre que la ligne d’Ariel Sharon a été folle, comme celle de Bush avec l’Irak ? Comment ne pas se demander ce qu’a signifié refuser un dialogue sur des bases sérieuses et acceptables, qui n’a jamais -pas même à Taba- explicitement et même unilatéralement été avancé ? Comment ne pas reconnaître que, si une reconnaissance de l’existence d’Israël tarde de la part des pays arabes, le projet de grand Israël, jusqu’aux dernières élections, a continué à être dominant à Tel Aviv ?
Rester sur cette voie est d’une stupidité criminelle. On peut seulement espérer que le caractère « transitoire » de cette mesure amène à son abrogation dans les plus brefs délais. C’est une satisfaction bien maigre, pour ceux qui n’ont jamais cru que la démocratie pouvait être exportée ou importée par les armes, sans qu’en existent ou n’en soient sagement alimentées les bases, que de constater que celle-ci ne consiste pas qu’en de « libres élections ». Que les élections palestiniennes aient été libres, personne ne l’a mis en doute. Qu’une république islamique puisse être démocratique, dans le plein sens que nous donnons à ce terme, est impossible. Mais qu’est-il arrivé en Algérie quand le vote majoritaire obtenu par le Fis a été nié par la mise hors la loi de celui-ci ? Il s’en est suivi une guerre civile atroce, dont personne ne parle parce que le gaz algérien sert aux pays d’en face, en Méditerranée. Demain, on vote. La politique internationale a été totalement absente de cette campagne électorale, signe d’un dangereux provincialisme. Hors de chez nous, le monde est en ébullition. La victoire du centre gauche devra aussi, dans ses premières tâches, élargir l’attention d’un pays que Berlusconi a renfermé en lui même ou dans l’asservissement à l’égard des Etats-Unis ».
Editorial de samedi 8 avril de il manifesto,
http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/08-Aprile-2006/art1.html
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio