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« Le désastre humanitaire qui menace les Palestiniens », un article publié dans Le Figaro

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Le Figaro publie ce jeudi un article signé de plusieurs médecins, dont le Professeur Christophe Oberlin, de retour d’une 21ème mission médicale à Gaza.


Le désastre humanitaire qui menace les Palestiniens.

Par Christophe Oberlin, professeur de médecine, hôpital Bichat – Paris, responsable de missions chirurgicales en Palestine, Zulmar Accioli, professeur de médecine, hôpital de Florianopolis – Brésil, Christophe Denantes, médecin anesthésiste – hôpital Avicenne – Bobigny, Gilbert Lorre, médecin anesthésiste – Centre Hospitalier Départemental de La Roche sur Yon et Philippe Luxereau, cardiologue – Paris

« Nous étions la semaine dernière à Gaza pour notre vingt et unième mission. Notre action: plusieurs milliers consultations, plus de 500 interventions chirurgicales sur les blessés palestiniens, la formation, l’instauration d’un diplôme de microchirurgie (déjà six diplômés).
Le système de santé palestinien nous est ainsi familier, et aussi ses problèmes.

Les soins de santé primaires et les soins intermédiaires sont bons. Seuls présentent des insuffisances les soins les plus complexes, neurochirurgie, cardiologie, cancérologie… Le corps médical est conséquent, formé surtout à l’étranger. La langue anglaise est connue, la littérature médicale désormais accessible sur Internet. Plus de 1.000 médecins dans la bande de Gaza. Ce n’est pas le tiers monde !

QUELLE COHERENCE Y A-T-IL A FINANCER DES PROGRAMMES AVEC NOS DENIERS PUIS A TORPILLER CES MEMES PROGRAMMES ?

Mais la formation de la plus grande partie des spécialistes reste dépendante de l’étranger. En effet l’hôpital Makassed de Jérusalem Est, seul hôpital formateur de Palestine se meurt. L’hôpital est situé du côté israélien du mur de séparation : les patients de Cisjordanie n’y accèdent qu’avec une autorisation israélienne. Le personnel, issu pour les deux tiers de Cisjordanie, requiert des autorisations individuelles. Il peut être empêché à tout moment. Le chef du service d’anesthésie, en poste depuis 1987, vient de voir son permis suspendu, « pour raisons de sécurité ». Si l’on tient compte du fait que la moitié des patients viennent encore aujourd’hui de Cisjordanie en contournant le mur et les check- points, qu’en sera-t-il quand la construction du mur sera terminée ?

L’activité de Makassed, et la formation des spécialistes demeurent pourtant vitales. L’évacuation à l’étranger des pathologies lourdes représente un coût faramineux. Récemment, un jeune blessé paralysé à vie des quatre membres, évacué à tort, a laissé une facture de 450.000 euros, l’équivalent du coût de la formation en Jordanie pendant quatre ans de 10 chirurgiens !
Les évacuations pour cancer sont particulièrement coûteuses : faute d’IRM en Palestine, les bilans sont faits nécessairement à l’étranger, impliquant des transferts, souvent trop tardifs sur des patients en état dépassé, ce qui décuple les frais de traitement. Avec une IRM, on ferait mieux, et moins cher.

Or voilà qu’à la suite des récentes élections législatives, dont tous les observateurs ont reconnu l’exemplaire régularité, le Hamas l’a emporté. Avec pour conséquence l’arrêt immédiat de l’aide européenne.

Cette décision est dramatique.Depuis des années, la Palestine vit au bord du gouffre. Avec la perte des revenus des travailleurs journaliers en Israël, l’aide européenne est cruciale: elle assure le salaire des 140 000 fonctionnaires palestiniens, dans un pays où le chômage avoisine les 70 %, où 60 % de la population vit avec moins de deux dollars par jour. Un véritable drame se prépare, dont nous serions responsables, nous, Européens.
Prétendre continuer à « fournir l’aide humanitaire directement à la population», sans passer par le gouvernement, est un leurre. Bloquer par une pression sur les banques, l’aide financière que nombre de pays ou financeurs privés sont prêts à fournir, relève de la forfaiture. Cette décision est incohérente.

Notre travail, parti d’une initiative privée, a été financé par le Conseil de Paris, puis par des fondations privées. Limitées initialement au traitement chirurgical des paralysies par balles, le champ de nos missions s’est élargi progressivement à de toutes sortes d’activités médicales; à la demande des palestiniens, puis sur fonds de la Direction de l’Action Humanitaire du Ministère français des Affaires Etrangères, avec le plein soutien du consulat français.
Et voilà que notre maigre financement, public, n’est pas renouvelé pour 2006.Avons-nous démérité ? Notre travail serait-il devenu sans objet ? Plus grave : Gaza vient d’acquérir un centre de radiothérapie, indispensable pour traiter les cancéreux. La mise en route nécessite la présence de cinq expatriés pendant 18 mois. Le financement étant coupé, le projet s’arrête.
L’Hôpital Européen de Khan Younis vient de créer un centre de dilatations coronariennes, particulièrement utiles dans un pays ravagé par le stress, le diabète, le tabac, l’inactivité physique. Le personnel palestinien, formé, est en place. Or l’appareil est bloqué au passage de Karni, seul passage pour les biens autorisé par les Israéliens, « pour des raisons de sécurité ».

Quelle cohérence y a-t-il à payer, avec nos deniers, puis à torpiller les mêmes programmes ?
La faculté de médecine de l’université Al Qods, à Jérusalem Est, qui produit depuis cinq ans 60 médecins, est en état de banqueroute : 17 millions de dollars de dettes laissées par le gouvernement précédent, grève depuis quelques jours…

Et voilà que l’Union Européenne prétendrait n’accorder sa confiance qu’à un président désormais minoritaire, en état de cohabitation; ne voudrait avoir, et interdit à quiconque d’avoir le moindre contact avec les élus palestiniens. Quel exemple de respect démocratique donnons-nous ?
Cette mesure, imposée aux ONG qui travaillent en Palestine, a-t-elle la moindre crédibilité ? En d’autres termes, aurions-nous pu opérer plus de 500 Palestiniens sans l’aval du ministère de la santé? Il est urgent que l’Union Européenne accepte le dialogue avec un gouvernement librement élu. Un jour, la négociation s’est ouverte avec l’OLP. Le dialogue avec le Hamas viendra, nous le savons tous. Quel intérêt y aurait-il à provoquer délibérément un désastre sanitaire et social ? Une troisième Intifada ? »

Le Figaro, 27 avril. Page 14.

Reproduit par CAPJPO-EuroPalestine

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