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A lire et à faire lire : « L’héritage de Sharon : Détruire la Palestine (suite) » par Tanya Reinhart

« L’Etat d’Israël est devenu une force motrice dans la destruction des barrières établies par l’espèce humaine pour sa propre préservation », démontre Tanya Reinhart* dans on nouveau livre publié par les éditions La Fabrique. Un ouvrage qui permet de mieux comprendre comment le « désengagement » de Gaza a servi « d’écran de fumée », comment la construction du Mur « de séparation » permet de voler les terres palestiniennes les plus fertiles et de préparer le transfert de 400.000 Palestiniens, et comment l’Autorité Palestinienne a nui à lutte de libération palestinienne, en collaborant avec l’occupant.


Précisément documenté, le nouveau livre de Tanya Reinhart, qui avait publié en 2002 « Détruire la Palestine, ou comment terminer la guerre de 1948 » (Editions La Fabrique), est un outil précieux. C’est l’œuvre d’un observateur constamment attentif et d’une militante régulièrement au cœur de l’action.

LA FOURBERIE DU « PLAN DE DESENGAGEMENT DE GAZA »

Tanya Reinhart avait dès le début mis en garde la communauté internationale contre le « plan unilatéral de désengagement de Gaza » et analysé dans ses articles de presse, sa mise en œuvre (d’une lenteur étudiée) par Sharon pour éviter d’avoir à s’engager dans un processus de paix, pour ne pas appliquer la feuille de route, pour donner l’impression de faire d’énormes concessions et obtenir ainsi un quitus de la part des gouvernements américain et européens, et pouvoir mener à bien « un grand projet de nettoyage ethnique dans la partie de la Cisjordanie mitoyenne avec Israël ».

Ici, elle reproduit diverses interventions de responsables israéliens expliquant leur tactique, comme celle-ci :

« En fait, le désengagement fonctionne comme du formol. Il fournit la quantité de formol nécessaire pour bloquer le processus politique avec les Palestiniens (….) Et quand vous gelez ce processus, vous évitez l’établissement d’un Etat palestinien, vous évitez toute discussion sur les réfugiés, les frontières et Jérusalem » (Dov Weissglass, cité par Ari Shavit dans « The big Freeze »).

Elle montre comment les Israéliens se vantent également d’avoir obtenu des Etats-Unis, en contrepartie du « retrait de Gaza » l’extension de grands blocs de colonies en Cisjordanie (avec la construction de trois fois plus de maisons que le nombre « abandonné » à Gaza), le déplacement du Mur vers l’Est, le changement de son tracé au Nord de manière à pouvoir s’accaparer des terres palestiniennes qui recouvre une grande nappe phréatique.

UNE « NOUVELLE NAKBA » EN MARCHE

De même que Tanya Reinhart avait montré dans son premier livre la finalité des accords d’Oslo, destinés à annexer à Israël 40 % de la Cisjordanie, elle prouve que Sharon et ses successeurs n’ont jamais perdu de vue cet objectif, actuellement en cours de réalisation. Dans un premier temps, il s’agit d’amener des centaines de milliers de Palestiniens à quitter leurs villages désormais privés de terres et à aller chercher du travail dans les faubourgs des villes de Cisjordanie, comme à Kalkilya et à Tulkarem. Dans un deuxième temps, les dirigeants israéliens espèrent que beaucoup de Palestiniens ainsi appauvris et désespérés finiront par quitter ces enclaves pour aller s’installer dans d’autres pays…comme l’Irak.

Exemples et textes de l’armée à l’appui, ont voit comment les dirigeants israéliens ont systématiquement rompu toutes les trêves acceptées par les divers mouvements palestiniens et ont toujours « considéré l’arrêt du terrorisme comme une menace et non comme un progrès ». Chaque fois qu’une « menace de trêve » pointait, « l’armée israélienne intensifiait les arrestations, tirs, démolitions de maisons et bouclages ». Tous les « attentats ciblés » contre des dirigeants de mouvements de la résistance palestinienne, prouve ainsi l’auteur, ont été commandités au lendemain d’annonces de trêve par le Hamas et le Jihad Islamique.

Quand à la Bande de Gaza elle-même, l’ouvrage montre qu’il n’a jamais été question pour le gouvernement israélien de renoncer à sa main mise sur cette étroite bande de terre surpeuplée. Il fallait qu’elle reste une grande prison avec un nouvel avantage : ne plus avoir à s’occuper de la survie des prisonniers, et se dégager complètement des obligations de la 4ème convention de Genève qui stipule que l’occupant est responsable du maintien des conditions de vie du peuple occupé.

Non contents d’avoir détruit plus de 3000 maisons entre fin septembre 2000 et fin avril 2004, supprimant ainsi leur toit à plus de 18 000 Palestiniens de la Bande de Gaza (rapport d’Amnesty International, mai 2004), les dirigeants israéliens « ont remplacé une forme d’occupation par une autre », mais qui parmi les médias qui ont fait tant de bruit autour du « désengagement », en parle ? interroge Tanya Reinhart.
Impossibilité de communiquer avec la Cisjordanie et le reste du monde en dehors d’un poste contrôlé par la sécurité israélienne à la frontière égyptienne, bombardements, bang supersoniques t ondes de choc, dont les effets psychologiques sont comparables à des tremblements de terre, et autres méthodes « éducatives » ayant pour but d’ « encourager la population palestinienne à faire quelque chose contre le terrorisme ».

COMMENT PROVOQUER UNE GUERRE CIVILE ENTRE PALESTINIENS ?

Les différentes stratégies israéliennes pour provoquer une guerre civile entre Palestiniens et amener la société palestinienne à s’autodétruire sont multiples et variées. « La sécurité israélienne n’est jamais à court de créativité », remarque Tanya Reinhart.

La plus vieille des méthodes consistant à corrompre une partie des dirigeants palestiniens pour s’assurer leur collaboration.
« En échange de la reconnaissance de l’OLP, Israël attendait de l’Autorité qu’elle contienne le mécontentement palestinien et qu’elle veille à la sécurité des colons. C’est ce qui fut fait », résume Tanya Reinhart, rappelant que « sous la direction d’Ytzhak Rabin, Israël exploita la faiblesse d’Arafat pour renforcer l’occupation sous une nouvelle forme ».

« La première Intifada était une résistance populaire, organisée et dirigée par des comités locaux de villes et de villages. Mais quand Arafat et les siens sont revenus d’exil, ils ont détruit cette base populaire et l’ont remplacée par un système de contrôle central appuyé sur des services de sécurité travaillant en étroite collaboration avec les Israéliens. Au fil du temps, à partir de 1993, ce système a abouti à une corruption de république bananière. »

« « Dans les 6 ans écoulés depuis son établissement, écrivait en 2000 Ramsay Baroud s’appuyant sur un rapport d’Amnesty International, l’Autorité palestinienne a mis en prison des dizaines de défenseurs des droits de l’homme, de journalistes, de personnalités religieuses, d’écrivains, d’employés du gouvernement, de syndicalistes et d’enseignants qui n’avaient fait qu’exercer leur droit légitime à la liberté d’expression ».

« Si les politiques de l’Autorité palestinienne et du Fatah n’ont fait que rester passifs dans la lutte de Libération, analyse Tanya Reinhart, une partie des forces de sécurité a activement collaboré avec les occupants, notamment la sécurité préventive, commandée par Mohammed Dahlan à Gaza et Jibril Rajoub en Cisjordanie. Ces forces, entraînées par la CIA, ont travaillé pendant toutes les années d’Oslo en étroite liaison avec la sécurité israélienne, y compris dans l’assassinat de militants du Hamas ».

Ce qui explique la fureur israélienne après les dernières élections et les consignes dictées au monde entier, en essayant de s’appuyer sur des sentiments islamophobes. :
« La majorité des électeurs palestiniens, observe Tanya, a donc choisi de voter pour un parti qui n’a pas de passé de collaboration et qui, pensent-ils, ne pourra pas être forcé à collaborer dans l’avenir. Pour Israël cela signifie la perte de tout le réseau de contrôle construit dans les territoires depuis 1993. La sécurité palestinienne, soumise au nouveau gouvernement ne sera plus manipulable »

Que va-t-il se passer maintenant ? L’auteur n’a pas de solution miracle. Seule la solidarité internationale, à commencer par celles de militants israéliens courageux qui vont régulièrement manifester contre la construction du mur, aux côtés des Palestiniens, offre une lueur d’espoir.

La description des violences exercées par l’armée israélienne aux ordres d’un gouvernement prétendûment démocratique contre des manifestants pacifiques palestiniens, israéliens et internationaux est une démonstration du caractère mensonger de la propagande israélienne, à double titre : parce qu’elle montre que la violence israélienne s’exerce en dehors de toute considération sécuritaire, et par ailleurs qu’Israël est malvenu d’exiger du Hamas le renoncement à la violence alors que l’armée israélienne est autorisée à y recourir en toutes circonstances et en violation de toutes les lois internationales.

Ce qui amène Tanya Reinhart à conclure : « L’Etat d’Israël est devenu une force motrice dans la destruction des barrières établies par l’espèce humaine pour sa propre préservation ».

« L’héritage de Sharon » aux Editions La Fabrique, 239 pages, 15 euros.

* Tanya Reinhart, que notre association CAPJPO EuroPalestine, a accueilli à plusieurs reprises en France, est professeur émérite à l’université de Tel Aviv et professeur de linguistique à l’Université d’Utrecht (Pays-Bas).

Eric Hazan, responsable des Editions La Fabrique et traducteur du livre de Tanya, viendra en faire une présentation lors de notre prochaine réunion à Paris, le lundi soir 15 mai prochain. Si vous souhaitez y assister, merci de nous contacter à info@europalestine.com

CAPJPO-EuroPalestine