Un vendredi « ordinaire » à Bil’in, pour la manifestation hebdomadaire contre le mur, en présence de policiers israéliens chaque fois plus brutaux à l’encontre des Palestiniens, des internationaux et des Israéliens.
Récit de Adam Keller de Gush Shalom
« Mercredi dernier, nous avions rencontré Matan Cohen. Matan, 17 ans, vétéran de cette lutte longue de plusieurs années contre du mur, a été atteint aux yeux par une « balle en caoutchouc » et les médecins sont loin d’être certains de pouvoir lui rendre la vue. Mais ce n’est pas tant de lui qu’il parlait que la situation à Bil’in : « Il y a une nouvelle unité chargée de la région (…) La violence est en train d’empirer, et les gens sont fatigués, après un an et demi de manifestations et de confrontations avec l’armée semaine après semaine. Nous faisons un véritable effort pour ce vendredi, nous avons besoin que tous ceux qui le peuvent soient là ». Qui pourrait résister à un tel appel ?
Alors nous y étions une fois de plus. Les Israéliens et internationaux s’étaient réunis le matin du 2 juin à la Maison internationale (la maison de l’organisateur de Bil’in), maison dont le rez de chaussée a été mis à la disposition des militants. Des pancartes blanches étaient étalées sur le sol et les militants apportaient le plus grand soin aux couleurs et aux graphiques tout en sachant que leur artisanat était destiné à n’avoir qu’une vie brève et que dans deux heures, voire moins, ces pancartes seraient déchirées et brûlées.
Un jeune palestinien est entré : « Soyez prêt, la prière du vendredi est presque terminée ». Alors nous nous sommes regroupés dehors nous mêlant aux villageois dont le flot sortait de la mosquée et se dirigeait à l’ouest vers le Mur. Au son rythmé des tambours avec les pancartes et les drapeaux palestiniens flottant haut, avec des tas de t-shirts pacifiques et révolutionnaires et des foulards arabes traditionnels (…). Il y avait très peu de « VIP » pour défiler ; RAfiq al-Huseini, chef d’état major de président Mahmoud Abbas, Sari Nusseibeh, président de l’université d’Al Qods, l’ancien candidat à la présidence Mustafa Barghouti, et du côté israélien Ury Avnery de Gush Shalom et le député du Hadahs, Muhammad Barakeh.
On nous avait préparé une réception spéciale : d’abord, une série de chevaux de frise barbelés devant le mur officiel qui divise la terre de Bil’in. Et que les villageois ont précautionneusement repoussé.
Juste derrière, les garde-frontières, la section des coups fourrés de la police israélienne, et trois voitures blindées côte à côte avec à peine un petit espace entre elles. Des manifestants se sont précipités affrontant les garde-frontières qui se tenaient en haut, experts dans le maniement des matraques et frappant les têtes. Quelques manifestants israéliens et palestiniens se sont arrangés pour passer, conduits par l’infatigable Yonathan Pollak. Mais ceux qui ont voulu suivre ont reçu une pluie de coups qui les ont obligés à reculer.
Une foule énorme regardait cette scène manifestant une colère grandissante : « Regardez ce salaud, qui rigole pendant qu’il est en train de frapper ; il est content de lui ! Salauds, Salauds », c’était peu avant que les pierres commencent à voler. Les organisateurs de Bil’in ont voulu s’interposer, en criant sans arrêt « pas de pierres, pas de pierres ». A ce moment, les soldats ont démarré un barrage lourd de bombes lacrymogènes ; les garde-frontières ont tiré des lacrymo et des grenades à percussion, mais s’en se priver de leurs gourdins et matraques, s’en donnant à coeur joie.
Des escouades se sont ensuite mis à tirer dans la foule. Bientôt des porteurs de civières transportaient les militants blessés, certains à peine conscients, dans l’ambulance palestinienne du Croissant Rouge. Des gros bras de la police ont alors ramassé un jeune villageois, probablement au hasard, et se sont mis à le traîner devant la voiture. Il se débattait et criait, puis tomba par terre en se dégeant de cette emprise. Avant qu’ils aient pu le saisir, un Israélien s’est mis à sa place, dominant le palestinien à terre, en exhibant devant les policiers les deux bannières du Gush Shalom. Le commandant des garde- frontières a alors haussé les épaules et envoyé ses hommes ailleurs.
Après un quart d’heure d’une mêlée sauvage, les choses se sont ordonnées d’elles-mêmes en deux files se faisant face.
Derrière le dos des policiers, un manifestant s’est montré et s’est mis à leur gauche, comme s’il faisait partie de leur ligne, en agitant ironiquement une pancarte portant l’inscription « Israël, état voleur ». Les militants israéliens ont hurlé en hébreu « Honte à vous ! Honte, honte ! Larbins de l’occupation ! Refusez, refusez ! »
Brusquement, on a clairement entendu un commandant des garde-frontières, au-dessus du brouhaha, crier à ses hommes porteurs de matraques : « Cassez leur les os ! »
Immédiatement, le député Barakeh a interpellé le gradé :
« Il y a des medias ici. On vous a enregistrés en train de donner l’ordre de nous briser les os. Je vais porter plainte. »
« Etes-vous êtes en train de nous menacer ? », a répliqué l’officier.
Barakeh : « Je porterai plainte contre vous aussi ».
L’officier s’est tourné vers ses hommes et a hurlé « Vous êtes témoins, il menace un officier »
Barakeh : « Oui, oui, moi, membre du parlement auquel vous avez des comptes à rendre, je vous menace au nom des clauses de sauvegarde des libertés individuelles ».
Traduit par C. S. pour CAPJPO-EuroPalestine