Le Conseil de Sécurité des Nations-Unies, convoqué dimanche à la demande de son secrétaire général Kofi Annan à la suite du massacre de Cana, a refusé de condamner Israël pour ce nouveau carnage, et a différé jusqu’à mercredi au moins toute prise de position sur la guerre.
De même, le Conseil de Sécurité -présidé par la France jusqu’à lundi soir-, a entériné le départ prochain du Liban de la force des Nations-Unies (la FINUL), comme l’exige Israël, qui a bombardé systématiquement les Casques Bleus ces derniers jours, tuant 4 d’entre eux et en blessant plusieurs autres. Le mandat de la FINUL a été prolongé d’un petit mois seulement, à peine le temps de plier bagage.
Il n’est évidemment même pas question que l’ONU se penche sur les territoires palestiniens occupés où, à l’ombre des exactions commises contre le Liban, Israël poursuit ses crimes en toute impunité : à Naplouse, un commando de gardes-frontières (le corps d’appartenance du nommé Arno Klarsfeld) habillés en civil assassine deux jeunes hommes désarmés en pleine rue, tandis qu’à Gaza, c’est un adolescent de 17 ans qui a été tué, lundi, par un tir d’obus.
Mais ce même Conseil de sécurité, dont tous les membres permanents possèdent des arsenaux nucléaires (Etats-Unis, Russie, Grande-Bretagne, France et Chine) a voté lundi une résolution ordonnant à l’Iran d’arrêter avant le 31 août toute activité d’enrichissement ou de retraitement de l’uranium, sous peine des sanctions les plus lourdes. Sur les 15 membres du Conseil, 14 ont voté la mesure, seul le Qatar s’y opposant.
L’émotion affichée par les dirigeants des grandes puissances à la découverte du massacre des femmes et des enfants de la ville libanaise de Cana n’était donc que de façade, et les généraux qui gouvernent Israël l’ont bien compris.
Même la suspension des opérations aériennes israéliennes (et des seules opérations aériennes) pour une durée de 48 heures seulement, annoncée à grands cris par un porte-parole américain dans la soirée de dimanche, n’aura duré que quelques heures.
La journée avait pourtant « bien » commencé, le Hezbollah prenant officiellement acte de ce qui pouvait s’apparenter à une trêve observée côté israélien, et s’abstenant de son côté de tirer des roquettes en direction du territoire israélien. Mais dès le milieu de la matinée, l’aviation israélienne recommençait, bombardant des cibles aussi « stratégiques » qu’un poste des douanes libanaises sur la frontière syrienne, des soldats libanais au nord de Tyr, et encore et toujours des civils sur les routes du sud-Liban. La résistance libanaise ripostait alors avec ses Katyushas.
Puis, à la mi-journée, la direction israélienne a hurlé qu’il n’était question, ni de trêve, ni de cessez-le-feu, le Premier ministre Ehud Olmert, singeant le défunt Winston Churchill pour promettre à son peuple « du sang, de la sueur et des larmes ».
Israël : les militants anti-guerre résistent avec courage à une furie orchestrée
En Israël même, l’annonce du massacre de Cana a fait descendre dans la rue des milliers de manifestant de la minorité palestinienne du pays, victime, à la fois, du nationalisme anti-arabe qui empoisonne plus que jamais la majorité juive, et, pour les habitants du nord du pays, des tirs de roquettes approximatifs du Hezbollah, qui ont atteint des localités aussi bien juives qu’arabes dans le nord du pays (voire mixtes, comme à Haïfa par exemple), faisant plusieurs morts civils. Pourtant, l’immense majorité des Palestiniens israéliens considère que c’est le gouvernement israélien qui a l’écrasante responsabilité de la tuerie, et le carnage de Cana n’a pu que conforter les sentiments d’une population en butte au racisme de l’Etat juif depuis des décennies.
La pression nationaliste est tout aussi forte sur la population juive. Elle l’est d’autant plus que depuis l’attaque sur le Liban, les médias hébreux, qui avaient jusque là proposé un éventail d’opinions relativement diversifié au public, se sont eux aussi convertis, à 99%, à la couleur kaki de l’Etat-major. « Il faut en finir », « C’est eux ou nous », « Pas de trêve, guerre à outrance » s’entendent et se voient désormais à n’importe quelle heure du jour dans les éditoriaux des journaux, des radios et des télévisions.
Les Israéliens juifs les plus lucides n’en ont que plus de mérite à crier haut et fort « Pas en notre nom ».
Le vieux militant Uri Avnery, animateur du mouvement Gush Shalom, nous apprend, dans une correspondance, qu’un peu partout en Israël, des jeunes et moins jeunes, militants de son association, ou bien du mouvement judéo-arabe Taayush, ou des Anarchistes contre le Mur, ont manifesté spontanément dimanche, bien peu nombreux (quelques centaines pour tout le pays, selon les recoupements faits par Gush Shalom) mais déterminés.
Uri Avnery précise, notamment à l’attention de ses lecteurs étrangers, que le mouvement « La Paix Maintenant », était non seulement absent de ces manifestations, mais qu’il a même fait des communiqués de presse pour préciser qu’il ne s’opposait nullement à la guerre, bien au contraire !
Ironiquement, Uri Avnery rapporte aussi que les voyous qui ont tenté de perturber la manifestation anti-guerre de dimanche à Tel-Aviv n’appartenaient pas, comme c’est le cas habituellement, aux groupes fascisants tels le Bétar ou la Ligue de Défense Juive, mais … au Parti Travailliste (« socialiste ») !
Enfin, on a appris que l’armée avait prononcé une première peine contre un Refuznik de la guerre du Liban, Amir Fester, qui passera 28 jours en prison. Les gens comme Amir Fester et Uri Avnery sont archi-minoritaires, aujourd’hui, dans la population juive israélienne. Mais c’est à eux que va notre solidarité.
Par CAPJPO-EuroPalestine