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Un éditorial de Noël Mamère

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Nous publions, ci-dessous, un éditorial du député-maire de Bègles (Gironde), Noël Mamère, sur la guerre au Liban, paru sous le titre « Une politique intérieure mondiale » Edito du lundi 24 juillet Source – http://noelmamere.org/article.php3?id_article=p2


Deux semaines que l’offensive israélienne contre le Liban se poursuit. Près de 400 morts libanais et de 40 israéliens, des milliards de dollars de dégâts et un pays détruit méthodiquement dans le silence assourdissant de la communauté internationale. Chacun évacue ses ressortissants et plus personne ne s’offusque lorsque Washington, Berlin et Londres laissent encore une semaine à Israël pour régler le problème … c’est -à- dire pour détruire un peu plus un pays dont tout ce beau monde célébrait il y a encore quelque temps la renaissance après 25 ans de guerre civile et d’occupation.

Ecoeurement. C’est le seul terme qui me vient à l’esprit devant ce bal des hypocrites qui, après l’assassinat de Rafic Hariri, célébra la démocratie libanaise retrouvée et promit d’aider ce petit pays convalescent. La punition collective qu’inflige aujourd’hui Israël au peuple libanais est cautionnée par tous ceux qui, hier encore, faisaient mine de soutenir cette démocratie multiconfessionnelle, construite de bric et de broc. Le Liban est abandonné alors même que ses citoyens, exemple unique au Moyen-Orient, tentent d’unir une nation improbable, héritière de l’histoire de la civilisation du Livre où les cultures, les religions, les peuples se croisent, s’entremêlent, en un incroyable patchwork.

Après deux semaines de combats deux enseignements sont à retenir de cet embrasement : d’abord, la méconnaissance de la psychologie des peuples dont font preuve les élites mondiales ; ce qui se passe au Liban est identique à ce que l’on observe en Israël après chaque attentat contre les populations civiles : un mécanisme de solidarité humaine est en train de faire nation, de fabriquer du lien entre chrétiens et musulmans, entre druzes, sunnites, chiites, orthodoxes, catholiques, arméniens et les dizaines d’autres communautés recensées au pays des Cèdres (si ravagé par les guerres qu’il ne reste plus de cèdre que sur le drapeau !). Pour la première fois, les chrétiens accueillent des réfugiés chiites dans leurs maisons et les traitent comme des membres de leur propre communauté. Les libanais sont lassés de la guerre et lucides sur le rôle du Hezbollah dans cette affaire mais ils se sentent d’abord libanais et ne veulent pas que l’on règle leur problème interne à leur place. Ils ont chassé les syriens par leur mobilisation propre, ils pouvaient régler le problème de l’armement du  » Parti de Dieu « . Ce dernier invoque deux prétextes pour continuer à revendiquer son statut de mouvement de résistance : l’évacuation des fermes de Chaaba et la libération des quelques prisonniers libanais restant. Il est possible de régler ces deux litiges et de négocier l’intégration des miliciens dans l’armée nationale libanaise. Car, contrairement à ce que la vulgate médiatique laisse penser le Hezbollah n’est pas une simple émanation de la Syrie et de l’Iran mais un mouvement national libanais, représentatif du tiers de la population qui, par son rôle dans la résistance à l’occupation du sud Liban par Israël et par son travail social dans les banlieues pauvres de Beyrouth, de Tyr ou de Saïda, a su conquérir l’estime d’une grande partie de la population. On peut faire l’autruche devant les faits mais les faits comme le disait un expert en real politique  » sont têtus « . L’illusion d’imposer par la force aux peuples du Proche Orient la démocratie et la politique qu’ils doivent suivre est tenace en Occident et, malgré le désastre Irakien, ô combien prévisible, le recours à la force militaire brute est le seul langage que comprennent les chancelleries en ce qui concerne cette région. En fait, ils encouragent un engrenage bien connu – et c’est la deuxième leçon – cette machine infernale née sur un territoire grand comme quelques départements français va avoir des conséquences sur notre vie quotidienne.

Depuis le 11 septembre, nous sommes entrés dans l’ère de la politique intérieure mondiale. Les crises que nous vivons à l’ère de l’information nous touchent directement. Il n’y a plus d’évènements  » lointains  » mais une interdépendance qui influe directement sur notre sort. Un des épicentres de cette fracture politique terrestre est le conflit israélo – arabe. Nous ressentons en France plus fortement encore les secousses telluriques de ce tremblement de terre géopolitique parce que les communautés juive et arabe sont fortement présentes. Depuis la seconde Intifada, en septembre 2000, l’identification d’une partie de la jeunesse des banlieues aux Palestiniens a eu pour conséquence directe le développement d’actes judéophobes inacceptables qui a nourri parallèlement un climat d’islamophobie dangereux. Toute baisse de tension – et inversement toute amélioration – dans la confrontation des peuples là-bas a des conséquences ici. Le  » choc des civilisations  » théorisé par Samuel Huntington n’est que l’extension médiatisée et globalisée des guerres de religion d’antan. Par définition cette globalisation ne nous est pas extérieure.

Du niveau mondial à l’échelon local, l’agir et la pensée sont tellement imbriqués que l’on peut même parler de « glocalisation « du politique. Cette cannibalisation du monde emporte tout sur son passage. Chacun d’entre nous doit se sentir concerné par le désastre programmé du Liban.

Noël Mamère, le 24 juillet 2006

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