Amira Hass a bien compris ce qui se cache derrière les récents affrontements à Gaza : l’action concertée d’une fraction du Fatah et d’Israël pour se débarrasser des dirigeants élus et reprendre le cours tranquille de la collaboration avec l’occupant.
« Ce n’est pas une affaire intérieure palestinienne »
L’expérience a réussi. Les Palestiniens sont en train de s’entretuer à Gaza. Ils se conduisent exactement comme on s’y attendait à l’issue de cette grande expérience intitulée : « Que se passe-t-il quand vous emprisonnez 1,3 millions d’être humains dans un espace fermé semblable à un élevage en batterie de poules ».
L’expérience s’effectue par étapes : on emprisonne (depuis 1991), on supprime les moyens habituels de vie, on boucle les accès vers le monde extérieur presque hermétiquement, on détruit les outils de production en empêchant l’entrée de matières premières, le commerce des marchandises et des produits, on empêche l’entrée normale de médicaments et de fournitures hospitalières ; on nene permet aucune denrées fraîches pendant des semaines sans fin, on interdit des années durant l’entrée de parents, de professionnels, d’amis, et on sedébrouille pour que des milliers de gens, malades, chefs de famille, professionnels, enfants, restent coincés à des grilles fermées de la seule issue de Gaza parlaquelle on entre et on sort.
Ensuite, vous volez des centaines de millions de dollars (taxes et droits de douane perçus par Israël qui appartiennent au Trésor palestinien) pour empêcher pendant des mois le paiement des salaires déjà bas de la plupart des fonctionnaires, vous présentez le lancement de roquettes Quassam artisanales comme une menace stratégique que l’on ne peut contrer qu’en tuant femmes, enfants et vieillards, vous bombardez les quartiers d’habitation trsè peuplés, détruisez vergers, arbres fruitiers, et champs, puis envoyez vos avions lancer des bangs supersoniques pour effrayer la population; vous détruisez la nouvelle centrale électrique et obligez ainsi les habitants de la Bande de Gaza complètement bouclée à vivre sans électricité la plupart du temps pendant des périodes de quatre mois d’affilée, ce qui au final ressemble à une année entière – en d’autres termes, un an sans réfrigérateur, sans ventilation, sans télévision, sans lumière pour travailler et lire, et sans réserve d’eau, laquelle dépend des réserves électriques.
C’est la bonne vieille expérience israélienne intitulée « mettez les dans une cocotte minute et regardez ce que cela donne », et c’est bien pourquoi il ne s’agit pas d’une affaire strictement palestinienne.
La réussite de l’expérience peut se voir dans les miasmes de désespérance qui planent sur la Bande Gaza et dans les querelles de clans qui y éclatent presque quotidiennement, beaucoup plus que dans les querelles entre le Fatah et le Hamas. on ne peut que s’émerveiller que ces affrontements ne soient pas plus fréquents, et que certains liens de solidarité interne aient été maintenus, qui sauvent les gens de la faim.
A la différence des affrontements entre clans, les luttes de dimanche à Gaza et la campagne de destruction et d’intimidation, principalement dans des villes de Cisjordanie, n’ont pas été le résultat d’une perte momentanée de contrôle. On les présente généralement comme des bagarres entre milices, chacune représentant une moitié de la population, mais en vérité elles ont été initiées par un groupe interne au Fatah pour porter quelques coups supplémentaires au cercueil des dirigeants élus.
Les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne, en d’autres termes du Fatah, celles dont a la charge Mahmoud Abbas, se cachent derrière la véritable détresse et les protestations des fonctionnaires qui n’ont pas reçu leurs salaires depuis des mois.
Et cela en dépit du fait que tout le monde sait que l’incapacité à payer leurs salaires n’est pas liée à un échec de gestion, mais à la politique israélienne Ces forces ont été lancées pour semer l’anarchie organisée, comme on l’enseignait à l’école de Yasser Arafat.
Et pourquoi cela aussi est-il une affaire israélienne ? Parce que ceux qui ont lancé ces militants ont un intérêt commun avec Israël, qui est de revenir à la situation où le leadership palestinien collaborerait avec israël et donnait l’impression qu’il menait des pourparlers de paix, pendant qu’Israël poursuit son occupation et que la communauté internationale envoie de l’argent sous forme de salaires pour les Palestiniens.
Et il y a une autre raison pour laquelle c’est aussi une problème interne israélien : quel que soit le résultat, les affrontements entre palestiniens et le risque de guerre civile affectent directement environ 20% des citoyens israéliens, les Arabes. Ils affectent les Arabes et aussi ces segments du public israélien qui n’ont pas oublié qu’Israël reste la force occupante et dominatrice, aussi longtemps qu’un Etat palestinien dans tous les territoires occupés en 1967 ne sera pas réalisé.
Haaretz 4 octobre
http://www.haaretz.com/hasen/spages/770053.html
Traduit par Carole Sandrel pour CAPJPO-EuroPalestine
CAPJPO-EuroPalestine