Pour commencer l’année par une nouvelle sympathique, cette décision prise par le gouvernement bolivien d’exiger, à compter de ce premier janvier 2007, un visa pour les citoyens des Etats-Unis qui souhaitent se rendre en Bolivie. C’est ce qu’on appelle le « principe de réciprocité », comme le souligne très justement Maurizio Matteuzi dans cet article publié par le quotidien italien Il Manifesto, et traduit par Marie-Ange Patrizio.
« Réserves indiennes »
Maurizio Matteuzzi
« A-t-on jamais vu un indien imposer un visa d’entrée dans les réserves à un blanc ? A partir du 1er janvier 2007, les citoyens des Etats-Unis devront demander un visa pour entrer en Bolivie, qui, jusqu’à il y a peu de temps, a été une des plus classiques (et riches) réserves indiennes. C’est le président Evo Morales, indien aymara, qui l’a décidé à la réunion du gouvernement convoquée à minuit entre le 31 décembre et le 1er janvier au Palacio Quemado de La Paz. Jour étrange et heure étrange pour un conseil des ministres. Symboliques. Pour dire qu’à partir de 2007, une époque s’est terminée et une autre vient de commencer.
Le décret de Evo pourrait apparaître comme un prêté pour un rendu de la part de quelqu’un qui passe pour être trop ami avec Fidel Castro et Hugo Chavez, et donc ennemi de Georges Bush. Ce n’est pourtant que l’application de la règle d’or de la diplomatie de n’importe quel pays souverain. « Le principe de réciprocité », comme a déclaré hier le ministre des affaires étrangères bolivien David Choquehuanca, nom et tête d’aymara. Les Etats-Unis exigent un visa d’entrée pour les citoyens boliviens, la Bolivie exige un visa d’entrée pour les citoyens étasuniens. Ni plus ni moins. Mais cela fait quand même un drôle d’effet de savoir que dans une Bolivie qui est pour la première fois indépendante après 200 ans d’ « indépendance », les Etats-Unis sont passés du premier au troisième rang. Du premier rang, les pays dont les citoyens n’ont pas besoin de visa d’entrée, au troisième rang. Avec l’Angola, le Bhoutan, le Tchad, le Congo, la Somalie, le Rwanda, le Yémen, l’Indonésie, et Taiwan (et la Chine).
Ces derniers temps, la vieille « arrière-cour » donne des signes d’impatience. Il y a deux ou trois ans, le Brésil de Lula a imposé aux citoyens étasuniens qui allaient passer l’hiver sur les plages de Rio, l’obligation humiliante de laisser leurs empreintes digitales (là aussi, réciprocité). Aujourd’hui la Bolivie de Evo. Mais aussi du gaz et du pétrole, et de la coca. Toutes denrées qui font un tabac sur le marché Us.
Alors en avant pour le visa. Dans l’attente de savoir si la prochaine étape sera d’obliger les boliviens qui veulent débarquer aux Etats-Unis à révéler – comme l’Europe a accepté de le faire, vient-on d’apprendre – le numéro de leur carte de crédit et leur email, ce qu’ils mangent et avec qui ils couchent, et pour quelle équipe de foot ils sont. Qui sait si, à cette occasion, les aymara Evo et Choquehuanca ne feront pas preuve de plus de dignité et de décence que nous autres européens. »
MAURIZIO MATTEUZZI
Edition de mercredi 3 janvier 2007 de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/03-Gennaio-2007/art20html
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
CAPJPO-EuroPalestine