C’est par le langage des signes et des battements de paupières que les ministres et députés palestiniens qui avaient été kidnappés par le gouvernement israélien cet été, et qui sont depuis détenus dans différentes prisons israéliennes, ont dû communiquer avec leurs familles, lors de la séance du tribunal de militaire de Salem qui s’est déroulée en début de ce mois de février. Le tribunal, ses soldats et ses gardiens, avaient interdit aux prisonniers et à leurs parents de se serrer les mains ou de ommuniquer. Les otages palestiniens furent introduits dans la salle du tribunal les pieds liés, des gardiens restant debout, entre eux et leurs familles.
Ali Samoudi, de Jénine, qui a assisté à ce procès de Palestiniens dont le seul « crime » est de faire partie du Hamas, rapporte les fait suivants :
Um Rida, épouse du Dr. Hatim Jarrar, maire de la ville de Jénine, enlevé depuis le 29 juin 2006, n’a eu d’autre recours que la langue des signes pour parler à son mari, séparé d’elle et de ses enfants par les soldats. Tout au long de la séance, elle est parvenue à ravaler ses larmes et à sourire pour remonter le moral de son mari, qui n’a pas cessé de lui renvoyer son sourire et de faire des signes, malgré les interventions répétées des soldats pour l’en empêcher.
Um Rida a essayé de communiquer avec son mari pour avoir des nouvelles de sa santé, d’autant qu’il est malade. « Nous sommes très inquiets, surtout depuis que nous savons que sa santé s’est détériorée. Il souffre de diabète et de tension artérielle, et depuis son arrestation, la direction des prisons refuse de le soigner ou de lui faire passer ses médicaments. Bien que j’ignore le langage des signes, j’ai pu quand même communiquer et défier les occupants. Mon mari, a pu me faire savoir que son état de santé n’est pas alarmant, et il a demandé de mes nouvelles de et celles des enfants. J’ai ravalé mes larmes, car je ne pouvais plus supporter de le voir ainsi, alors qu’il a consacré sa vie pour le bien de son peuple et de sa ville. Il a été élu démocratiquement, mais l’occupation est là, elle arrête injustement. »
« J’étais en colère, ajoute-t-elle, lorsque je l’ai vu apparaître dans une tenue de prisonnier à la place de sa tenue de médecin et citoyen, directeur d’une importante institution sociale. Mais il m’a semblé fort, tenace, il avait le moral, la détention n’a pas entamé son courage ni sa détermination à poursuivre le chemin. Toutefois, quand je vois cela, je me demande où sont les organisations des droits de l’homme, dans le monde, qui pleurnichent sur les droits de l’homme, mais qui sont absentes, alors qu’elles se trouvaient là lors des élections municipales et législatives chez nous. Le tribunal militaire a accusé mon mari d’être membre du conseil municipal de la ville sur la liste « réforme et changement », mais chacun sait que les élections se sont déroulées en toute légalité et aux yeux du monde entier.
De même, les efforts déployés par le comité d’avocats de la défense pour obtenir la permission au détenu, ministre des finances, Umar Abdel Raziq, de serrer la main de sa mère, ont échoué. Après avoir comparu devant le tribunal, et après avoir déclaré son refus d’être jugé car il ne reconnaît pas la légalité du tribunal, le ministre avait réclamé le droit de serrer la main de sa mère, qui a été encerclée par les soldats. Le juge a refusé sa demande, sous des prétextes sécuritaires.
Nouvelle comparution le 29 mars. Prolongation de l’incarcération
Sans aucune justification, tous les détenus palestiniens doivent comparaître une nouvelle fois, le 29 mars prochain, bien qu’ils aient réfuté les accusations fantaisistes contre eux et affirmé qu’ils ne reconnaissaient pas la légalité du tribunal. Au cours des cinq heures de la séance, les représentants de la défense des ministres et députés ont réclamé la libération immédiate des détenus et la clôture du dosser, et souligné que les détenus sont en outre protégés par l’immunité parlementaire. Maître Jawad Boulos a déclaré qu’il s’agit d’une détention politique, suite à l’enlèvement du soldat israélien et la victoire de la liste « Réforme et changement » aux élections législatives.
Suite à la décision du tribunal de reporter le procès, ce fut la grande colère parmi les prisonniers, leurs familles et la défense. Le député Khalid Sa’id a déclaré : « il est clair qu’il y a une décision politique d’allonger le temps de notre incarcération, le tribunal reporte le procès à chaque fois, malgré l’incapacité du procureur à présenter des preuves accablantes contre l’un de nous. Nous refusons et dénonçons cette politique et exigeons une campagne palestinienne large pour mettre fin à cette tragédie, car notre détention est synonyme de la détention de la volonté du peuple palestinien ». Le député Ibrahim Dahbour, dont la santé s’est détériorée après son enlèvement, a affirmé : « Nous affirmons à tous que nous refusons de lier l’affaire de notre enlèvement à une solution politique, ou à la formation d’un gouvernement d’unité nationale ou même à la libération du soldat israélien. Nous demandons à tous d’assumer leurs responsabilités et d’agir pour mener une campagne nationale et dénoncer les violations israéliennes de nos droits. Tout au long de cette période, aucun de nous n’a été accusé, jusqu’à quand cette tragédie va se poursuivre ? »
Qasim Ghaleb Ayad, 22 ans, entre la vie et la mort
Le tribunal a par ailleurs refusé la libération de Qasim Ghaleb Ayad, détenu pour appartenance au Jihad islamique et dont les jours sont en danger faute de soins approprié. Il a été condamné à 6 ans de prison ferme, alors que depuis son arrestation, il y a 4 ans, son état de santé ne cesse de se dégrader. La mère de Qasim, 22 ans, exprime son inquiétude, appelant les institutions humanitaires, et notamment l’organisation Médecins Sans Frontières, à se mobiliser pour sauver la vie de son fils, détenu dans la prison Eilon.
Lors de son arrestation le 4 mars 2003, Qasim avait été blessé par balles par les soldats israéliens, sur tout le corps, et notamment à la tête et à la hanche. Mais il n’a pas été emmené à l’hôpital, au contraire, il a dû subir des interrogatoires serrés dans la prison de Ramleh. Après quelque temps, entre négligence et report, l’état de santé de Qasim s’est gravement détérioré. Il a dû être hospitalisé à la prison de Ramleh. Il avait perdu la moitié de son poids et atteint de paralysie. Malgré une intervention chirurgicale tardive, son état ne s’est pas amélioré, à cause des conditions de détention et le refus d’un suivi médical approprié. « De plus, les autorités de l’occupation refusent de m’accorder un droit de visite. Au cours de ces quatre années, je n’ai pu le voir que deux fois. », indique sa mère.
Appel pour mettre fin aux affrontements inter palestiniens
Le prisonnier Yahya Ibrahim Sanwar, Abu Ibrahim, de Khan Younes (Bande de Gaza), appartenant au mouvement Hamas, a transmis une lettre par le biais de maître Buthayna Daqmaq, de l’institut Mandela, appelant les mouvements du Fateh et du Hamas à mettre fin aux affrontement fratricides et à agir rapidement pour s’accorder à former un gouvernement d’unité nationale, et activer le dialogue pour reconstruire l’OLP.
Abu Ibrahim, qui est condamné à 426 années de prison, et qui est détenu depuis le 20 janvier 1988, se trouve actuellement dans la section d’isolement N° 4 de la prison Eshe – Beer al-Saba’, dans le Naqab. Il a écrit : « je m’adresse aux masses de notre peuple, et précisément à ses dirigeants et responsables et notamment les jeunes, leur demandant de respecter le caractère sacré du sang palestinien ; c’est une ligne rouge qu’il ne faut pas franchir, quelles que soient les raisons, notre parcours en tant que peuple, est vers la liberté et l’indépendance, vers la création de notre Etat indépendant, avec al-Quds pour capitale. C’est un parcours long, et nous sommes encore à ses débuts. Le peuple palestinien doit unifier et resserrer les rangs pour réaliser ses buts, pour lesquels il a déjà offert des milliers de martyrs, des centaines de milliers de blessés et un nombre impressionnant de détenus. « Derrière les barreaux, nous sommes déchirés, nos cœurs saignent lorsque nous regardons ces scènes de combat. Nous implorons l’ensemble des Palestiniens à ne pas se laisser influencer par les pressions extérieures qui déchirent nos rangs. »
Ali Samoudi, Jénine, 2 février 2007
(Traduit et transmis par le Centre d’Information sur la Résistance en Palestine)
CAPJPO-EuroPalestine