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Cachez ces « clandestins » que nous ne saurions voir

olivier_grandmaison_retour_camp.jpgLes camps d’internement pour « étrangers » se multiplient en France, aux frontières de l’Europe, voire un peu plus loin, de manière sournoise et violente, au mépris des droits humains les plus fondamentaux, avec un même prétexte : la nécessité de garantir la « sécurité publique ». Sous le titre « Le retour des camps ? », Olivier Le Cour Grandmaison, Gilles Lhuilier et Jérôme Valluy, dressent le constat terrifiant d’une réalité mal connue qui rapproche, à une allure vertigineuse, les Etats dits « démocratiques » des régimes les plus totalitaires. A lire d’urgence … et à écouter à l’occasion de la conférence que donnera sur ce sujet Olivier Le Cour Grandmaison, samedi prochain 24 février à 17 H, à la Librairie Résistances à Paris.


Cet ouvrage collectif publié ces jours-ci aux éditions « Autrement » éclaire de nombreux aspects méconnus de « l’internement administratif », censé correspondre à une mesure d’urgence prise dans des situations exceptionnelles, et sur la manière dont il s’est généralisé et « externalisé ».

Tout d’abord l’aspect historique, puisqu’il rappelle dans quelles circonstances ont été créés les premiers camps d’internement en France et dans son Empire, les dispositifs inhumains et les méthodes expéditives, ayant d’abord servi à mater des populations « indigènes ». Mais ils permirent aussi en 1938 de parquer des centaines de milliers d’Espagnols voulant se protéger du régime franquiste et, à partir du 1er septembre 1939, 40 000 émigrés, dont un grand nombre était des opposants farouches au régime nazi, désireux de participer à l’effort de guerre contre Hitler », mais étaient classés dans la catégorie « étrangers ressortissants des territoires appartenant à l’ennemi ».
Ceci juste avant que le régime de Vichy ne s’en prenne aux communistes, puis aux Tsiganes et aux juifs. Parmi ces derniers, 100 000 furent internés dans des camps en France, dont plus de 76 000 furent déportés.
Ces mêmes camps furent utilisés à la libération, lors de l’ « épuration », qui a essentiellement visé, non pas les collaborateurs au sein de l’appareil d’Etat, mais les « petits collaborateurs », dont les femmes s’étant affichées avec des Allemands.
A l’indépendance de l’Algérie, ce sont les harkis qui en feront notamment la dure et longue expérience.

Désormais, sous différents vocables « zones internationales », « zones de transit », « zones d’attente », le concept s’est généralisé puisqu’on peut maintenir des étrangers en rétention jusqu’à 36 jours dans 120 « zones » qui forment une véritable toile d’araignée dans l’hexagone, et les déplacer à tout moment d’une zone à l’autre.

Le tout au mépris du droit international, que rappelle le livre, les étrangers ainsi enfermés ne bénéficiant même pas des droits d’un délinquant emprisonné, du droit pour toute personne emprisonnée d’être présentée à un juge pour qu’il statue sur la validité de l’arrestation.
Entre 15 000 et 20 000 personnes sont ainsi internées chaque année en France de manière invisible, dans des bâtiments banalisés, des locaux policiers, des baraquements de chantiers, soit dans des sites déserts, éloignés, soit dans des zones à très grand trafic, comme les aéroports, ports ou gares.

L’extension importante des prérogatives policières que cela implique, a de quoi inquiéter, puisque ces étrangers qui viennent trouver refuge en France sont « entre les mains de la police » et uniquement de la police, pendant toute la durée de leur internement, et non du système judiciaire ou de travailleurs sociaux.

Les auteurs montrent par ailleurs que ce qui existe sur le territoire français n’est que la partie visible de l’iceberg, car les Etats occidentaux pratiquent de plus en plus « l’externalisation » des camps. En fait, comme certaines entreprises, ils délocalisent ou sous-traitent les camps à d’autres pays, notamment du Maghreb et de l’Europe de l’Est, ce qui leur permet de garder les « mains propres » et de faire faire le sale boulot par d’autres gouvernements, pas trop regardants, contre espèces sonnantes et trébuchantes.
Les âmes sensibles, qui s’émeuvent quand on rafle ici des enfants dans les écoles ou des sans papiers dans les restau du cœur, ne pourront pas venir se plaindre.

Ont ainsi été institués des « guichets européens de l’immigration » en Afrique du Nord et en Europe de l’Est. Dans le cadre de la PEV (« politique européenne de voisinage »), et en contrepartie d’aide de plusieurs millions d’euros, des pays ont accepté de se doter de plus de police, de filtrer les migrants et de ne laisser passer que ceux qui peuvent « nous » être « utiles ».
Plus besoin de se plier à la Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés, qui exige d’« examiner les demandes d’asile présentées par toute personne, y compris si elle est entrée illégalement sur le territoire, qui allègue avoir été persécutée ou menacée de persécution ».
On peut renvoyer dans le pays qui les a maltraités les demandeurs d’asile.

Nos gouvernements vont plus loin : ils développent ou encouragent dans de nombreux pays la notion d’ « émigration clandestine », en écho à celle d’ « immigration clandestine ». C’est-à-dire que non seulement des étrangers ne peuvent plus entrer dans un autre pays, mais ils ne peuvent plus quitter le leur. Totalement contraires à la déclaration universelle des droits de l’homme qui stipule que toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays », les mesures prises par des gouvernements qui interdisent à leurs citoyens de quitter le pays, c’est-à-dire de voyager, sont pourtant saluées par la France, comme dans le cas du Maroc.
Les mêmes « démocrates » qui traitaient l’URSS de régime totalitaire pour cette même raison, applaudissent.

Ils se livrent en outre à un ignoble marchandage avec les pays d’Afrique, notamment, monnayant leurs prébendes en fonction de l’« aide à la surveillance des frontières ».
En juillet dernier, lors de la conférence euro-africaine de Rabat, le président du Sénégal a ainsi accepté de retenir ses ressortissants contre une aide de 2,5 millions d’euros.
L’Espagne finance des camps en Mauritanie, l’Italie en Lybie, pays qui s’est vu réhabilité en 2004 en acceptant de jouer les avant-garde de la lutte contre les exilés, et qui ne mégote pas sur la répression des sub-sahariens. En 2002, le Maroc a reçu 115 millions d’euros pour un accord intégrant « le contrôle de la circulation des personnes et des frontières ». Résultat : des camps installés dans les forêts, les grottes, les banlieues populaires où tortures et meurtres sont monnaie courante. La coopération franco-algérienne intègre également la collaboration contre les migrants.

Autre effet dévastateur, relèvent les auteurs du livre : on exporte la xénophobie au Maghreb, on encourage les comportements racistes vis-à-vis des Africains. L’Union européenne a, entre autres, obligé les pays du Maghreb à introduire des visas pour les ressortissants d’Afrique.

« Le retour des camps ? » s’interroge également sur le rôle des institutions humanitaires, de type Croix Rouge, qui acceptent de gérer les camps d’internement. « On entrepose, on trie, on stocke, comme des déchets ». « On assure la survie du corps mais on favorise la disparition de la scène politique », observent les auteurs, avec une analyse particulièrement critique du HCR (Haut Commissariat aux Réfugiés ) qui est passé, sous l’influence des Etats donateurs, d’un rôle de protection des réfugiés à celui de tri, filtre et gestion des camps, un rôle « policier » qui aboutit à davantage de « déboutés », parfois envoyés à la mort que de personnes pouvant trouver un refuge dans un autre pays que le leur.

S’ils soulignent la différence de nature entre les camps de concentration destinés à exterminer les personnes internées et ces camps pour réfugiés, les auteurs de l’ouvrage n’en estiment pas moins que dans les deux cas, des hommes et des femmes, se retrouvent privés de droits, et donc « à la limite de l’humanité », comme tous ceux qui sont des hommes sans être des citoyens. C’est un « système totalitaire latent », alertent-ils.

Le « racisme d’Etat » comme l’appelait Michel Foucault a les conséquences dévastatrices de toute déshumanisation de l’humain. Même quand ce n’est pas en fonction de la race, mais de l’origine, exclure des individus en expliquant que cela va rendre la vie plus saine pour les autres, l’idée qu’il faut se débarrasser des « indésirables », des « intrus » pour « notre bien à tous », le regard que nous jetons ainsi sur l’étranger, tout cela est extrêmement dangereux.

Ils mettent en garde contre la sanctuarisation croissante des pays riches, devenus riches grâce au pillage de nombreux peuples que l’on continue à traiter avec le plus grand mépris, comme l’a montré en août dernier le déversement à Abidjan de 600 tonnes de résidus pétroliers hautement toxiques venant d’Europe.
« Vous nous asphyxiez et vous nous empêchez de sortir de chez nous ! » a dit un réfugié ivoirien.

Samedi 24 février à 17 H : Conférence-débat avec Olivier Le Cour Grandmaison

« Sangatte, Lampedusa, Guantanamo : Le retour des camps ? »

A la Librairie Résistances :

4 Villa Compoint (angle du 40 rue Guy Môquet.

75017 Paris.

M°Guy Moquet ou Brochant.

http://www.librairie-resistances.com

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