Autre analyse de la situation en Palestine, publiée par le Daily Star.
« Difficile de dire qui est le plus grotesque et le plus méprisable, des leaders du Fatah palestinien et de ceux du Hamas permettant à leurs tireurs de régler leurs comptes dans les rues de la Bande de Gaza et de Cisjordanie, ou de l’administration américaine accordant son soutien aux « modérés » de Palestine « désireux de négocier la paix avec Israël ».
La secrétaire d’état étatsunienne, Condoleezza Rice a téléphoné au président Mahmoud Abas jeudi pour souligner le soutien américain au « modérés » tel qu’ABBas, engagés dans une paix négociée avec Israël. Elle a aussi appelé les dirigeants des Etats arabes « modérés » à unir leurs soutiens, en faveur d’Abbas contre le Hamas. Il est surréaliste de constater que tout cela soit intervenu au moment où les forces du Hamas mettaient en déroute les forces de sécurité du Fatah et prenaient le contrôle de tous les bâtiments publics de Gaza, et alors que Abbas démontrait que le sort de cette « modération » arabe qu’il représente n’a plus d’ancrage dans la réalité, et surtout n’est plus très crédible chez les Arabes.
Abbas a déclaré l’état d’urgence jeudi et dissout le gouvernement palestinien. Pourtant, la réalité sur le terrain démontre que le gouvernement palestinien est une fiction et que l’état d’urgence est un état imaginaire. La « modération » d’Abbas et de son mouvement, le Fatah, a été une noble cause nationaliste il y a trente ans. Mais l’incompétence du Fatah lui-même et sa corruption rampante -surtout après la prise de contrôle de la Cisjordanie et de Gaza après les accord d’Oslo en 1993- ont plongé le mouvement dans un embarras que le poster du gamin pathétique et errant affiché par le Département d’Etat américain passe à la trappe.
Même dans ce moment d’échec absolu et d’humiliation complète d’Abbas -son quartier présidentiel occupé, ses gardes dispersés, son gouvernement inexistant, ses ordres dénués de sens, son peuple puni et affamé- cette « quintessence d’Arabe modéré » est présenté publiquement par la secrétaire d’Etat US sous l’angle de sa volonté de négocier la paix avec Israël.
Toutefois Abbas persévère, héroïque et touchant d’une certaine manière, mais surtout tragique et sans avenir, personnage dont l’incompétence le dispute au manque de pertinence, excepté aux yeux du gouvernement américain qui l’utilise pour ses jeux diplomatiques en Palestine. Il y a déjà longtemps que les Israéliens ont abandonné Abbas et son Fatah sclérosé, qui a engendré la même sorte de milices locales et de gangs qui prolifèrent dans d’autres pays arabes à problème.
La première leçon à tirer de cette catastrophe palestinienne concerne les Palestiniens eux-mêmes, contraints d’endurer un destin lié à la qualité de leur leadership. Le Fatah a dominé le mouvement national palestinien depuis ses débuts, au cours de ces dernières quarante années, et avait forgé un mouvement national unifié, avec des buts diplomatiques réalistes, basés plus tard sur une solution à deux Etats, laquelle recueillait un important soutien international. Tout cela a été gâché et réduit à néant au cours des dix dernières années. Gaza ressemble à la capitale ravagée de Somalie, Mogadiscio, parce que son désarroi politique devient lentement le reflet des séquelles somaliennes, un Etat en train de se désintégrer, remplacé par des chefs militaires concurrents.
Le Hamas porte également une part de responsabilité, mais bien moindre que celle du Fatah, parce qu’il n’a partagé le pouvoir que pendant à peine plus d’un an, et pas vraiment, en raison du boycott financier international. Nous ne savons pas si le Hamas fera du meilleur travail que le Fatah, parce qu’il n’a pas eu le temps de faire ses preuves. Peut-être le découvrirons-nous dans les mois à venir.
Une autre leçon que nous devrions tirer de cette situation c’est l’impact dévastateur de l’hypocrisie israélienne, américaine et anglaise qui s’est révélée historiquement l’accoucheuse d’une « autorité palestinienne » incompétente et violente. Aussi longtemps qu’Israël et ses alliés occidentaux persisteront dans leur honteux deux poids, deux mesures -réclamant la modération palestinienne tout en acceptant les colonies israéliennes ; faisant la promotion de la démocratie arabe tout en essayant d’étrangler à mort un gouvernement palestinien démocratiquement élu ; faisant pression sur les Palestiniens pour qu’ils négocient des accords tout en soutenant sans réserve l’unilatéralisme israélien qui rejette les négociations- aucun gouvernement palestinien crédible et légitime ne pourra jamais prendre racine. Il y a une loi à la fois physique et politique selon laquelle le mensonge engendre le chaos et la tromperie conduit à la destruction.
Toutes les parties concernées doivent ensemble casser le cycle brutal de l’occupation et de la colonisation israélienne, de l’incompétence domestique et de l’auto- destruction palestinienne, de la complicité hypocrite de l’occident, sous la houlette des USA et des Britanniques, comme de l’incompétence indifférente arabe.
La combinaison de ces quatre dynamiques persistant depuis des années a été une catastrophe pour tous, qui n’a abouti qu’à la radicalisation et au recours permanent aux milices sur tous les fronts.
On a besoin de deux choses pour sortir les Palestiniens de cette fosse tragique dans laquelle ils sont tombés. La première est de reconnaître que la situation dans laquelle ils sont embourbés est une combinaison de leurs jeux politiques et du peu de moralité des autrs acteurs de la scène internationale. La seconde exige que la communauté internationale se préoccupe des Palestiniens sur la base de leurs droits et de leurs besoins, au lieu de les traiter comme des expédients, instruments liés au exigences israéliennes et aux fantasmes américains. Dans le cas contraire, on récolte ce que nous observons en ce moment.
Rami G. Khouri
Daily Star
Mon Jun 18, 2007 8:31 am (PST)
http://www.dailystar.com.lb/article.asp?edition_id=10&categ_id=5&article_id=83067#
(Traduit par Carole Sandrel)
CAPJPO-EuroPalestine