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Avraham Burg compare Israël à l’Allemagne d’avant 1933

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« Israël est un ghetto sioniste, un endroit violent », écrit l’ancien président de la Knesset Avraham Burg, dans son essai intitulé « Lenatzea’h èt Hitler (Vaincre Hitler). Dans une interview au Quotidien Haaretz, traduite et publiée par Courrier International, il explique pourquoi il compare Israël à Hitler, et indique notamment que la loi du Retour, qui octroie la citoyenneté israélienne à toute personne née dans la diaspora et considérée comme juive selon la tradition religieuse orthodoxe, est le reflet de la doctrine d’Hitler, et la définition reprise littéralement par les lois de Nuremberg. « La dimension israélienne de mon identité me coupe de mes deux autres dimensions, l’humaine et la juive », indique-t-il pour expliquer son antisionisme.


“Israël a le choix entre la foi et l’effroi”

Dans son dernier essai, “Vaincre Hitler”, l’ancien président de la Knesset Avraham Burg attaque de front le sionisme et compare Israël à l’Allemagne d’avant 1933. L’entretien qu’il a accordé à Ha’Aretz a suscité des milliers de réactions, souvent indignées.

Monsieur Burg, j’ai lu votre nouvel essai, Lenatzea’h èt Hitler [Vaincre Hitler]*, qui vous inscrit en rupture avec le sionisme. Etes-vous encore sioniste ?

AVRAHAM BURG Je suis un être humain, un Juif et un Israélien. Le sionisme a été le vecteur pour passer de l’état de Juif à celui d’Israélien. Il me semble que c’était Ben Gourion [fondateur de l’Etat d’Israël] qui déclarait que le mouvement sioniste était un échafaudage nécessaire pour construire notre foyer national et qu’il fallait le démonter aussitôt après avoir construit notre Etat.

Donc, vous n’êtes plus sioniste ?

Tout notre XXe siècle a été marqué par le premier Congrès sioniste [de 1897, à Bâle] et la victoire du sionisme [politique] de Theodor Herzl sur le sionisme [spirituel] d’Ahad Ha’Am [de son vrai nom Asher Hirsch Ginsberg, fondateur des Amants de Sion et pionnier de la renaissance littéraire hébraïque en Ukraine]. Le XXIe siècle devrait être celui d’Ahad Ha’Am.

Le sionisme, c’est la foi en la création et la consolidation d’un Etat national juif et démocratique. Avez-vous perdu cette foi ?

Dans sa définition actuelle, je ne partage plus cette foi. Pour moi, l’Etat d’Israël ne peut être qu’un moyen, pas une fin, car il est indifférent aux aspirations spirituelles et mystiques exprimées par la religion juive. En outre, faire de cet Etat l’instrument de notre rédemption collective, tout en nous acharnant à le définir comme démocratique, ce n’est pas seulement impossible, c’est de la dynamite.

Faut-il amender la loi du Retour ?

Le tort de cette loi, c’est d’être le reflet de la doctrine d’Hitler [la loi du Retour octroie la citoyenneté israélienne à toute personne née dans la diaspora et considérée comme juive selon la tradition religieuse orthodoxe, une définition reprise littéralement par les lois de Nuremberg]. Et je refuse de voir mon identité définie par Hitler. Nous devons vaincre Hitler.

Vous écrivez que si le sionisme n’est qu’une idéologie catastrophiste, alors vous n’êtes pas seulement postsioniste mais antisioniste. Vous savez pertinemment que, depuis les années 1940, la dimension catastrophiste est inséparable du sionisme. Donc, vous êtes antisioniste.

Ce qu’Ahad Ha’Am reprochait à Theodor Herzl, c’était de fonder le sionisme sur le seul antisémitisme des gentils [non-Juifs]. Ahad Ha’Am voulait faire d’Israël un centre spirituel fondé sur nos ressources spirituelles. Son heure est venue. Le sionisme de confrontation vit ses dernières heures. Notre sionisme de confrontation contre le monde entier est en passe de nous mener au désastre.

Au-delà de vos positions sur le sionisme, c’est tout votre livre qui respire l’anti-israélisme.

Enfant, j’étais un Juif – dans l’acception populaire, israélienne et dénigrante du terme -, un yehudon, un “petit Juif”. J’avais été scolarisé dans un heder [école religieuse]. Ensuite, toute ma vie, j’ai été un Israélien, par la langue, les symboles, les goûts, les senteurs, les lieux, tout. Mais, aujourd’hui, ça ne me suffit plus. Je suis davantage qu’un Israélien. La dimension israélienne de mon identité me coupe de mes deux autres dimensions, l’humaine et la juive.

Ce qui vous permet de prononcer des paroles terribles à notre encontre.

Mon livre est un livre d’amour, et l’amour peut blesser. Je vois mon amour se faner sous mes yeux. Je vois ma société et mon pays se détruire.

Comment pouvez-vous parler d’amour quand vous écrivez que les Israéliens ne comprennent que la force ? Si quelqu’un disait que les Arabes ou les Turkmènes ne comprennent que la force, il serait traité de raciste. Et à juste titre. Vous dites aussi qu’Israël est un ghetto sioniste, un endroit violent qui n’a confiance qu’en lui-même.

Regardez ce qui s’est passé avec le Liban [la guerre de juillet 2006]. Tout le monde a dû convenir que la force n’était pas une solution. Que disons-nous quand il s’agit de Gaza ? Que nous allons leur rentrer dedans, les éliminer. Nous n’apprenons rien. Cette violence n’irrigue pas seulement les rapports entre nos deux nations [israélienne et palestinienne], mais entre tous les individus. Il suffit d’entendre un simple échange verbal dans la rue entre des Israéliens ou d’écouter les femmes battues pour prendre la mesure de la violence qui nous empoisonne. Regardons-nous dans un miroir.

Pour vous, notre problème, ce n’est pas seulement l’occupation, mais un Israël qui serait le fruit d’une abominable mutation ?

L’occupation n’intervient que peu dans le fait qu’Israël est une société effrayée. Pour comprendre pourquoi nous sommes obsédés par la force et éradiquer cette obsession, il faut traiter nos peurs. Notre effroi suprême, notre effroi originel, ce sont les 6 millions de Juifs mis à mort durant la Shoah.  »

Avraham Burg. Entretien accordé au quotidien israélien Haaretz

Courrier International

Mercredi 8 août 2007

CAPJPO-EuroPalestine

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