Alima Boumediene-Thiery souligne notamment que l’argument du Quai d’Orsay (à géométrie variable, comme on a pu le constater, ndlr), selon lequel le gouvernement ne pourrait « interférer avec la justice d’un autre pays », est contredit par la jurisprudence de la Cour Internationale de Justice.
Lire ci-dessous la lettre de la sénatrice à Rama Yade.
Secrétariat d’Etat chargé des Affaires étrangères et des droits de l’Homme
Madame le Secrétaire d’Etat Rama Yade
37, Quai d’Orsay
75007 Paris
Paris, 11 décembre 2007
Madame le Secrétaire d’Etat aux droits de l’homme,
Je souhaite par la présente attirer votre attention sur la situation de Salah Hamouri, ressortissant français âgé de 22 ans.
Etudiant à l’Université de Béthléem, en Israël, ce jeune homme, accusé d’être membre du Front Populaire de Libération de la Palestine, est détenu depuis le 13 mars 2005 dans une prison israélienne.
Le Quai d’Orsay a d’ores et déjà été alerté de cette situation. Par la voix de son porte-parole, le Quai d’Orsay s’est refusé à tout commentaire prétextant qu’il ne pouvait « interférer avec la justice israélienne ».
Je me permets aujourd’hui d’attirer à nouveau votre attention sur la situation dramatique dans laquelle ce citoyen français est détenu : les conditions de détentions qu’il subies sont intolérables et portent atteinte au principe de respect de la dignité humaine.
Privation de soins, encellulement insalubre, mauvais traitements et humiliations sont le lot quotidien de ce français.
Bien que le respect de la souveraineté des Etats interdisent d’interférer dans des procédures judiciaires d’autres pays, il me semble utile de rappeler que des procédures diplomatiques existent en droit international afin de permettre à un Etat de faire valoir les droits d’un de ses citoyens lorsque celui-ci encoure des risques d’atteinte à la dignité humaine ou des mauvais traitements.
Le principe de la souveraineté doit en effet plier devant certaines considérations, notamment humanitaires. Il s’agit du droit d’ingérence qu’il s’agit aujourd’hui d’appliquer, afin de permettre à un citoyen français de pouvoir jouir du droit de ne pas subir de mauvais traitements.
En effet, le mécanisme de la Protection diplomatique permet dans ces situations à un Etat de prendre fait et cause d’un citoyen et d’obtenir que ce dernier puisse être jugé dans son Etat d’origine lorsqu’il existe des raisons objectives de penser qu’il court un risque de faire l’objet d’un mauvais traitement.
Selon la jurisprudence de la Cour Internationale de Justice, la protection diplomatique «consiste en l’invocation par un Etat, par une action diplomatique ou d’autres moyens de règlement pacifique, de la responsabilité d’un autre Etat pour un préjudice causé par un fait internationalement illicite dudit Etat à une personne physique ou morale ayant la nationalité du premier Etat en vue de la mise en oeuvre de cette responsabilité» (article 1er du projet d’articles sur la protection diplomatique adopté par la Commission du droit international (CDI) à sa cinquante-huitième session (2006)).
La situation de Monsieur Salah Hamouri répond aux conditions de mise en œuvre de la protection diplomatique, à savoir l’épuisement des voies de recours internes et le lien de nationalité.
La situation est intolérable, et le Gouvernement, à votre initiative, doit intervenir afin de permettre à Salah Hamouri d’être rapatrié en France.
Bien que cette situation soit politiquement très sensible, il est du devoir du Gouvernement d’apporter toute la lumière sur la situation de M. Salah Hamouri et il lui incombe de prendre ses responsabilité afin de protéger ses nationaux en territoire étranger.
Convaincue que vous saurez porter une attention particulière et bienveillantes à cette requête, je vous prie, Madame, de bien vouloir croire en ma respectueuse considération.
Alima Boumediene-Thiery